Tous les articles de Bruno Karsenti

Figure majeure du débat intellectuel mondial, Jürgen Habermas est l’auteur d’une œuvre philosophique monumentale qui peut se lire comme le support théorique de l’idéal politique européen depuis la Seconde Guerre Mondiale. La conscience du crime allemand et l’apport juif à la philosophie européenne sur sa longue histoire occupent une place fondamentale dans cette pensée. C’est ce qu’entend montrer ce texte du philosophe Bruno Karsenti conçu comme un hommage. Un hommage qui entend également marquer ce que l’esprit européen tel que le prolonge l’œuvre d’Habermas peut encore, dans l’autre sens, apporter aux juifs d’aujourd’hui.

Une résolution déposée par le député communiste Jean-Paul Lecoq visant à condamner « l’institutionnalisation par l’État d’Israël d’un régime d’apartheid » a été défendue le jeudi 4 mai dernier à l’Assemblée, avant d’être rejetée. Bruno Karsenti revient sur le texte de cette résolution et montre à quoi sert réellement le spectre de l’apartheid brandi par la partie aujourd’hui hégémonique de la gauche française. Il montre aussi comment, tout en cherchant à tirer profit du mouvement d’opposition au gouvernement qui se manifeste en ce moment en Israël, les rédacteurs de la résolution s’interdisent d’en comprendre le sens et la portée. 

La crise en Israël et le combat pour la démocratie qu’elle manifeste, parmi les Israéliens comme au sein de la diaspora, a au moins ce mérite de clarifier une situation qui apparaissait jusque là comme paralysée et paralysante. Elle oblige à se saisir d’un moment opportun pour reprendre certaines questions fondamentales qui conditionnent l’avenir des juifs dans leur ensemble.

Revenant sur la situation politique qui enflamme Israël, Bruno Karsenti rend compte des multiples fractures qui divisent en profondeur les populations qui vivent dans la région. Tous les sous-groupes en ébullition – sionistes religieux, citoyens israéliens manifestant pour la défense d’un État moderne démocratique aujourd’hui en danger, Palestiniens d’Israël et des territoires occupés – sont ramenés à une même question, qui touche au sentiment d’appartenance diversement éprouvé. Car s’il est d’égale intensité, il n’a pas le contenu ni le même sens selon les perspectives en présence. Appartenir ou posséder ? Sari Nusseibeh revient dans le numéro de K. de cette semaine sur la tension entre ces deux mots. Le texte de Bruno Karsenti se lit comme une introduction à la contribution du philosophe palestinien.

Après les récentes élections israéliennes, le gouvernement le plus à droite de l’histoire du pays devrait voir le jour. Si le résultat est l’effet d’une longue dynamique, il sidère néanmoins. Le philosophe Bruno Karsenti revient dans ce texte sur ce qui risque bien d’être un tournant dans l’histoire d’Israël, et sur le dévoiement du sionisme qu’il signale. Un dévoiement qui, pour être évité, implique de comprendre à nouveau le sionisme depuis la diaspora, et particulièrement depuis l’Europe.

Vienne, 1900 : l’Empire austro-hongrois décline. Son voisin allemand lui fait de l’ombre et la mobilité sociale des décennies précédentes s’enraye. En 1984, dans un ouvrage devenu un classique, Vienne 1900, le sociologue Michael Pollak analysait les effets produits par cette crise politique et sociale à travers la notion d’identité blessée. Bruno Karsenti revient sur ce livre cette semaine dans K. À son tour, il précise les causes de cette crise et sa conséquence principale : le développement d’un antisémitisme inédit. Plus d’un siècle plus tard, la résurgence de l’antisémitisme signale une nouvelle crise des sociétés libérales européennes. Une crise dont toutes les voies de sortie semblent cette fois être bouchées.

Bien qu’elle ait été réunie pour se consacrer prioritairement aux enjeux de pouvoir d’achat, les députés communistes et insoumis ont estimé nécessaire de profiter de cette session parlementaire estivale pour mettre au premier rang de leur combat une résolution condamnant le supposé régime d’apartheid institutionnalisé par l’État d’Israël. Au-delà des polémiques qu’elle a suscitées, Bruno Karsenti propose de lire cet empressement anti-israélien comme un énième symptôme de la crise de la critique que traverse la gauche française depuis plusieurs années.

Simon Doubnov (1860-1941) fut cet historien qui fit de l’histoire des Juifs une histoire des mutations de la diaspora, dispersée et organisée autour de divers centres. La nation juive est polycentrique et, au début du XXe siècle, il en allait pour lui de la nécessité de saisir la carte nouvelle de ces centres à l’époque moderne, d’en déchiffrer les tensions et les équilibres, sur fond de persécution, mais aussi de vitalité manifeste du judaïsme à l’Est. Mais, après la Shoah et après la création de l’État de l’Israël, comment saisir aujourd’hui le collectif dispersé des Juifs modernes ?

La collection « Diaspora », fondée par Roger Errera en 1971 aux Éditions Calmann-Lévy, a été décisive. Aux Français non-juifs, elle a ouvert le meilleur accès qui soit au judaïsme. Pour les Juifs eux-mêmes, elle a représenté un appui inestimable pour ressaisir leur situation diasporique après la Shoah. En dessinant le portrait de Roger Errera, Conseiller d’État et Juif français jugeant l’État dans ses dérives possibles, Bruno Karsenti s’efforce de dégager le sens nouveau de cette position diasporique dans l’Europe post-Shoah. Si persévérer en exil est le propre du peuple juif, et que cette condition est modifiée sans être déniée par l’existence de l’État d’Israël, alors c’est une attitude politique singulière qui se dessine.

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Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.