Alors que, pour son premier anniversaire, le 7 octobre est partout discuté dans les médias – et que nous venons nous-mêmes de publier un livre au sujet de ses suites -, nous nous sommes demandé comment le commémorer. Que reste-t-il à en dire, qui n’ait pas déjà été mille fois répété ? Peu, nous semble-t-il, et c’est pourquoi nous avons choisi la sobriété : un texte sur le 7 octobre, pas plus. Mais nous tenions par ailleurs à rappeler qu’il n’avait pas fallu longtemps pour savoir clairement et distinctement ce qu’il y avait à en dire et à en penser : nous publions ici « Réflexions d’octobre », un texte adapté d’une conférence donnée par David Seymour fin novembre 2023. Il y est question du double maléfique de la modernité occidentale, et de la possibilité que ce qui ait été révélé par le 7 octobre, ce soit la permanence de la Question juive.

Un débat a été lancée par Gabriel Abensour dans K. En février dernier, il déplorait dans nos colonnes la tiédeur et le désarroi du franco-judaïsme, qu’il expliquait par l’oubli de ses héritages spirituels, notamment sépharades. En avril, c’est David Haziza qui lui répondait, regrettant pour sa part qu’on ait cherché à rendre le judaïsme moderne et présentable, au mépris de sa vitalité. Et voilà maintenant que Julien Darmon vient ajouter son grain de sel à la discussion, s’étonnant qu’il nous soit apparemment si difficile d’apprécier les réalisations du franco-judaïsme là où elles ont effectivement eu lieu. Pourquoi lorgner vers l’étranger quand les savants et intellectuels juifs français n’ont pas démérité ? Et vers où tourner notre regard aujourd’hui, s’il s’agit d’espérer un regain de vitalité du franco-judaïsme ?

À rebours, le titre n’aurait pu être mieux choisi. Car quelle idée étrange, pour un juif des années 30, que de quitter New York pour retourner s’installer en Pologne…

>>> Suite de l’édito

 

Le 7 octobre a fait sur le monde juif l’effet d’une déflagration, dont l’onde de choc s’est étendue bien au-delà d’Israël. Un an après, nous donnons à lire les réflexions concomitantes de David Seymour au sujet des conséquences du massacre sur les juifs en diaspora. Et si ce qui avait alors été révélé, c’était la permanence, sous de nouveaux habits, de la "Question juive" ?

En février dernier, Gabriel Abensour se désolait dans nos colonnes d’un désarroi du franco-judaïsme, déplorant sa tiédeur et l’oubli de ses héritages spirituels. Après David Haziza, c’est au tour de Julien Darmon de lui adresser une réponse amicale. Plutôt que de lorgner du côté du modèle allemand du XIXe, ou d’envier la diffusion des penseurs juifs anglo-saxons, ne ferait-on pas mieux d’apprécier et d’encourager la créativité intellectuelle du monde juif français, dans sa spécificité ?

1934. Venu de New York, où il vit depuis vingt ans, Jacob Glatstein s’installe dans une pension de famille de sa ville natale. Lui, le poète yiddish, n’a de cesse de dresser alors le portrait des pensionnaires, de faire parler ses interlocuteurs et de les écouter. Il se régale à livrer ainsi une photographie de la Pologne, ce pays qu’il a quitté vingt ans plus tôt. Séjour à rebours, de Jacob Glatstein, traduit par Rachel Ertel, vient de paraître aux éditions de l’Antilope. Bonnes feuilles.

Et si l’antijudaïsme n’était pas seulement un préjugé irrationnel à l’encontre des juifs, mais une structure fondamentale de la pensée occidentale ? C’est la thèse défendue par David Nirenberg dans Antijudaïsme, que cette conférence de juin 2023 au Collège de France présente à l’occasion de sa traduction en français. On y découvre un problème vertigineux : la dépendance de nos systèmes moraux, philosophiques et critiques à une figure repoussoir du juif imaginaire.

Alors que l’actualité immédiate est celle des opérations militaires et des assassinats ciblés, qu’il est question de l’équilibre régional voire mondial, Noémie Issan-Benchimol, dans cette lettre de Jérusalem, veut nous ramener à l’échelle plus modeste des émotions politiques et des blessures de la société israélienne, en premier lieu sur la ligne de fracture qu’y dessine la plaie encore ouverte des otages. Prenant l’occasion d’un micro-évènement politique, elle nous propose ici une méditation sur le pouvoir et un aperçu de cette partie du peuple israélien qui s’oppose au gouvernement Netanyahou.

À l’occasion du premier anniversaire du 7 octobre, la revue K. publie aux Presses universitaires de France ‘La fin d’une illusion. Israël et l’Occident après le 7 octobre’, une sélection de ses textes analysant l’événement et ses suites. Nos lecteurs pourront par ailleurs y découvrir une postface inédite : « Qui sommes-nous après le 7 octobre ? ».

Israël pourrait-il être un État normal ? Sans doute pas, soutient Denis Charbit, mais il pourrait certainement prendre ses responsabilités et sortir de la crise généralisée dans laquelle il s’est enferré. Dans son dernier livre, ‘Israël, l’impossible État normal’ (aux éditions Calmann-Lévy, dans le cadre de la renaissance de la collection ‘Diaspora’, créée par Roger Errera), il interroge en tant que citoyen israélien,  les racines de la situation actuelle. K. en publie quelques bonnes feuilles..

Après la triste parenthèse bolsonariste, les juifs brésiliens, majoritairement progressistes, se réjouissaient à la perspective d’un nouveau mandat de Lula. Mais l’antisionisme virulent du nouveau président semble les avoir fait déchanter. Renan Antônio da Silva et Eric Heinze nous guident à travers cette affaire, de l’histoire longue du judaïsme brésilien au secret de polichinelle que représentent les vieilles errances antisémites des élites.

Le podcast de Juliette Livartowski donne à entendre l’ampleur du cataclysme subjectif vécu par les juifs de France à la suite du 7 octobre. Nous nous faisons cette semaine l’écho de ces voix juives, en interrogeant la valeur symptomatique de ce document sonore.

L’abbé Pierre n’a décidément plus la côte, et pour de bien bonnes raisons. Danny Trom tenait cependant à enfoncer encore un peu le clou, en rappelant que la pulsion sexuelle n’est pas la seule que la charité bien ordonnée de l’Abbé se soit avérée incapable de maîtriser.

Perdus au milieu de la forêt tropicale, les vestiges d’une autonomie juive oubliée viennent d’être inscrits au patrimoine de l’UNESCO. Anshel Pfeffer nous emmène en expédition au Suriname, ce tout petit pays d’Amérique du Sud qui, à en croire certains de ses habitants, aurait pu devenir un véritable État juif.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán se distingue par son opposition systématique aux valeurs et politiques dominantes de l’UE. Comment s’étonner alors que, depuis le 7 octobre, il n’ait fait qu’intensifier son soutien à l’État israélien, n’hésitant pas à qualifier d’antisémite la moindre critique émanant de ses partenaires européens ? János Gadó analyse ici avec lucidité les paradoxes d’un gouvernement qui, tout en voulant se faire passer pour l’ami des juifs, trafique la mémoire de la Shoah et recycle les tropes antisémites les plus éculés. 

Avec le soutien de :


Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.