Politique

Haine de la médiation et du langage, abolition des différences dans une logique du tout ou rien, rêve solipsiste où vient disparaître le monde : dans ce texte, le philosophe Gérard Bensussan propose une approche conceptuelle du nihilisme. Cette pathologie de la raison y apparaît, par-delà la diversité de ses manifestations, comme ce qui menace la pensée dès lors qu’elle oublie son dehors, pente sur laquelle glisse facilement le geste critique, et où se rencontre la vieille question juive. 

Le sens de Pourim – fête exilique par excellence en ce qu’elle reflète l’enjeu de la protection du peuple dispersé – n’est-il pas appelé à s’estomper dès lors que les juifs se sont donnés un État chargé de les préserver de la persécution ? C’est la question que rouvre Danny Trom à la lumière du 7 octobre et de ses suites. Comment doit-on comprendre que circulent, pour le Pourim de cette année, des appels à ce que les enfants adoptent le costume de Batman d’Ariel Bibas ? N’est-ce pas que la condition politique juive en exil demeure latente dans la réalisation du projet sioniste, n’attendant que son actualisation ?

En mars dernier, Jean-Claude Milner livrait dans nos colonnes un diagnostic dérangeant : la rapide mise sous tutelle américaine d’Israël, en raison de la fin de l’illusion qui faisait de l’État juif un « diamant impénétrable et solitaire », un représentant de l’Occident démocratique en terres hostiles. « Occidental », dans son texte, signifiait avant tout la reconnaissance de la suprématie américaine, des valeurs WASP et d’une doctrine où la paix est la règle et la guerre l’exception. Une alternative se dessinait alors pour les juifs : ou l’orientalisation dans un Israël vassalisé, ou la dissolution dans la nouvelle Jérusalem américaine. À l’heure où la présidence Trump semble rebattre les cartes en renouant avec une logique impériale, et où l’Europe semble toujours plus marginalisée, Milner revient sur son diagnostic.

L’Autriche a un un nouveau chancelier : Christian Stocker. Après avoir négocié avec l’extrême droite, il s’est finalement posé en rempart contre l’autoritarisme et le FPÖ d’Herbert Kickl. Mais de quel projet politique ce dernier fait-il courir le risque à l’Autriche ? Liam Hoare retrace la trajectoire de ce parti et de son leader aux sympathies nazies.

La trêve conclue entre Israël et le Hamas donne lieu à un spectacle déplorable. Côté Hamas, on crie « victoire » sur un champ de ruines et de cadavres, au mépris du sort de la population gazaouie pour laquelle le groupe n’a d’autre projet que celui du martyr. Côté israélien, Netanyahu se réjouit des parodies de « solution » annoncées avec une légèreté inouïe par le président Trump. K. se fait le relais d’une voix palestinienne, celle de Ihab Hassan, d’abord parue dans Liberties, qui pense dans les seuls termes praticables politiquement : ceux d’un conflit entre deux revendications nationales également justes, désignant l’horizon d’une solution à deux États.

La pensée de Levinas procède avant tout d’un souci éthique, qui semble l’élancer vers des hauteurs étrangères à la mêlée politique. Pour autant, on trouve en certains points clés de son œuvre des considérations politiques audacieuses et en mesure d’éclairer notre action sur le présent. Jean-François Rey nous fait ici découvrir ce versant trop souvent survolé du philosophe. 

Pourquoi certains historiens spécialistes de l’antisémitisme refusent-ils absolument toute analogie entre le 7 octobre et les persécutions antijuives historiques ? Matthew Bolton situe ici ce débat aux lourdes implications politiques sur un plan épistémologique, rendant compte des motifs pour lesquels les « historicistes » refusent de concevoir l’antisémitisme comme une « haine éternelle ». Mais il dégage en retour l’impensé de leur méthode, qui finit par dissoudre le concept même d’antisémitisme en faisant oublier sa nécessité historique.

Alors que les bombardements s’arrêtent à Gaza et que les otages israéliens commencent à être libérés, Bruno Karsenti et Danny Trom interrogent les implications de cet accord de cessez-le-feu qui, s’il rend Israël au sens de sa mission historique, laisse latente la menace du Hamas et met en cause la forme prise par les opérations militaires menées depuis plus d’un an.

Les images des crimes du 7 octobre ont suscité, au-delà d’un choc bien compréhensible, de nombreux débats : fallait-il montrer l’horreur que les terroristes du Hamas ont cherché à filmer et à diffuser ? Emmanuel Taïeb interroge ici le destin de ces images et les usages politiques qui en ont été fait, mettant en évidence leur réversibilité et le risque qu’il y aurait à les invisibiliser.

Avec le soutien de :

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.