La semaine dernière, Éric Zemmour écumait les plateaux télé pour faire la promotion de son dernier livre, La messe n’est pas dite : Pour un sursaut judéo-chrétien. Présenté comme un manifeste civilisationnel visant à redonner espoir à ceux qui regrettent la corruption de l’identité nationale française par les forces cosmopolites et autres islamo-gauchistes, Zemmour y exprime toutefois un constat acerbe : il y en a qui refusent de dire la messe. Cette matrice idéologique – toute laïcisée et nationalisée qu’elle apparaisse –, le texte de Gabriel Abensour nous en rappelle la parenté avec l’antijudaïsme catholique. La conception civilisationnelle de Zemmour peut bien se revendiquer « judéo-chrétienne », elle n’en exige pas moins des juifs une assimilation jusqu’au reniement, jusqu’au sacrifice de la conscience historique qu’ils ont d’eux-mêmes. Et le spectacle médiatique offert est d’abord celui d’une conversion publique à la France éternelle du « juif métèque » qui, dans le même geste où il prononce la messe nationale, assigne à la « remigration » ceux qui s’obstinent dans leur particularité.
Il y a cent ans, naissait en Lituanie, à Vilnius, le YIVO – Institut scientifique juif. Depuis la Seconde Guerre mondiale, où il fut déplacé à New York, le YIVO continue d’enseigner, de diffuser et de conserver la langue yiddish et la culture ashkénaze depuis les États-Unis. À l’occasion de son centenaire, Macha Fogel a rencontré pour K. l’historienne américaine Cecile Kuznitz, dont l’ouvrage YIVO and the Making of Modern Jewish Culture explore l’histoire de cette « Académie yiddish » et son rôle dans la construction d’une identité juive moderne…
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Cela faisait longtemps, et pourtant, ça ne nous avait pas manqué. Cela, c’est cet antijudaïsme typiquement catholique que l’on croyait relégué aux oubliettes de l’histoire, mais dont le dernier pamphlet d’Éric Zemmour, La messe n’est pas dite, vient de proposer une réactivation sécularisée et nationaliste. Gabriel Abensour réinsère ici le discours zemmourien dans cette tradition atavique, non sans interroger les paradoxes de son auteur : qu’espère un « juif métèque » en allant fouiller du côté de Maurras ?
Né en 1925 à Vilnius, le YIVO – Institut scientifique juif – voulait être le « toit » de la culture yiddish. Cent ans plus tard, installé à New York, il reste la référence mondiale pour l’étude et la transmission de l’univers ashkénaze. À l’occasion de ce centenaire, nous avons rencontré l’historienne Cecile Kuznitz, qui retrace pour nous l’aventure intellectuelle et politique de cette institution unique.
En Suisse, deux villages aujourd’hui presque vides de Juifs conservent les traces d’une histoire longtemps oubliée : Endingen et Lengnau furent, pendant des siècles, les seuls lieux de résidence autorisée aux Juifs en Suisse. Synagogues au centre du village, maisons à double portes, mikvés, cimetière commun : un monde d’équilibres fragiles et de coexistence contrainte. La journaliste Evelyne Dreyfus et le photographe Eric Beracassat sont retournés sur ces terres où, autrefois, c’était la synagogue qui donnait l’heure - et où subsiste encore, dans les pierres et dans les noms, la mémoire d’une communauté presque effacée.
Après le texte d’André Markowicz que nous avons publié la semaine dernière sur le concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris, nous avons reçu ce témoignage d’un spectateur présent dans la salle. Il revient, à hauteur de siège, de musique et d’émotion, sur cette soirée du 6 novembre 2025 : drones au-dessus du bâtiment, interruptions, fumigènes, hymne israélien en bis. À travers Beethoven et Tchaïkovski, ce récit interroge ce que peut un concert quand l’actualité s’invite au cœur même de l’écoute.
Les propos de la ministre de l’égalité des chances du gouvernement Meloni remettant en cause les voyages scolaires à Auschwitz ont ravivé un débat ancien sur la mémoire de la Shoah dans l’espace public italien. Historienne de la diaspora juive, Serena Di Nepi raconte pourquoi elle n’a jamais participé à ces « Voyages de la Mémoire » pourtant devenus un rite civique central. Entre histoire familiale, transmission intime et cérémonial institutionnel, elle explore le décalage profond entre mémoire juive et mémoire nationale, et la manière dont le judaïsme continue de se dire en Italie hors des cadres commémoratifs officiels.
Pour l’historien Omer Bartov, la mémoire de la Shoah a éclipsé la Nakba et participe de la continuation de la catastrophe palestinienne : dans son dernier livre, il cherche alors à les replacer dans un même horizon historique et moral. Eva Illouz nous donne ici une lecture de cette entreprise qui interroge les œillères politiques de Bartov : jusqu’où comparaison est raison et ne dénature pas les objets qu’elle rapproche ?
Katharina von Schnurbein est Coordonnatrice de la Commission européenne pour la lutte contre l’antisémitisme et la promotion de la vie juive. K. l’interroge ici au sujet de sa mission, de l’horizon poursuivi par les politiques européennes sur ces enjeux, et des difficultés qu’elles rencontrent, en particulier dans les deux dernières années
Le conflit israélo-palestinien n’a pas seulement fracturé le Moyen-Orient : il a rouvert une fissure au cœur de l’Europe. Pourquoi cette guerre lointaine est-elle devenue la « question » sur laquelle le continent se déchire ? Que révèle-t-elle de notre idée de justice, de notre mémoire et de notre confiance en l’émancipation ? En retraçant la généalogie des grandes « questions » européennes – sociale, nationale, féministe –, Julia Christ invite à un déplacement radical du regard : et si ce qui vacille aujourd’hui n’était pas seulement une position politique, mais la conscience même de ce que l’Europe veut dire ?
Ce texte, initialement publié par André Markowicz sur sa page Facebook, revient sur les interruptions violentes survenues le jeudi 6 novembre dernier, lors du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris. Markowicz y interroge la logique politique de ces actions, et montre comment, derrière le mot d’ordre du boycott, s’opère parfois le glissement d’une critique d’État vers la désignation d’un peuple « en bloc ».
Conférence de fin d’année de la Revue K. : Quel avenir pour les Juifs d’Europe ? Lundi 24 novembre à 20h au MK2 Gambetta. Eva Illouz, Bruno Karsenti, Sergio DellaPergola…
L’élection de Zohran Mamdani à la mairie de New York, qui en fait le premier maire ouvertement antisioniste de la métropole, dépasse de loin les frontières de la politique municipale. Ce succès, porté par une jeunesse progressiste et une partie significative des Juifs américains, révèle la profondeur des fractures générationnelles et idéologiques au sein du judaïsme américain. Entre désaffection croissante envers Israël, montée de l’antisémitisme et recomposition du Parti démocrate, la victoire de Mamdani agit comme un révélateur brutal d’un monde juif américain en plein trouble identitaire.
Trente après l’assassinat de Rabin, que reste-il du camp de la paix ? Ilan Greilsammer rappelle ici quels étaient les objectifs poursuivis par la politique de Rabin, et dresse le constat amer d’un devenir majoritaire du camp de la droite. L’incurie de ce dernier, révélée par le 7 octobre et la conduite de la guerre à Gaza, permettra-t-elle de rebattre les cartes ?
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La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.