Politique - Israël

Il y a exactement trente ans, le 4 novembre 1995, Yitzhak Rabin était tué par un juif religieux extrémiste opposé au processus de paix. Dans Yitzhak Rabin, la paix assassinée ? (Editions Lattes), Denis Charbit revient sur l’onde de choc de l’événement, l’héritage ambigüe et la mémoire fracturée du Premier ministre israélien dans son pays. Car son nom divise encore, malgré les commémorations qui sont devenues « un temps où l’on ment, un jeu de rôles, où par respect des formes, les adversaires de Rabin qui sont au pouvoir depuis près de trente ans ont ‘le devoir moral de le commémorer et le devoir politique de l’oublier’ » écrit Charbit dont nous publions deux extraits de son livre à paraître cette semaine.

Sous le gouvernement Netanyahu, et avec la guerre à Gaza, l’État d’Israël s’est trouvé de plus en plus isolé sur la scène internationale. Le Premier ministre israélien, amateur de politiques de puissance et de bravades virilistes, voudrait en faire un motif de fierté : « Nous allons devenir une super-Sparte ». Mais, interroge Danny Trom, une souveraineté spartiate, n’est-ce pas une pseudo-souveraineté, en particulier pour le peuple juif ? Interrogeant les leçons politiques tirées par Hannah Arendt de l’histoire juive, le sociologue identifie alors les exigences qui s’imposent à l’État hébreu, s’il veut s’assurer d’une autonomie plus pérenne.

Entre partisans convaincus et détracteurs farouches, la reconnaissance de l’État de Palestine cristallise des positions tranchées. Les arguments de chacun sont d’ailleurs défendables — dès lors qu’ils visent à la fois la sécurité d’Israël et le droit des Palestiniens à l’autodétermination –, mais l’enjeu est ici de saisir ce que produit réellement un tel geste : une déclaration de principe porte-t-elle à conséquences pour l’avenir ?

Si le messianisme représente sans doute la plus sérieuse menace interne pour l’avenir d’Israël, il se décline néanmoins au pluriel. Perle Nicolle-Hasid et Sylvaine Bulle l’appréhendent ici dans la diversité de ses courants, à partir d’une divergence fondamentale : la question du rapport au sionisme réalisé, c’est-à-dire à l’État. Mais qu’il s’agisse des réalistes cherchant à faire de l’État un outil du messianisme, ou des puristes s’en détachant pour vivre selon l’Israël ancestral, le présent de la rédemption écrase l’horizon du sionisme.

Parmi les feuilletons politiques de l’été, l’échange épistolaire entre Benjamin Netanyahou et Emmanuel Macron est venu rejouer la scène classique du dialogue de sourds. Au-delà des pantomimes, qui peut en effet dire ce qu’était l’objet de leur correspondance ? Gérard Bensussan s’attache ici à décrypter les motifs d’une incompréhension particulièrement symptomatique de la situation politique actuelle.

Comment expliquer l’acharnement d’Israël dans cette guerre à Gaza qui n’en finit pas ? Danny Trom se propose ici de l’analyser à partir d’un symptôme : la prolifération post-7 octobre des kinot, ces plaintes poétiques que l’on croyait propres à la tradition exilique. La lamentation israélienne se formule donc dans le langage de l’exil et de son impuissance alors même qu’elle accompagne aujourd’hui la guerre d’un État par lequel les juifs se sont dotés d’une puissance inédite – et donc d’une responsabilité nouvelle. Danny Trom nous invite à réfléchir sur la tension interne à ce paradoxe.

À l’appel des familles d’otages et d’une large partie de la société civile, une grève générale aura lieu le 17 août pour dénoncer une stratégie militaire à Gaza perçue comme une impasse et une aggravation des conséquences de la guerre, tant pour les civils palestiniens que pour les captifs et combattants israéliens. Première mobilisation d’ampleur depuis la crise de la réforme judiciaire en 2023, elle cristallise la fracture politique israélienne. Bruno Karsenti y voit le rappel d’une question cardinale : celle du principe fondateur de l’État juif et de l’avenir même du projet sioniste.

Cet été, K. vous propose de retrouver, dans chacun de ses numéros hebdomadaires, un dossier composé de cinq textes déjà parus dans la revue. Cette semaine, nous avons imaginé une sélection intitulée« Utopie / Dystopie », avec des textes de Noémie Issan-Benchimol, de Julia Christ, Bruno Karsenti et Danny Trom, une fiction de Guy Konopnicki, ainsi que deux entretiens : l’un avec Meron Rapoport, l’autre avec Ronen Eidelman.

L’antisémitisme, celui qui traîne dans l’atmosphère contemporaine jusqu’à la rendre irrespirable, est d’abord une affaire de signes que l’on apprend à repérer. Signes à déchiffrer, donc, mais qui, pour ceux qui ont de la mémoire, apparaissent nimbés du funeste halo de l’évidence. Le témoignage que Boris Schumatsky nous livre dans ce texte vient nous rappeler que ce monde saturé de signes inquiétants peut nous faire suffoquer : il nous interroge alors sur le sens du combat qu’il est possible d’y mener. 

Avec le soutien de :

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.