Politique

« Je n’ai pas d’autre pays » écrit l’Israélien Ehud Manor dans un poème cité par Nancy Pelosi devant le Congrès américain. « Il n’y a pas d’Israël pour moi » dit le narrateur de Soumission, le roman de Michel Houellebecq. Danny Trom propose, à partir d’une analyse conjointe de ces deux énoncés, une distinction entre plusieurs expériences du rapport politique à son propre pays :  celle de n’avoir qu’un seul pays, celle de ne plus en avoir d’autre, et celle d’avoir une alternative fut-elle impraticable. Se pose ici la question : tout citoyen de son État en Europe, à présent, n’est-il pas en situation de toucher du doigt l’expérience juive ?

Le cas de la communauté juive renaissante de Vienne est-il le signe qu’une forme nouvelle de l’existence juive diasporique s’esquisse ? Telle est la proposition de Julie Cooper et Dorit Geva qui y déchiffrent, suivant le schème de l’historien Simon Doubnov, l’émergence en Europe d’une nouvelle forme communautaire, non pas nationalisée, mais insérée dans l’Union politique européenne. Elle pourrait servir de modèle, capable de s’imposer comme une alternative à la forme nationale incarnée dans l’Etat d’Israël et celle, peut-être en déclin après avoir dominée, du judaïsme américain.

La question de l’interdiction de l’abattage rituel (shehita) s’est posée plusieurs fois aux Juifs en Europe. Shai Lavi nous rappelle que, confrontées à cette situation, les autorités traditionnelles ont toujours réagi en cherchant à s’adapter au contexte dans lequel cette interdiction était formulée – ce qui supposait de bien identifier l’intention qui la motivait. Puisque seul le motif antisémite condamne tout compromis, il est d’une extrême importance de bien l’établir avant de trancher. Le texte de Shai Lavi, professeur de droit, suggère que nous serions bien inspirés aujourd’hui de prolonger cette enquête chaque fois que les juifs sont pris dans une polémique de cette sorte.

La pluralité des mises en accusation des juifs impose de retravailler en permanence les concepts qui servent à les caractériser. Depuis quelques années, la notion « d’antisémitisme secondaire » ou « antisémitisme de rejet de culpabilité » s’est ainsi imposée pour caractériser des nouvelles formes d’hostilité anti-juives qui se rapportent à la Shoah pour la nier, la relativiser, en inverser la responsabilité, etc.

Il y a tout juste un an — le 29 octobre 2020 — Jeremy Corbyn était exclu du Labour qu’il avait dirigé de 2015 à 2020. Cette exclusion faisait suite aux réserves qu’il avait exprimées sur les conclusions du rapport de l’EHRC portant sur l’antisémitisme au sein du Labour remis à son successeur Keir Starmer. K. en présente ici une synthèse. Elle rend compte à la fois de ce que fut la réalité de l’antisémitisme au sein du Labour mais aussi de la manière dont, après la démission de Corbyn, les travaillistes surent le regarder en face.

C’est aujourd’hui, le 20 octobre, que le jugement de Cassandre Fristot a été rendu. Aussi, nous avons voulu revenir sur la rhétorique dont témoignait la pancarte, et son fameux « Qui ? », brandie par cette militante d’extrême droite lors d’une manifestation contre le pass sanitaire. L’image est vite devenue virale. Elle fournit un cas d’école d’un antisémitisme à décrypter, où il s’agit pour le locuteur de dire ce qu’il pense tout en se camouflant et de coder la violence de son propos pour le faire circuler dans l’espace public.

Qu’est-ce que « assumer » peut bien vouloir dire dans l’imaginaire zemmourien de la France. Notre petit Karl Kraus à nous — qui ne saurait bien sûr remplacer l’original qui manque si cruellement à notre époque — imagine Zemmour cherchant des arguments pour « assumer » et donc absoudre l’horreur de la violence couvée et couverte par l’Église catholique de France révélée la semaine dernière par le rapport de la CIAISE, lui, le juif disant que « pour devenir français, il faut s’imprégner du catholicisme » et  qui n’a pas de problème pour « assumer » et absoudre la participation de la France dans la déportation des Juifs.

Depuis de nombreuses années, le lien entre islam et politique s’est imposé au cœur de notre actualité européenne. Il s’est invité comme un problème, et nous avons toute la peine à en comprendre la logique. L’ouvrage d’Anoush Ganjipour – ‘L’ambivalence politique de l’islam’ qui vient de paraître au Seuil – n’est pas une contribution parmi d’autres à cette interrogation, il se distingue par la profondeur et la radicalité de l’analyse interne, frontale, qu’il nous propose. Rencontre.

Que recouvre le phénomène Zemmour ? La popularité croissante du tribun nationaliste mérite d’être remise à sa vraie place : celle du conflit des identités qu’on a laissé enfler depuis au moins deux décennies, où aucune des positions en lutte n’a la légitimité à laquelle elle prétend.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.