Politique - Antisémitisme
Comment expliquer le désarroi de la conscience européenne face à la montée de cet antisémitisme qu’elle s’était promis de ne “plus jamais” tolérer ? Les historiennes Henriette Asséo et Claudia Moatti interrogent dans ce texte les paradoxes d’une Europe confrontée à la tentation identitaire.
Après la triste parenthèse bolsonariste, les juifs brésiliens, majoritairement progressistes, se réjouissaient à la perspective d’un nouveau mandat de Lula. Mais l’antisionisme virulent du nouveau président semble les avoir fait déchanter. Renan Antônio da Silva et Eric Heinze nous guident à travers cette affaire, de l’histoire longue du judaïsme brésilien au secret de polichinelle que représentent les vieilles errances antisémites des élites.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán se distingue par son opposition systématique aux valeurs et politiques dominantes de l’UE. Comment s’étonner alors que, depuis le 7 octobre, il n’ait fait qu’intensifier son soutien à l’État israélien, n’hésitant pas à qualifier d’antisémite la moindre critique émanant de ses partenaires européens ? János Gadó analyse ici avec lucidité les paradoxes d’un gouvernement qui, tout en voulant se faire passer pour l’ami des juifs, trafique la mémoire de la Shoah et recycle les tropes antisémites les plus éculés.
Au Canada, une nouvelle page de l’antijudaïsme est en train de s’écrire pour Ben Wexler, étudiant en dernière année à l’université McGill de Montréal, qui observe avec inquiétude les manifestations anti-israéliennes secouant sa ville natale. Ces manifestations ont souvent basculé dans un « antisémitisme manifeste » : en novembre dernier, une synagogue située dans la banlieue de la ville a ainsi été la cible d’une bombe incendiaire. Pour Ben Wexler les 300 000 Juifs du Canada — qui forment une des communautés les plus importantes de la diaspora — subissent un curieux enchevêtrement d’antisionisme et d’antisémitisme. Ils y sont assimilés à des « colons »…
Qu’est-ce qui explique la capacité de l’antisionisme à agréger les luttes au nom de l’émancipation, et qu’Israël soit devenu le «mauvais objet » de la critique s’énonçant depuis l’université ? Dans un texte mesuré et éclairant, Bruno Karsenti interroge pas à pas la grammaire des mobilisations étudiantes pour dégager une perspective sur les reconfigurations politiques qui s’annoncent. Dans cette grammaire deux notions sont opposées comme irréconciliables : la nation et le peuple, deux notions dont la signification et les liens sont perdus de vue. C’est ainsi qu’une critique à la dérive se met en place. Et, sans que les étudiants le sachent nécessairement, c’est alors la vieille ‘question juive’ qui trouve une nouvelle formulation, autour de l’impensable persistance du peuple juif dans la nation moderne.
Les théories du complot semblent parfois liées à la critique sociale, comme si, parce qu’elles entendent tenir tête à ce qu’elles perçoivent comme le pouvoir d’une élite antidémocratique, elles pouvaient jouer un rôle dans le bon fonctionnement de la démocratie. Si on considère cependant la critique complotiste comme une forme de critique anti-hégémonique parmi d’autres, comme certaines interprétations le font valoir, on risque de se rendre aveugle à un point pourtant important : le fait qu’elle s’avère régulièrement antisémite.
Sur quel terreau culturel prend appui la condamnation radicale d’Israël ? Dans ce texte, Eva Illouz applique le principe de déconstruction des représentations qu’affectionne tant une partie de la gauche à la question de l’antisémitisme. Elle éclaire ainsi le vieux trope qui nourrit la passion militante, et lui permet de se donner bonne conscience : l’idée que les juifs représentent un danger pour l’humanité.
Mais que se passe-t-il en Belgique ? Joël Kotek s’alarme dans ce texte de la diffusion d’une « passion anti-israélienne » dans l’ensemble du spectre politique belge, et s’interroge sur ce qui permet l’expression d’un antisémitisme décomplexé au sein de la capitale européenne.
Le 26 février dernier, une émeute éclatait sur le campus de l’université de Berkeley à l’occasion de la venue d’un conférencier israélien. Daniel Solomon, doctorant en histoire et premier traducteur en anglais de K., nous relate de l’intérieur l’évènement et le climat menaçant dans lequel il s’inscrit. Alors que la montée de l’antisémitisme vient remettre en question l’exceptionnalisme américain, Solomon interroge la perte de ses illusions, et le sentiment de solitude qui l’accompagne.
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La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.