Politique - Israël

Début 2023 : Israël s’enfonce dans une crise politique inédite. À la tête d’un gouvernement d’alliance avec l’extrême droite, Benyamin Netanyahou veut imposer une réforme du système judiciaire. La contestation est massive. Octobre 2023 : les terroristes du Hamas font basculer Israël dans l’effroi et la guerre. Le grand historien de la Shoah Saul Friedländer, observant l’évolution du pays dans lequel il est arrivé en 1948 à seize ans et où il a longtemps vécu avant de poursuivre sa carrière universitaire aux États-Unis, tient un journal dont nous publions quelques pages. Dans celles-ci, il interroge le danger interne que fait planer sur Israël la conjonction, au sein même du gouvernement, d’un nationalisme étriqué à un messianisme religieux.

On connaissait l’antisionisme, mais qu’est-ce que peut bien être le contre-sionisme ? Dans cette critique du dernier livre de Shaul Magid, The Necessity of exil, Abraham Zuraw s’interroge sur la pertinence d’une certaine modalité juive-américaine de la critique d’Israël, qui s’énonce au nom d’une métaphysique de l’exil dont on peine à saisir la consistance.

Dans ce texte – tiré d’un conférence donnée début avril à Columbia – Pierre Birnbaum revient sur l’exceptionnalisme américain, dans lequel Salo Baron voyait la promesse d’un bonheur possible pour les juifs, à l’abri de la persécution. Mais, alors qu’on assiste à une flambée de l’antisémitisme aux États-Unis, cet espoir a-t-il toujours du sens ? Fin analyste, Pierre Birnbaum éclaire la manière dont, après le 7 octobre, les angoisses liées à la déstabilisation de la synthèse judéo-américaine viennent reconfigurer les modalités du rapport des juifs américains au pouvoir et à l’État d’Israël.

« Il faut différencier entre antisionisme et antisémitisme » affirment ceux à qui il ne plaît pas d’être qualifiés d’antisémites. Cette exigence, à première vue, n’a rien d’insensée : il est en effet nécessaire de distinguer ce qui relève d’une critique légitime de l’État des juifs d’un sentiment louche et douteux à l’égard de ces derniers. Est-il pour autant nécessaire d’inventer un mot spécifique pour cette critique ? La philosophe Julia Christ traque les différents usages possibles de la notion d’ « antisionisme » et se demande à quelle condition, et dans quel contexte, la critique de l’État d’Israël peut légitimement se dire antisioniste. Cette petite analytique de la critique étatique et de ses modalités permet de percevoir mieux quand l’antisionisme n’est qu’un autre mot pour antisémitisme.

Jean-Claude Milner analyse, dans le contexte déterminé par le 7 octobre et la guerre à Gaza, la restructuration du rapport entre Israël et les États-Unis.

Reprise d’un article du 3 mars 2024. Comment parler de Gaza ? Face aux attaques du 7 octobre, la guerre devait être menée, avec son double but : la libération des otages et le rétablissement durable de la sécurité d’Israël, c’est-à-dire l’éradication du Hamas. Cela dans les conditions inextricables d’un combat où l’adversaire souhaite le martyre de son peuple et où Israël en tant qu’État juif et démocratique doit veiller à ce qu’il n’arrive à aucune de ses fins, y compris celle-là. Or ce n’est pas ce qui est en train de se produire…

La célèbre philosophe Judith Butler, invitée par un collectif d’associations décoloniales et antisionistes, a déclaré – une fois de plus – au cours d’une table ronde à Pantin dimanche 3 mars que l’attaque du 7 octobre était « un acte de résistance » et non pas « terroriste », et qu’il ne fallait pas le qualifier d’ « antisémite » . Ce jour-là, elle a par ailleurs mis en doute la réalité des agressions sexuelles commise par le Hamas . En se centrant sur le cas Judith Butler, Eva Illouz critique les positions d’une certaine gauche qui, d’après elle, sape les idéaux égalitaires et universalistes de la gauche et ouvre la voie à la haine des Juifs.

La bêtise des discours produits par la situation à Gaza fleurit partout, dans tous les camps. Mais c’est la bêtise des élites intellectuelles sur laquelle il faut s’attarder. Après tout, n’est-ce pas leur travail d’éclairer le monde au lieu de l’obscurcir ? N’est-pas pour cette raison que nos sociétés se dotent de cette fonction ? Notre collaborateur Karl Kraus en tout cas en est convaincu. Aussi s’interroge-t-il sur la tentative d’abêtir encore plus l’opinion public récemment entreprise par Judith Butler, rhétoricienne de son état mais communément présentée comme philosophe et honorée comme l’un des grands esprits de notre époque.

Quel est le ça dont le slogan « Plus jamais ça ! » cherche à conjurer la répétition ? Alors que l’utilisation de la formule se banalise, au point que certains n’hésitent pas à la retourner contre l’État d’Israël, Danny Trom en retrace la genèse, au-delà de la référence à la Shoah. Interrogeant la manière dont les pionniers sionistes se sont appropriés le récit de la résistance héroïque de la forteresse de Massada face aux légions romaines, il éclaire la manière dont le slogan s’articule à la condition juive, et comment il peut encore informer notre perspective sur la situation actuelle.

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Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.