Histoire

Comment penser le clivage entre ceux qui, en Israël, font passer la destruction du Hamas avant toute considération sur le sort des otages et ceux qui, au contraire, sont prêts à négocier leur rachat à n’importe quel prix ? Noémie Issan-Benchimol analyse dans ce texte les coordonnées du débat en termes d’ethos culturel et religieux. Alors que la tradition juive conçoit le rachat des otages comme une obligation communautaire, une partie significative du sionisme religieux est en train de renouer avec un ethos romain de l’honneur citoyen, qui méprise la faiblesse et territorialise la fraternité. La fraternité, propre à la diaspora, peut-elle continuer à informer la politique d’un État ?

Comment expliquer la convergence, apparemment si spontanée sur les campus américains, entre antiracisme et antisionisme ? Suivant le processus de radicalisation du mouvement des droits civiques, Christian Voller retrace dans ce texte la genèse du lien entre Black Lives Matter et Free Palestine. L’histoire qu’il nous fait suivre passe par Brooklyn, où la rencontre entre Afro-Américains et juifs traditionalistes prit parfois la forme d’une guerre de gangs.

Le 10 février 1944, Anni et Fritz Finaly, réfugiés autrichiens arrivés en France six ans auparavant, confient leurs fils à des Sœurs. Quatre jours plus tard, ils sont arrêtés par la Gestapo. Déportés à Auschwitz, ils n’en reviendront pas. Âgés de 2 et 3 ans, Robert et Gérard sont confiés à une fervente catholique Antoinette Brun qui devient leur tutrice. Quand la famille des enfants veut les récupérer, Mlle Brun refuse – sous prétexte qu’ils ont été baptisés. Le philosophe Jean-Michel Rey revient sur cette « affaire Finaly » qui défraya la chronique au début des années cinquante et sur la violence d’un geste d’effacement qu’on a cru pouvoir légitimer par le seul recours à la théologie catholique.

Que signifie ce retour massif de l’histoire et de la mémoire de la Shoah comme référence depuis les massacres du 7 octobre – comme d’ailleurs la prolifération du mot « génocide » pour condamner la guerre menée par Israël à Gaza ? Comment comprendre en effet des discours qui prétendent qu’Israël instrumentalise la mémoire de la Shoah en vue de justifier une guerre considérée comme génocidaire, reprenant donc ce trope qui veut que les victimes soient devenues les bourreaux ? Nous avons demandé à Tal Bruttmann de nous éclairer sur ces différents points.

Les travaux historiques de Carlo Ginzburg ont permis d’éclairer de manière novatrice la condition juive, en la donnant à penser dans sa dimension minoritaire, marginale, aux côtés des sorcières et lépreux persécutés par l’Inquisition. Dans cet entretien avec Avishag Zafrani, le célèbre historien revient sur les déterminations subjectives qui l’ont poussé à aborder l’histoire de la persécution depuis le point de vue des victimes, et sur la manière dont cet angle d’approche vient interroger la pratique et la position de l’historien.

Comment caractériser la forme particulière que prend aujourd’hui dans la gauche radicale la critique hostile à Israël et aux juifs ? Karma Ben Johanan prend position sur ce terrain miné, en évitant les écueils d’une référence indiscriminée à l’antisémitisme. Dans l’antisionisme contemporain, elle identifie en effet un schéma d’interprétation renvoyant d’abord à l’ambivalence de l’antijudaïsme chrétien, c’est-à-dire à un reproche qui touche à la capacité des juifs à faire la « bonne » lecture de l’Histoire.

Le 19 avril 1943, le vingtième convoi quittant le camp de transit de Malines en Belgique à destination d’Auschwitz, avec à son bord 1631 déportés juifs, fit l’objet d’une action menée par des résistants en vue d’en libérer les passagers. 236 d’entre eux à sauter du train qui les destinait à l’extermination. Agnès Bensimon revient sur cet acte de rébellion – unique en Europe occidentale sous administration nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un juif qui transgresserait le shabbat sans avoir conscience de son existence devrait-il l’expier ? Partant de ce problème d’une judéité inconsciente d’elle-même, Ivan Segré interroge la bipolarité de l’être juif, entre la facticité de l’inscription généalogique et la radicalité de l’affirmation subjective. Par-là il éclaire l’articulation juive entre l’émancipation individuelle et collective : ce n’est pas parce qu’il se sait juif que Moïse décide de quitter la maison de Pharaon mais, en posant cet acte, il l’était pourtant déjà…

Les premiers sionistes croyaient-ils vraiment que la Palestine fût une terre déserte, sans population ? C’est, pour certains, ce qui se laisserait deviner derrière la formule « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Diana Muir, en retraçant ici l’histoire de l’origine et des usages de cette formule, montre que ce serait à la fois faire au sionisme un mauvais procès et évacuer la question de la construction de l’identité nationale palestinienne.

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