Politique - Israël
Une résolution déposée par le député communiste Jean-Paul Lecoq visant à condamner « l’institutionnalisation par l’État d’Israël d’un régime d’apartheid » a été défendue le jeudi 4 mai dernier à l’Assemblée, avant d’être rejetée. Bruno Karsenti revient sur le texte de cette résolution et montre à quoi sert réellement le spectre de l’apartheid brandi par la partie aujourd’hui hégémonique de la gauche française. Il montre aussi comment, tout en cherchant à tirer profit du mouvement d’opposition au gouvernement qui se manifeste en ce moment en Israël, les rédacteurs de la résolution s’interdisent d’en comprendre le sens et la portée.
Devant les tentations illibérales du gouvernement Netanyahou, comment trier les critiques d’Israël qui visent à trouver une solution en rappelant ce que fut l’intention directrice de cet État et celles qui visent à détruire ce qui est ? Et, notamment, comment la critique des juifs de la diaspora, en particulier d’Europe, peut-elle s’affranchir de ses inhibitions et de ses craintes d’être mal récupérée pour faire valoir sa position singulière ?
La crise en Israël et le combat pour la démocratie qu’elle manifeste, parmi les Israéliens comme au sein de la diaspora, a au moins ce mérite de clarifier une situation qui apparaissait jusque là comme paralysée et paralysante. Elle oblige à se saisir d’un moment opportun pour reprendre certaines questions fondamentales qui conditionnent l’avenir des juifs dans leur ensemble.
Ce texte est une réaction à l’article de Danny Trom – « Israël : vers la rupture ? » – paru dans K., qui traitait du déroulement dramatique des événements israéliens depuis les dernières élections. Le chercheur israélien en histoire juive moderne Amos Morris-Reich y insiste sur ce qui peine, selon lui, à être clairement vu depuis l’Europe : le rôle actif de Benjamin Netanyahou dans la crise que traverse Israël et l’extrême fragilité de la cohésion de sa société.
Revenant sur la situation politique qui enflamme Israël, Bruno Karsenti rend compte des multiples fractures qui divisent en profondeur les populations qui vivent dans la région. Tous les sous-groupes en ébullition – sionistes religieux, citoyens israéliens manifestant pour la défense d’un État moderne démocratique aujourd’hui en danger, Palestiniens d’Israël et des territoires occupés – sont ramenés à une même question, qui touche au sentiment d’appartenance diversement éprouvé. Car s’il est d’égale intensité, il n’a pas le contenu ni le même sens selon les perspectives en présence. Appartenir ou posséder ? Sari Nusseibeh revient dans le numéro de K. de cette semaine sur la tension entre ces deux mots. Le texte de Bruno Karsenti se lit comme une introduction à la contribution du philosophe palestinien.
Sari Nusseibeh, 74 ans, est un philosophe palestinien important qui, après ses études à Harvard, fut le président de l’université arabe de Jérusalem. Ancien représentant de l’OLP à Jérusalem et longtemps acteur des négociations dans le cadre du conflit israélo-palestinien, il est notamment l’auteur de ‘What Is a Palestinian State Worth?’ et de ‘The Story of Reason in Islam’. Dans son texte prononcé le 24 janvier dernier à Jérusalem, lors du colloque « Martin Buber et son héritage » organisé par l’Académie israélienne des Sciences et des Lettres, il propose une analyse philosophique des verbes « appartenir » et « posséder » – dans le contexte de l’équation unique qui, en Israël-Palestine, voit deux peuples pour une terre.
Mais qu’est-ce que l’État d’Israël ? Le livre de Danny Trom L’État de l’exil propose une réponse à cette question d’apparence simple : l’État d’Israël n’est pas, ne peut pas être, le simple État-nation du peuple juif. Israël est un État « pour les Juifs » qui, procédant de l’expérience politique des Juifs d’Europe, demeure inscrit dans la configuration exilique des Juifs, hors de laquelle son fondement-même viendrait à disparaître.
Historien des religions à l’Université hébraïque de Jérusalem, Guy G. Stroumsa revient sur la nouvelle situation politique en Israël après les grandes manifestations de ces derniers jours. Il insiste sur les dimensions religieuses du problème et les difficultés auxquelles l’histoire du sionisme a été confrontée dans sa tentative de résoudre, sans y parvenir, la question de l’imbrication du religieux et du national en Israël.
Sionisme ou diasporisme ? Et si l’essence de l’être juif se jouait justement entre les deux ? Entre ici et là-bas, entre exil et enracinement ? David Haziza nous livre ici le récit d’un été passé entre ces deux horizons.
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