Histoire

Simon Doubnov (1860-1941) fut cet historien qui fit de l’histoire des Juifs une histoire des mutations de la diaspora, dispersée et organisée autour de divers centres. La nation juive est polycentrique et, au début du XXe siècle, il en allait pour lui de la nécessité de saisir la carte nouvelle de ces centres à l’époque moderne, d’en déchiffrer les tensions et les équilibres, sur fond de persécution, mais aussi de vitalité manifeste du judaïsme à l’Est. Mais, après la Shoah et après la création de l’État de l’Israël, comment saisir aujourd’hui le collectif dispersé des Juifs modernes ?

À l’instar de la majeure partie de la population argentine, constituée par vagues de migration successives, venues en particulier d’Espagne et d’Italie, la communauté juive argentine est composite. Ses membres sont arrivés de Pologne, d’Ukraine, de Russie, d’Allemagne et de France, ainsi que de l’Empire ottoman et du Maroc espagnol. Tous ont traversé l’océan. En s’appuyant entre autres sur l’examen de leur culture, de leur cuisine, la chercheuse Jacqueline Laznow explore dans cet article le processus d’intégration des immigrés Juifs dans le Nouveau Monde — et cela en portant un regard spécifique sur la place des femmes.

Avishag Zafrani nous propose une réflexion sur l’ « antisémitisme métaphysique ». L’expression est de Bernard Lazare pour désigner l’antisémitisme sophistiqué des intellectuels et philosophes, puis elle est reprise par Gershom Scholem et Hans Jonas pour circonscrire l’antisémitisme de Heidegger. Cet antisémitisme a ceci de spécifique qu’il désigne, directement ou indirectement, les juifs comme les responsables d’un processus général d’aliénation au monde.

Enfant, Alain de Tolédo croyait qu’ « Espagnol » voulait dire « Juif ». Et puis il s’est aperçu que l’espagnol qu’il parlait chez lui n’était pas le même que celui qu’on lui enseignait à l’école… Dans son témoignage pour K., à travers l’évocation du destin de sa famille et de la prise de conscience progressive de l’histoire à laquelle il appartient, il raconte ce qui fait la singularité d’une langue et du groupe de ceux qui l’ont portée jusqu’à aujourd’hui.

Adolfo Kaminsky est devenu une légende : le résistant faussaire connu pour s’être spécialisé dans la fabrication de faux papiers au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il voulut être peintre, il est devenu un photographe discret, hésitant à montrer son travail. Une vie clandestine, dans son œuvre comme dans ses engagements : après la guerre, il fabrique des faux papiers pour la Haganah, il est le faussaire des réseaux de soutien aux indépendantistes algériens dans les années 1950 et 1960, celui des révolutionnaires d’Amérique du Sud comme des opposants aux dictatures de l’Espagne, du Portugal et de Grèce…

« Juifs d’Orient. Une histoire plurimillénaire », l’exposition qui se tient à l’IMA jusqu’au 13 mars suscite la polémique, venue notamment d’une partie du monde intellectuel arabe. Mais évoquer à la fois cette exposition et cette polémique, comme le fait cette semaine pour K. Denis Charbit, revient à réexaminer le nœud de la question : les conflits d’interprétations concernant la disparition quasi-totale, en vingt ans, des Juifs installés pendant des siècles sur la vaste région qui s’étend du Maghreb au Machrek.

Le terme d’israélite est récemment revenu dans l’actualité à la suite de sa valorisation par un polémiste, désormais candidat à l’élection présidentielle française. Pourtant le modèle israélite que ce dernier prétend incarner n’a rien à voir avec la réalité de ce que fut l’israélitisme. À travers un vibrant hommage à Marcel Wormser, récemment disparu, et à son père, Georges Wormser, Milo Lévy-Bruhl restitue les coordonnées principales de l’israélitisme et revient sur les raisons de sa disparition.

Il y a quarante ans parut, en français et anglais simultanément, le grand livre d’histoire Vichy et les Juifs, de Michael R. Marrus et Robert O. Paxton. Réédité en 2015, le livre connaît aujourd’hui un regain d’intérêt, alors que certaines déclarations remettent en cause la responsabilité de la France dans la politique persécutrice à l’égard des Juifs sous l’occupation allemande. En 2015, à l’occasion d’une journée en hommage pour celui qui fut à l’origine de son écriture, Roger Errera, Robert O. Paxton, qui nous autorise aujourd’hui à reproduire ce texte, est revenu sur le difficile processus de production de ce livre qui a si violemment mis à mal le mythe de la France résistante.

La collection « Diaspora », fondée par Roger Errera en 1971 aux Éditions Calmann-Lévy, a été décisive. Aux Français non-juifs, elle a ouvert le meilleur accès qui soit au judaïsme. Pour les Juifs eux-mêmes, elle a représenté un appui inestimable pour ressaisir leur situation diasporique après la Shoah. En dessinant le portrait de Roger Errera, Conseiller d’État et Juif français jugeant l’État dans ses dérives possibles, Bruno Karsenti s’efforce de dégager le sens nouveau de cette position diasporique dans l’Europe post-Shoah. Si persévérer en exil est le propre du peuple juif, et que cette condition est modifiée sans être déniée par l’existence de l’État d’Israël, alors c’est une attitude politique singulière qui se dessine.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.