Shoah

Le 8 mai, l’Europe célèbre sa refondation sur la défaite des nazis. Mais les Juifs peuvent-ils participer à ce moment de liesse qui soude la conscience européenne ? Stéphane Bou interroge ici, à travers le 8 mai 1945 vécu par le dramaturge Ionas Turkov, la disjonction des récits et des affects entre « le monde » et les juifs. Quelle place peut trouver l’histoire de la Shoah dans le grand récit triomphal de la victoire et de l’unité européenne ?

Tous les massacres se ressemblent, quand on a sciemment décidé de se défaire de la précision analytique qui permettrait de les différencier. Mais où cet amour de la comparaison galvaudée, si courant aujourd’hui, plonge-t-il ses racines ? Stephan Malinowski s’emploie ici à repérer les filiations intellectuelles croisées et paradoxales dans lesquelles s’inscrit cette grande confusion.

L’Europe du XXe siècle connaît des lieux dont le nom est indissociable des atrocités qui y ont été commises. Auschwitz, Majdanek, Buchenwald, Dachau, Bergen-Belsen… Tous n’ont cependant pas une sonorité allemande ou polonaise. La trajectoire familiale, faite de survie et d’exil, que Marta Caraion retrace dans Géographie des ténèbres. Bucarest-Transnistrie-Odessa, 1941-1981, dessine une autre toponymie de l’effroi. Transformée par la Roumanie du maréchal Antonescu en laboratoire d’épuration ethnique, la Transnistrie en est le nœud le plus sombre. Un nœud que ce récit intime et brillamment documenté parvient à défaire, fil par fil, mettant à nu la mémoire longtemps occultée de la Shoah roumaine.

Yudit Kiss est née à Budapest en 1956, l’année même où les chars soviétiques entraient dans la ville. Après une enfance et une jeunesse en Hongrie, elle passe de l’autre côté du rideau de fer. Son père, lui, rescapé de la Shoah et communiste convaincu, y demeurera toute sa vie. Coincé entre les craintes nées des persécutions antisémites, et les espoirs suscités par l’avènement de l’homme nouveau, il apparait dans le portrait qu’en fait sa fille comme à la fois incapable d’être juif et incapable de ne pas l’être.

En 1943 a paru un Baedeker sur le Gouvernement général de Pologne. Le fameux guide touristique proposait aux Allemands de visiter l’avant-poste polonais de l’espace vital à l’Est — aussi désigné par les nazis comme « Wilder Osten », soit l’Est sauvage. Carol Fily s’est plongée pour K. dans l’ouvrage conçu alors sous le patronage de Hans Frank, le Gouverneur général de Pologne pendant la guerre.

Qu’est-ce qu’un écrivain juif ? Et comment se distingue-t-on comme tel ? C’est à ces question que Henri Raczymow tente de répondre pour lui-même : il revient à la fois sur ses lectures essentielles et sur quelques-uns de ses livres, pour s’expliquer comment – après la Shoah et, comme il l’écrit, ayant « perdu ses sources » – il a fait un retour dans sa propre histoire juive.

Lola Lafon publie ‘Quand tu écouteras cette chanson’, pour la collection Ma nuit au musée des éditions Stock. Si les auteurs choisissent en général des musées d’art, l’écrivaine décide de se rendre à la maison Anne Frank. Ce choix singulier s’inscrit dans le prolongement des thèmes de Lola Lafon, de l’écoute de la parole des jeunes filles, mais il ouvre un chapitre nouveau dans son œuvre : celui de la judéité et de la Shoah, dont on apprend comment il a été occulté dans les relectures du Journal d’Anne Frank, et comment la nécessité d’y revenir a permis à l’écrivaine de dévoiler son histoire juive, longtemps tue. Rencontre et podcast avec Lola Lafon.

« Vengez-nous ». A la supplique qui sourdait des Juifs assassinés et figurait partout après-guerre – sur les murs des synagogues en ruine ou sur des petits morceaux de papier laissés par ceux qui en firent leur dernière volonté avant de périr – Abba Kovner, poète et combattant voulut répondre. Il chercha à prolonger la lutte partisane contre l’État nazi par une action de vengeance de grande ampleur. Il fomenta des plans qui échouèrent ou ne furent pas mis à exécution. Le legs d’Abba Kovner est celui d’une impasse, selon Danny Trom : l’impasse d’une vengeance pensée comme nécessaire et irréalisable.

Il y exactement soixante dix ans, en septembre 1952, fut signé l’Accord du Luxembourg. Le gouvernement de la RFA accédait aux demandes du jeune État israélien et s’engageait à verser une indemnisation conséquente. Traditionnellement considéré comme une modalité de réparation après la Shoah, l’accord de Luxembourg est en réalité une transaction bien plus subtile qui ne fut pas considérée comme une réparation, ni comme une réconciliation. L’historien Constantin Goschler revient sur les tenants et les aboutissants de cet accord et sur le contexte géopolitique allemand et mondial qui l’éclaire.

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Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.