Le propre de l’horreur, c’est de ne se laisser interroger qu’avec difficulté. Qu’elle fascine le regard rendu captif (et donc aveugle) ou qu’elle oblige à détourner les yeux, l’horreur semble déjouer nos capacités de compréhension, comme si elles touchaient là à leur limite. Alors qu’une vidéo de l’otage israélienne Liri Albag a été diffusée la semaine dernière par le Hamas, venant réactiver l’horreur première de l’événement, la question se pose à nouveau :  que faire de ces images qui témoignent de l’insupportable des crimes du 7 octobre, et que les terroristes du Hamas ont cherché à propager ? Pour Emmanuel Taïeb, dont le texte nous invite à réfléchir au destin de ces images, il n’est pas question de renoncer à un regard lucide sur elles, à condition de déplacer la focale vers leurs usages. Car, contre l’intention initiale de ceux qui les ont prises, l’utilisation de ces images à des fins mémorielles ou de mobilisation politique témoigne de leur réversibilité. Refuser de se confronter à l’horreur, ce serait alors laisser les horribles avoir le fin mot de l’histoire.

En Europe, et en Allemagne tout particulièrement, la mémoire de l’horreur implique une responsabilité, et la résistance contre son retour engage la société dans son ensemble. Nous publions cette semaine la seconde partie de l’enquête consacrée par Monty Ott à la lutte contre l’antisémitisme allemande. Après avoir interrogé la place de l’État dans cette lutte, et les débats qui entourent son action, ce sont maintenant les mesures prises qui sont passées au crible, jusque dans leurs limitations. Car si la sécurité des juifs allemands est devenue un enjeu politique majeur, et celle d’Israël « une affaire d’État », elles se sont par la même trouvées ouvertes aux tentatives d’instrumentalisation politique et aux effets d’annonce…

 

>>> Suite de l’édito

 

Les images des crimes du 7 octobre ont suscité, au-delà d’un choc bien compréhensible, de nombreux débats : fallait-il montrer l’horreur que les terroristes du Hamas ont cherché à filmer et à diffuser ? Emmanuel Taïeb interroge ici le destin de ces images et les usages politiques qui en ont été fait, mettant en évidence leur réversibilité et le risque qu’il y aurait à les invisibiliser.

Alors que l’Allemagne bataille toujours avec les spectres de son passé, sa réponse à la montée contemporaine de l’antisémitisme vient interroger la complexité de cohésion nationale. Les mesures récemment prises pour combattre ce fléau à tous les niveaux de la société illustrent la manière dont, à une authentique préoccupation pour la vie juive, peuvent venir se mêler des manœuvres politiques. La seconde partie de l’enquête menée par Monty Ott interroge les enjeux éthiques et sociétaux de la lutte allemande contre l’antisémitisme.

Avec la revue K. s’est ouvert un espace d’exposition et de débats qui prend la condition des Juifs d’Europe à bras le corps et s’en sert comme d’un prisme pour repenser la situation européenne. Elle se fonde sur le diagnostic d’une double crise, attestée par l’antisémitisme et l’inquiétude quant au maintien d’une présence juive en Europe d’une part, quant à la difficulté pour l’Europe de définir son horizon politique d’autre part. Elle part de la conviction que, sans se confondre, les deux crises ont partie liée et doivent être traitées ensemble pour qu’une issue se dessine. Ce texte est la version augmentée de celui paru dans le premier numéro.

Monty Ott examine l’état de la lutte contre l’antisémitisme en Allemagne, où l’urgence des problématiques contemporaines se trouve colorée par la responsabilité allemande dans la Shoah. À l’aide de la philosophie d’Adorno, et alors que la violence antisémite se déploie depuis le 7 octobre, la première partie de son enquête interroge la place de l’État dans ce combat, et la nécessité d’une approche impliquant l’ensemble des sphères de la société.

À l’occasion de la commémoration des dix ans des attentats de 2015, et de la soirée organisée en commun par le CRIF et Charlie Hebdo, Bruno Karsenti interroge le sens de cette alliance sous le slogan « Nous sommes la République ». Car si les juifs ont embrassé la condition politique moderne, c’est selon une modalité critique qui emporte une certaine acception de la République.

Pour le dernier numéro de 2024, nous vous proposons de lire ou relire les 7 articles les plus lus cette année passée.   De la ‘fragilité goy’. Réponse juive à…

Parmi tous les courriers plus ou moins agréables adressés à la rédaction de K., une lettre nous a fait particulièrement chaud au cœur. Elle provient d’un de nos plus estimés collaborateurs qui, paradoxalement, vient de découvrir qu’il écrivait pour la revue.

Pour soutenir la Revue K., c’est ici : www.k-larevue.com/soutenir/

À un dîner de famille, une réflexion antisémite, dite l’air de rien, vient rompre l’atmosphère festive, et précipiter la rupture. O. Bouquet nous propose ses variations sur le topos de « l’oncle raciste », en profitant pour interroger un pan de l’histoire familiale et nationale. 

Daniel Cohn-Bendit développe sa position résolument critique du gouvernement israélien et en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien. Dans cet entretien, Julia Christ et Danny Trom l’interrogent sur son judaïsme, son rapport au sionisme, sur la manière dont il perçoit les mouvements pro-palestiniens et le BDS, mais aussi sur l’Europe et les populismes…

À l’occasion de la soirée K. sur scène, centrée sur le thème du Dernier des juifs, Ruben Honigmann nous a invité à une méditation au sujet de ces fins qui n’en finissent pas. Nous publions le texte de son intervention.
« Dernier juif est ce pléonasme qui dessine le contour de ce qu’être juif signifie : tenir en équilibre au-dessus de l’abîme, à cheval entre l’extinction et l’éternité. »

Chères lectrices, chers lecteurs,

Nous avons le plaisir de vous inviter à une session Zoom exceptionnelle, organisée dans le prolongement de la soirée K. sur scène dédiée aux “Derniers Juifs de” : “Être marrane: le choix des derniers juifs de Belmonte”, avec le réalisateur Jonathan Hayoun, le dimanche 22 décembre prochain.

Avec le soutien de :

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.