Allemagne

Il y exactement soixante dix ans, en septembre 1952, fut signé l’Accord du Luxembourg. Le gouvernement de la RFA accédait aux demandes du jeune État israélien et s’engageait à verser une indemnisation conséquente. Traditionnellement considéré comme une modalité de réparation après la Shoah, l’accord de Luxembourg est en réalité une transaction bien plus subtile qui ne fut pas considérée comme une réparation, ni comme une réconciliation. L’historien Constantin Goschler revient sur les tenants et les aboutissants de cet accord et sur le contexte géopolitique allemand et mondial qui l’éclaire.

Paru il y a un an, Le Monstre de la mémoire (Actes Sud) est le quatrième livre de Yishaï Sarid, après deux romans policier et un roman d’anticipation dystopique. Dans ce dernier, Le troisième temple, il imaginait Tel-Aviv et Haïfa détruites, le projet de reconstruction du temple de Jérusalem et Israël devenir un royaume théocratique. Le Monstre de la mémoire est un récit tout aussi provocateur et dérangeant qui questionne la relation des Israéliens à la mémoire de la Shoah et à l’Europe.

Soupçonnant les Allemands de tenir aux monuments du nazisme parce qu’en eux se reflète une promesse de grandiose qui inconsciemment sert de consolation aux bourreaux, Katharina Volckmer, jeune auteure allemande vivant à Londres, rappelle que le nazisme était de part en part abject. Qu’aucun monument issu des fantasmes malsains d’Hitler ne devrait être maintenu ; que personne n’en a besoin pour se souvenir des crimes allemands. Ils ne servent qu’à rendre la vie en Allemagne irrespirable pour celles et ceux qui y entraperçoivent leur véritable utilité : permettre aux Allemands de se dire que, quand même, « cela avait de gueule ».

En 2008, Ronen Eidelman, artiste israélien résidant en Allemagne, fonde le mouvement pour la création d’un État Juif en Thuringe : Medinat Weimar. Le projet artistique questionne, séduit certains et horrifie d’autres, fait réagir. Plus de 15 ans plus tard, il nous raconte, depuis Jérusalem où il vit aujourd’hui, ce qui l’avait conduit à imaginer un tel projet, oscillant entre provocation farfelue et incitation à débattre. Un entretien où il est question de culpabilité allemande, d’Herzl en plasticien, et d’un second État juif conçu comme un plan B…

Barbara Honigmann dresse le portrait de l’écrivain Jakob Wassermann (1873-1934), à travers qui s’exprime le malaise qu’a pu ressentir une génération, au début du XXe siècle, à l’idée d’être à la fois juive et allemande – ou de ne pas être vraiment ni l’un, ni l’autre. Wassermann disait croire en une symbiose possible des deux identités, tout en jugeant déplorable la condition du juif occidental de son époque, coupé de son passé. Le texte Barbara Honigmann nous plonge au cœur d’une tension vécue comme une épreuve de force.

Née en Allemagne, qu’elle a fuie pour s’installer à Londres, la narratrice de « Jewish Cock » s’épanche alors que l’ausculte son gynécologue, le Dr Seligman. Résolument provocateur, mélangeant fantasmes sexuels sur Hitler et aperçus aigus sur nos société contemporaine, le roman a récemment été traduit en français. Une parabole satirique où plane l’ombre de Philip Roth, Woody Allen et Thomas Bernhardt.

« C’est à chaque fois la même scène. Je suis dans un square parisien et l’on me demande quelle langue je parle avec mes enfants. Ma « gueule juive » les met sur deux fausses pistes : soit c’est du yiddish, soit de l’hébreu. Dans aucun cas, ils ne reconnaissent ma langue maternelle, parlée par un européen sur cinq… »

Frédéric Brenner, après plus de quarante ans de reportages sur la vie juive dans le monde a passé les trois dernières années à explorer Berlin, scène d’un judaïsme européen paradoxal et fascinant où se mêlent des Allemands convertis aux Israéliens en rupture de ban avec le sionisme, la récente immigration des juifs russes avec les rares juifs allemands revenus après-guerre dans le pays où fut décidé leur extermination.

Alors que l’antisémitisme sévit dans le monde entier, la mémoire de la Shoah est de plus en plus critiquée au nom d’idées postcoloniales. La dernière attaque en date est signée par l’historien australien Dirk Moses. Le grand historien de la Shoah Saul Friedländer, dans un article originairement paru dans Die Zeit, contre-attaque : l’extermination des Juifs est un événement qui diffère fondamentalement des atrocités coloniales commises par l’Occident.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.