Antisémitisme

Au Canada, une nouvelle page de l’antijudaïsme est en train de s’écrire pour Ben Wexler, étudiant en dernière année à l’université McGill de Montréal, qui observe avec inquiétude les manifestations anti-israéliennes secouant sa ville natale. Ces manifestations ont souvent basculé dans un « antisémitisme manifeste » : en novembre dernier, une synagogue située dans la banlieue de la ville a ainsi été la cible d’une bombe incendiaire. Pour Ben Wexler les 300 000 Juifs du Canada — qui forment une des communautés les plus importantes de la diaspora — subissent un curieux enchevêtrement d’antisionisme et d’antisémitisme. Ils y sont assimilés à des « colons »…

Qu’est-ce qui explique la capacité de l’antisionisme à agréger les luttes au nom de l’émancipation, et qu’Israël soit devenu le «mauvais objet » de la critique s’énonçant depuis l’université ? Dans un texte mesuré et éclairant, Bruno Karsenti interroge pas à pas la grammaire des mobilisations étudiantes pour dégager une perspective sur les reconfigurations politiques qui s’annoncent. Dans cette grammaire deux notions sont opposées comme irréconciliables : la nation et le peuple, deux notions dont la signification et les liens sont perdus de vue.  C’est ainsi qu’une critique à la dérive se met en place. Et, sans que les étudiants le sachent nécessairement, c’est alors la vieille ‘question juive’ qui trouve une nouvelle formulation, autour de l’impensable persistance du peuple juif dans la nation moderne.

Les théories du complot semblent parfois liées à la critique sociale, comme si, parce qu’elles entendent tenir tête à ce qu’elles perçoivent comme le pouvoir d’une élite antidémocratique, elles pouvaient jouer un rôle dans le bon fonctionnement de la démocratie. Si on considère cependant la critique complotiste comme une forme de critique anti-hégémonique parmi d’autres, comme certaines interprétations le font valoir, on risque de se rendre aveugle à un point pourtant important : le fait qu’elle s’avère régulièrement antisémite.

Sur quel terreau culturel prend appui la condamnation radicale d’Israël ? Dans ce texte, Eva Illouz applique le principe de déconstruction des représentations qu’affectionne tant une partie de la gauche à la question de l’antisémitisme. Elle éclaire ainsi le vieux trope qui nourrit la passion militante, et lui permet de se donner bonne conscience : l’idée que les juifs représentent un danger pour l’humanité.

Mais que se passe-t-il en Belgique ? Joël Kotek s’alarme dans ce texte de la diffusion d’une « passion anti-israélienne » dans l’ensemble du spectre politique belge, et s’interroge sur ce qui permet l’expression d’un antisémitisme décomplexé au sein de la capitale européenne.

Le 26 février dernier, une émeute éclatait sur le campus de l’université de Berkeley à l’occasion de la venue d’un conférencier israélien. Daniel Solomon, doctorant en histoire et premier traducteur en anglais de K., nous relate de l’intérieur l’évènement et le climat menaçant dans lequel il s’inscrit. Alors que la montée de l’antisémitisme vient remettre en question l’exceptionnalisme américain, Solomon interroge la perte de ses illusions, et le sentiment de solitude qui l’accompagne.

Après avoir exploré la manière dont l’Autriche entendait assumer la responsabilité de son passé nazi et promouvoir la vie juive, Liam Hoare décrit les défis et paradoxes de cette entreprise. Comme la plupart des pays occidentaux, on a assisté en Autriche ces dernières années à un regain de l’antisémitisme, alors qu’elle est de plus dirigée par un parti associé à l’extrême-droite. Comment dans ces conditions, et alors que la guerre à Gaza enflamme les esprits en Europe, assurer à long terme la stabilité de la vie juive autrichienne ?

Pour ce nouveau volet de notre série, conçue en partenariat avec la DILCRAH, sur l’antisémitisme en Europe, Liam Hoare s’est intéressé à la stratégie autrichienne de lutte contre la haine et les préjugés envers les juifs. Dans cette première partie de son enquête, qui sera complétée la semaine prochaine, il s’arrête sur la volonté de pérenniser la vie juive autrichienne, notamment par une politique éducative. Mais comment cela s’articule-t-il avec le passé autrichien de collaboration dans les crimes nazis ?

Ce texte a été rédigé dans un autre contexte que celui qui s’est formé après le 7 octobre. Il anticipait toutefois une double question que cet événement a précipitée : celle de la spécificité de l’antisémitisme à l’intérieur de la logique raciste, et celle de ce qui, dans les sociétés contemporaines, rend les victimes potentielles du racisme parfois porteuses, paradoxalement, d’arguments antisémites.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.