Yiddish
« Lemberg, vous voyez, c’est déjà bien autre chose que Brody. La ville elle-même, d’abord. Propre, spacieuse, coquette, jolie, elle flatte l’œil. Enfin, à Lemberg aussi on trouve des rues comme à Brody, où il faut en plein été enfiler des caoutchoucs montants et se boucher le nez. Mais au beau milieu de la ville il y a un jardin où tout le monde a le droit de se promener, même les chèvres. On est dans un pays libre. Le shabbat, des Juifs en shtrayml se promènent bien tranquilles dans les rues, personne ne leur dit rien. Et puis les gens ! Des gens en or ! »
Mendy Cahan est acteur, chanteur, et sauveteur de livres en yiddish… Il en a stocké 90 000 dans un local improbable situé dans la gare routière de Tel-Aviv. Dans ce petit morceau d’Europe de l’est niché au coeur de l’Etat d’Israël, Mendy fait vibrer la langue et la culture yiddish, marginalisées mais survivantes. Visite du Yung Yiddish et portrait de son créateur.
Aux éditions de l’Antilope, Benny Mer vient de faire paraître « Smotshè – Biographie d’une rue juive de Varsovie ». Tel un archéologue, il exhume cette rue détruite en traquant toutes les traces qu’il peut récolter pour donner une idée, une image, un souvenir de Smotshè que Benny Mer aime comme on aime un fantôme qui vous fait signe. K. est heureux de publier le premier chapitre de son livre-enquête de Benny Mer sur ce monde disparu dont il dit qu’il s’y sent chez lui.
Dans sa première chronique pour K., Macha Fogel donnait de nouvelles de la florissante presse yiddish hassidique d’aujourd’hui. À l’occasion de cette deuxième adresse, elle réfléchit à ce que le yiddish offre à ceux qui l’utilisent. Est-il une langue de l’entre-soi ou de l’échange, ou bien les deux à la fois ?
Les séries ‘Unorthodox’ et ‘Shtisel’ sont des succès mondiaux qui ont fait entrer les haredim dans les foyers. Pour K., Noémie Issan-Benchimol évoque ‘Autonomies’ série dystopique qui imagine Israël scindé en deux : d’un côté, le territoire autonome de Jérusalem dirigé par un groupe religieux ultra-orthodoxe ; de l’autre, un État laïc avec Tel Aviv pour capitale ; d’un côté le pays sioniste et de l’autre le pays théologique.
Le yiddish, c’est bien connu, est une langue sans pays. C’est ainsi qu’on parle d’elle en tout cas ; et puis comme d’une langue assassinée, disparue, agonisante. « Mais moi, je connais un pays yiddish et d’une certaine manière, j’en suis l’une des citoyennes » nous dit Macha Fogel, qui donnera régulièrement de ses nouvelles dans K. Premier tour d’horizon aujourd’hui de ce monde multiple et dispersé : les hassidim américains – qui sont aussi encore des Européens – et leur presse.
On peut voir la silhouette bouleversante d’Avrom Sutzkever dans le film qui, en 1945, enregistre son témoignage au procès de Nuremberg. Il est l’un des rares Juifs qui y témoignera. À la barre, il est présenté comme un rescapé du ghetto de Vilnius, mais il est déjà un grand poète yiddish. Sa traductrice Rachel Ertel fait pour K. le portrait de ce poète immense sur fond de son rapport à l’Europe.
Extraits de « Heures rapiécées, poème en vers et en prose » d’Avrom Sutzkever, monumentale anthologie des poèmes tirés de tous les ouvrages publiés par le poète – né à Smorgon (Biélorussie) en 1913, et mort à Tel Aviv en 2010, âgé de 96 ans – qui vient de paraître aux Editions de l’éclat.
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