L’éminent historien des religions américain Daniel Boyarin, spécialiste du Talmud et du judaïsme antique – auteur notamment de La partition du judaïsme et du christianisme et de Le Christ juif. À la recherche des origines [tous les deux parus aux Editions du Cerf] – se définissait autrefois comme un sioniste de gauche avant de se convertir à un antisionisme radical. Dès les premières lignes de la préface de son nouveau livre The No-State Solution. A Jewish Manifesto [Pas d’État : la solution. Un manifeste juif], il explique que l’existence de l’État d’Israël entre en contradiction avec une existence juive vibrante qui ne devrait pas tolérer l’injustice envers les Palestiniens. Conséquent avec lui-même, Boyarin « rejette catégoriquement la solution d’un État-nation » du peuple juif et préconise « un nationalisme diasporique qui n’offre pas la promesse de la sécurité, mais la possibilité d’une existence collective éthique ». Mais conséquent, l’est-il aussi avec les soubresauts de l’histoire juive et avec les réponses politiques que les Juifs ont été contraints de formuler ? Certainement pas, selon Danny Trom qui discute la thèse de Daniel Boyarin en soulignant tout ce qu’il faut d’oubli et de cécité pour la soutenir.

Le Birobidjan, « région autonome juive », a été fondé en mai 1934, aux confins de l’URSS, à la frontière chinoise, avec le yiddish pour langue officielle. Si chaque nationalité vivant sur le territoire soviétique devait se voir attribuer une région selon les soviétique, c’est Staline qui en prit l’initiative pour les Juifs. L’objectif était ambigu, car il s’agissait aussi de tenir les intellectuels juifs à l’écart, loin des grandes villes, et de proposer une alternative crédible au sionisme. Des dizaines de milliers de Juifs y vivaient à la fin des années quarante, où ils représentaient un quart de la population locale. Espoirs et sentiment de relégation s’y mêlaient…

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Professeur américain d’histoire des religions, éminent spécialiste du Talmud et du judaïsme antique, Daniel Boyarin a récemment fait paraître 'The No-State Solution. A Jewish Manifesto' [Pas d’État : la solution. Un manifeste juif] qui se présente, dès sa quatrième de couverture, comme un « livre provocateur ». Celui-ci – qui n’est pas encore traduit en français – suscite déjà la discussion. Danny Trom revient sur l’antisionisme et le diasporisme radical qu'y défend l'auteur.

« Nous aurons été comme des rêveurs » a été publiée pour la première fois en yiddish dans le magazine new yorkais Afn Shvel. Il constitue le prologue d’un roman en yiddish que l’auteur, Ber Kotlerman, professeur de langue et littérature yiddish à l’université de Bar-Ilan -- né à Irkoutsk en 1971 et qui à grandi au Birobidjan, la "region autonome juive" fondée en 1934 en URSS -- publiera bientôt chez l’éditeur suédois Olniansky Tekst.

Le cas de la communauté juive renaissante de Vienne est-il le signe qu’une forme nouvelle de l’existence juive diasporique s’esquisse ? Telle est la proposition de Julie Cooper et Dorit Geva qui y déchiffrent, suivant le schème de l’historien Simon Doubnov, l’émergence en Europe d’une nouvelle forme communautaire, non pas nationalisée, mais insérée dans l’Union politique européenne. Elle pourrait servir de modèle, capable de s’imposer comme une alternative à la forme nationale incarnée dans l’Etat d’Israël et celle, peut-être en déclin après avoir dominée, du judaïsme américain.

À trente ans, Cléo Cohen est représentative d’un mouvement qui traverse une partie de la jeune génération sépharade : le désir de renouer, par-delà les silences et parfois les réticences de leurs parents et de leurs grands-parents, avec leur histoire arabe. Partie vivre en Tunisie – où elle a eu « l’impression de [se] sentir chez [elle] » – elle était dans la synagogue de la Ghriba quand a eu lieu l’attentat. Dans ce texte, elle témoigne de son angoisse pendant l’attaque, et surtout de la façon dont l’évènement est venu percuter son parcours. Elle dit l’antisémitisme terroriste, l’antisémitisme latent de la société tunisienne, l’antisémitisme qui interdit de reconnaître les juifs comme des victimes, et le grand silence, en Tunisie comme en France, au milieu duquel cet antisémitisme se déploie.

Deuxième partie de l’article de David Hirsh et Hilary Miller sur la « Conférence mondiale contre le racisme » organisée par les Nations unies en 2001 à Durban. Comment de nombreux participants ont intériorisé et adopté l’antisionisme qui y a été reconfiguré, et comment la proposition de reconnaître le sionisme comme la forme par excellence du racisme et de l’apartheid dans le monde après la chute du régime sud-africain a permis d’unifier différents mouvements et milieux politiques, notamment à gauche ?

L’antisionisme qui a occupé le devant de la scène lors de la « Conférence mondiale contre le racisme » organisée par les Nations unies à Durban en 2001 n’était ni un « nouvel antisémitisme », ni la dernière manifestation d’un phénomène anhistorique et éternel. Durant la période des négociations de paix israélo-palestinienne, entre la fin des années 80 et les années 90, l’accent mis sur Israël comme représentant clé de tout ce qui est mauvais dans le monde était en voie de disparition, mais à Durban, l’équivalence courante dans les années 70 selon laquelle « sionisme = racisme » a refait surface. David Hirsh et Hilary Miller reviennent sur cet événement, lors duquel a été thématisée la critique, devenue depuis classique, d’Israël comme État d’apartheid.

L’insupportable agression de la Russie contre l’Ukraine se combine avec le fait que le pays attaqué témoigne d’un rapport pour le moins problématique avec son passé. L’histoire de sa construction nationale et sa mémoire trouée de la Shoah violentent parfois la mémoire juive. Boris Czerny revient sur la place accordée à la Shoah en Ukraine et s’interroge sur ce qu’elle signifie dans le débat concernant la perspective de son éventuelle intégration à l’union européenne.

En recevant le prix littéraire Elisabeth Langgässer en 2012, Barbara Honigmann a prononcé un discours qui représentait un défi pour elle. Car comment faire le portrait d’un écrivain, fervente catholique, si problématique à ses yeux ? Parce que « demi-juive », Elisabeth Langgässer fut interdite de publication par un régime nazie dont elle voulait tant qu’il l’absolve de son origine qu’elle écrivit à Goebbels pour lui demander d’être réintégrée au sein de la Chambre de la littérature du Reich, arguant que son talent provenait exclusivement de sa lignée maternelle, purement aryenne…

Nous avons publié dans K. un fragment de la pièce d’Evguéni Tchirikov ‘Les Juifs’, écrite en 1906 et que viennent de publier les Éditions Mesures. L’entretien, réalisé en partenariat avec Akadem, que nous donne cette semaine son traducteur André Markowicz permet de mieux comprendre le sens et la singularité de cette œuvre.

Une résolution déposée par le député communiste Jean-Paul Lecoq visant à condamner « l’institutionnalisation par l’État d’Israël d’un régime d’apartheid » a été défendue le jeudi 4 mai dernier à l’Assemblée, avant d’être rejetée. Bruno Karsenti revient sur le texte de cette résolution et montre à quoi sert réellement le spectre de l’apartheid brandi par la partie aujourd’hui hégémonique de la gauche française. Il montre aussi comment, tout en cherchant à tirer profit du mouvement d’opposition au gouvernement qui se manifeste en ce moment en Israël, les rédacteurs de la résolution s’interdisent d’en comprendre le sens et la portée. 

Le grand traducteur André Markowicz n’avait jamais entendu parler des Juifs, pièce de théâtre d’Evguéni Tchirikov, avant qu’il ne la découvre par hasard. Il l’a traduite et fait paraître chez Mesures, la maison d’édition qu’il a créée avec Françoise Morvan. Nous publions la fin du premier acte et le début du deuxième de cette œuvre singulière dans l’histoire de la littérature russe. Écrite juste après les grands pogroms de Kichinev de 1903 et 1905, elle témoigne d’une compréhension et d’une empathie exceptionnelles à l’égard de la situation des Juifs russes au début du XXe siècle.

Il y a quelques mois, la documentariste Juliette Senik a réalisé pour K. un entretien avec le député Jose Rebeiro e Castro, principal initiateur de la loi accordant la nationalité portugaise par naturalisation aux descendants des Juifs séfarades portugais expulsés (souvent appelée « loi du retour »). Or, depuis cet entretien, la loi a été gelée. En cause des dysfonctionnements et des polémiques sur lesquels le journaliste Elie Petit revient dans cet article.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.