Histoire

1926, à Paris. Samuel Schwarzbard assassine Petlioura, militaire et homme politique ukrainien responsable des pogroms qui, entre 1919 et 1920, firent des dizaines de milliers de morts juifs. L’affaire, aujourd’hui oubliée, a un immense écho dans la France d’alors. Indirectement, elle est aussi à l’origine de la création de l’actuelle LICRA. Élisabeth de Fontenay revient sur l’histoire d’un homme qui, avant la Shoah, voulut venger les Juifs assassinés, et dont le geste fut à l’origine d’un désir d’auto-défense juive aux quatre coins de l’Europe.

Georges Clemenceau occupe une place d’honneur dans l’étroit panthéon des combattants français de l’antisémitisme au tournant du XXe siècle. Ardent dreyfusard, ami du sulfureux Cornelius Herz, patron politique de Georges Mandel, il fut plus d’une fois attaqué par les antisémites comme l’obligé du « syndicat juif ». Pourtant, c’est le même Clemenceau qui, quelques mois plus tôt, au plus fort de l’Affaire Dreyfus, faisait paraître six petits textes, entre nouvelles, contes et récits de voyage, en un petit volume titré Au pied du Sinaï (1898) que republient aujourd’hui les Éditions de L’Antilope. Que beaucoup des préjugés antisémites de l’époque se retrouvent dans ce volume interroge le lecteur d’aujourd’hui. Philippe Zard revient sur cet imaginaire dérangeant et évoque, avec raison, « un temps où la ligne de partage entre l’antisémitisme et ses adversaires n’exclut pas un riche répertoire de représentations partagées ».

Dans la nuit du 8 au 9 mai 1990, un groupe de néo-nazis s’introduit dans le cimetière juif de Carpentras et profane une trentaine de sépultures. Un corps est exhumé et exposé, nu, dans un simulacre d’empalement. Quelques jours plus tard, le philosophe Jean-François Lyotard revient, dans une tribune publiée par le journal Libération, sur la persistance de l’antisémitisme en Europe, un demi-siècle après la Shoah. Depuis trente ans, ce texte demeure une référence, connue et partagée d’un petit nombre de spécialistes. K. le republie aujourd’hui en le faisant précéder d’un commentaire inédit de l’historien du judaïsme Jacques Ehrenfreund.

Chambon-sur-Lignon est la seule commune de France à avoir reçu – au nom de tout le Plateau Vivarais-Lignon – le titre de « Juste parmi les nations ». Le 10 août 1942, un groupe de jeunes lurent devant le temple une lettre de protestation publique contre la rafle du Vel d’hiv’ et la persécution des Juifs. Cette année, à l’occasion de la « marche du souvenir » organisée tous les 10 août dans ce haut-lieu français dans l’histoire de l’accueil des réfugiés (dès les années trente pendant la guerre d’Espagne), des Résistants et des Juifs pourchassés par les nazis, Nathalie Heinich y lira un texte consacré à la présence conjointe, dés aout 1942, d’Albert Camus et d’André Chouraqui au Chambon-sur-Lignon, que K. est heureux de publier cette semaine.

Le 1er avril 1925, le grand poète Bialik prononçait le discours d’inauguration de l’Université hébraïque de Jérusalem. Ce discours, traduit pour la première fois en français dans K., nous ramène dans le monde d’un yichouv encore fragile et du sionisme dans sa phase pré-étatique. Une époque où le projet sioniste oscille entre l’affirmation d’une solution politique pour les Juifs, en rupture avec l’Europe, et celle d’une réalisation culturelle qui continue de s’inscrire dans la trajectoire des Juifs en Europe. L’Université, comme nombre d’institutions en Palestine mandataire, précède l’État et se conçoit comme le centre intellectuel du peuple juif à venir.

En juillet 2013, les architectes Piotr Michalewicz et Marcin Urbanek ont remporté, avec l’artiste-historien Łukasz Mieszkowski, le premier prix du concours international pour le développement d’un nouveau concept de mémorial sur le site de l’ancien centre d’extermination de Sobibór. Le mémorial et le musée, qui seront placés sous la supervision du musée d’État de Majdanek, devraient être achevés à l’automne 2022. Łukasz Mieszkowski, dans un article inédit pour K., nous fait découvrir les coulisses de ce projet auquel il a participé et les critiques légitimes auxquelles il a dû répondre en voulant substituer à une « architecture de l’effroi » une architecture mélancolique de la perte sèche.

Créée en 1941, suite à l’annexion de l’Alsace-Moselle au Reich, la Reichsuniversität de Strasbourg s’inscrivait dans le projet nazi de germanisation de ses territoires annexés. Que s’est-il passé exactement dans les murs de l’Université quand elle était aux mains des nazis ? On sait par exemple que le directeur de son institut d’anatomie a constitué une collection de squelettes de Juifs assassinés… En 2016, a été mise en place une Commission historique, internationale et indépendante, dont la mission était d’éclairer l’histoire de la Reichsuniversität entre 1941 et 1944. Elle avait notamment pour but d’évaluer l’ensemble des collections médicales de l’Université pour s’assurer qu’aucun reste humain provenant de victimes du nazisme n’y soit encore conservé mais aussi de fournir des préconisations en termes de formation à l’éthique du personnel médical actuel et futur. Retour sur le rapport final de la Commission.

Durant les derniers jours de fonctionnement du camp d’Auschwitz, Abraham Levite et un groupe de déportés Juifs ont conçu le ‘Recueil Auschwitz’. Ne nous est parvenue que l’introduction de ce projet d’une anthologie visant à regrouper un ensemble de textes clandestins rédigés, envers et contre tout et tous, par des déportés juifs dans le camp. K. publie des extraits de ce témoignage inouï, traduit du yiddish par Rachel Ertel ainsi qu’un essai de David Suchoff. Ce dernier a rassemblé des informations biographiques sur Levite, reconstitué le parcours du manuscrit et en a analysé le projet.

« Arrivé en France à l’âge d’un an, j’ai attendu 37 ans pour devenir français. De mon Allemagne natale je ne connaissais rien, ma germanité était toute virtuelle, réduite à une langue et un passeport. La procédure fut expéditive et je reçus mon acte de naissance français six mois seulement après avoir entamé ma démarche de naturalisation. Trois jours plus tard, le binational que je venais de devenir était à nouveau saisi de bougeotte identitaire et je me mis en contact avec l’ambassade d’Autriche à Paris. Depuis 2019, l’Autriche, comme l’Allemagne, permet aux descendants des victimes du nazisme de récupérer la nationalité dont leur ancêtre a été déchu. Ce qui est mon cas. »

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.