Politique
Qu’on puisse être sioniste et de gauche, c’est ce qu’a décidé de rejeter par principe la gauche antisioniste contemporaine. Pourtant, cette possibilité est bien sûr attestée par tout un pan de l’histoire politique d’Israël comme par les mouvements politiques auxquels adhèrent de nombreux juifs de la diaspora. Julien Chanet interroge ici les causes et les conséquences de cette « évidence antisioniste » qui veut que « sionisme de gauche » soit un oxymore. En préférant dénigrer cette réalité que la penser, l’antisionisme vise non seulement à rendre les juifs un peu plus étrangers à la gauche, mais il se fait paradoxalement l’allié objectif du sionisme réactionnaire, obstruant tout horizon d’une issue politique au conflit israélo-palestinien.
Les suites du 7 octobre ont profondément reconfiguré les pratiques de l’identité et de la communauté juives, ainsi que la manière dont elles sont perçues par le reste des sociétés occidentales. Dans ce texte, le démographe Sergio DellaPergola livre le diagnostic général de ces mutations, dégageant ainsi les grandes questions qui se posent pour l’avenir des juifs.
Comment la frange la plus « critique » de l’université française justifie-t-elle son désir de boycotter les établissements d’enseignement supérieur israéliens ? Karl Kraus, s’est penché sur le rapport rédigé par quelques enseignants-chercheurs et étudiants de Sciences Po Strasbourg pour affirmer la nécessité de rompre tout partenariat avec l’université Reichman. Il n’y a découvert que le dépit de chercher le crime sans le trouver, et la perfidie de maintenir malgré tout le parti pris initial des accusateurs.
Dans un monde où l’impuissance collective ébranle les démocraties et nourrit les populismes, le recours au « passage à l’acte » devient tentant. Faust, le personnage emblématique de Goethe, et Walter White, le héros de Breaking Bad, incarnent cette fuite en avant : lorsque la compréhension échoue, la destruction et la refondation s’imposent. Mais dans ces récits de la puissance retrouvée, une figure juive surgit souvent en filigrane, accompagnant l’élan destructeur ou endossant la faute. Dans les moments où la modernité craque, que devient alors la minorité juive, se demande la philosophe Julia Christ ? Alors que nos sociétés écoutent les sirènes des solutions immédiates, elle rappelle que seule une solidarité patiemment construite peut protéger les minorités de la tyrannie du désir majoritaire.
Hadas Ragolsky, ancienne journaliste, activiste et fondatrice du mouvement Women in Red, a rencontré K. à deux reprises : la première fois dans son bureau à la mairie de Tel-Aviv en juin 2024, et la seconde il y a quelques jours. Lors de cette dernière rencontre, elle a évoqué les attaques répétées contre la démocratie, la résistance de l’opposition, et les droits des femmes, tandis qu’une partie de la société israélienne manifeste contre les actions controversées du gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Elle a notamment lancé un appel vibrant à la diaspora pour qu’elle soutienne les mouvements de protestation.
La lutte contre l’antisémitisme peut-elle être autre chose qu’une parodie dès lors qu’elle est organisée par l’extrême droite ? En invitant à venir parader sur la scène de sa « Conférence internationale sur la lutte contre l’antisémitisme » des députés de la droite autoritaire et xénophobe européenne, le ministère israélien de la Diaspora a commis une grave faute politique, qui sonne comme une trahison de sa mission. Michael Brenner rend ici compte de la dérive que représente cette initiative, et de la nasse dans laquelle elle enferme les juifs.
David Hirsh était invité, en sa qualité de directeur académique du London Centre for the Study of Contemporary Antisemitism, à la Conférence internationale sur la lutte contre l’antisémitisme organisée par le ministère israélien de la Diaspora. Dans ce texte, il explique pourquoi il a choisi de ne pas participer à cette initiative qui, en faisant la part belle à l’extrême droite, décrédibilise la lutte contre l’antisémitisme et met en danger les juifs de la diaspora.
Haine de la médiation et du langage, abolition des différences dans une logique du tout ou rien, rêve solipsiste où vient disparaître le monde : dans ce texte, le philosophe Gérard Bensussan propose une approche conceptuelle du nihilisme. Cette pathologie de la raison y apparaît, par-delà la diversité de ses manifestations, comme ce qui menace la pensée dès lors qu’elle oublie son dehors, pente sur laquelle glisse facilement le geste critique, et où se rencontre la vieille question juive.
Le sens de Pourim – fête exilique par excellence en ce qu’elle reflète l’enjeu de la protection du peuple dispersé – n’est-il pas appelé à s’estomper dès lors que les juifs se sont donnés un État chargé de les préserver de la persécution ? C’est la question que rouvre Danny Trom à la lumière du 7 octobre et de ses suites. Comment doit-on comprendre que circulent, pour le Pourim de cette année, des appels à ce que les enfants adoptent le costume de Batman d’Ariel Bibas ? N’est-ce pas que la condition politique juive en exil demeure latente dans la réalisation du projet sioniste, n’attendant que son actualisation ?
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