Littérature

Pour la première fois, grâce aux éditions de l’Antilope, un poème épique écrit en yiddish ancien a été traduit en français — par Arnaud Bikard. Nous avions prévu d’en publier les bonnes feuilles la semaine du 7 octobre… Même si le livre est sorti il y a maintenant plus de deux mois, nous sommes heureux de pouvoir présenter à nos lecteurs cette œuvre étonnante et singulière, écrite au XVIe siècle à Venise par un juif venu de Nuremberg, Elia Levita (1469-1549), né Elye Bokher – qui a transformé un roman courtois en un texte imprégné d’une connaissance profonde des pratiques et des croyances juives.

En recevant le prix littéraire Elisabeth Langgässer en 2012, Barbara Honigmann a prononcé un discours qui représentait un défi pour elle. Car comment faire le portrait d’un écrivain, fervente catholique, si problématique à ses yeux ? Parce que « demi-juive », Elisabeth Langgässer fut interdite de publication par un régime nazie dont elle voulait tant qu’il l’absolve de son origine qu’elle écrivit à Goebbels pour lui demander d’être réintégrée au sein de la Chambre de la littérature du Reich, arguant que son talent provenait exclusivement de sa lignée maternelle, purement aryenne…

Dans une biographie magistrale, Reiner Stach fait surgir avec une minutie scientifique et un rare brio narratif, un Kafka en couleur, pris dans ses contradictions intimes et celles de son temps. Avec ce premier tome dévolu aux années 1910-1915, le lecteur suit pas à pas sa découverte du théâtre yiddish, la consolidation de sa vocation d’écrivain et sa tentative de nouer un lien amoureux et marital avec Felice Bauer au gré d’une relation épistolaire monumentale. Rencontre avec Reiner Stach, l’auteur qui renouvelle notre vision de Kafka et notre perception du genre biographique, et avec son traducteur français, Régis Quatresous.

L’histoire est connue : Kafka a demandé à son ami Max Brod de détruire ses manuscrits. Non seulement Max Brod ne l’a pas fait, mais il est devenu le gardien de la mémoire de l’écrivain, son biographe et son éditeur, le propriétaire de la plupart de ses manuscrits – qu’il a emportés en Israël. A qui appartiennent aujourd’hui toutes ces archives ? Dans son livre-enquête, Benjamin Balint suivait à la trace les péripéties des manuscrits de Kafka, des querelles politico-littéraires jusqu’au dénouement judiciaire. Philippe Zard l’a lu et revient pour K. sur l’histoire d’un méshéritage.

L’arrivée impromptue de la famille Netanyahou un jour de l’hiver 1959 sous le toit de la famille de Ruben Blum fait vaciller la vie du jeune professeur d’histoire dans une université de province de l’Etat de New York. Mais comment comprendre cet événement explosif que le romancier américain Joshua Cohen met en scène sans nous en livrer la clé ?

En 1926, Samuel Schwarzbard assassine Symon Petloura, le général en chef de la révolution nationaliste ukrainienne, dont les hommes furent responsables d’environ 40% des exactions commises lors des pogromes qui frappèrent l’Ukraine durant la guerre civile (1918-1926). C’est à Czernowitz, où Schwarzbard résida un temps et aujourd’hui en Ukraine, que Paul Celan est né. Une part de sa poésie évoque « le plus large des fleuves », soit la longue histoire du crime antisémite qui relie l’histoire des pogromes à celle de la Shoah. Ivan Segré plonge dans la poésie de Celan et interroge, à partir d’elle, une mémoire de l’Ukraine comme le geste de Samuel Schwarzbard.

Qu’est-ce qu’un écrivain juif ? Et comment se distingue-t-on comme tel ? C’est à ces question que Henri Raczymow tente de répondre pour lui-même : il revient à la fois sur ses lectures essentielles et sur quelques-uns de ses livres, pour s’expliquer comment – après la Shoah et, comme il l’écrit, ayant « perdu ses sources » – il a fait un retour dans sa propre histoire juive.

Mondialement célèbre depuis son adaptation par Walt Disney, Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois, fut d’abord une histoire pour enfant imaginée, il y a un siècle, par l’écrivain juif viennois d’origine hongroise, Felix Salten. Un écrivain qui fut aussi un sioniste convaincu et un anti-assimilationniste militant. En repartant de la biographie de son auteur, Mitchell Abidor nous propose une autre lecture de Bambi comme métaphore de la vie des Juifs en Europe de l’est, écartelés entre les assassinats de masse des pogroms et le suicide de l’assimilation ; loin du conte pour enfants.

Lola Lafon publie ‘Quand tu écouteras cette chanson’, pour la collection Ma nuit au musée des éditions Stock. Si les auteurs choisissent en général des musées d’art, l’écrivaine décide de se rendre à la maison Anne Frank. Ce choix singulier s’inscrit dans le prolongement des thèmes de Lola Lafon, de l’écoute de la parole des jeunes filles, mais il ouvre un chapitre nouveau dans son œuvre : celui de la judéité et de la Shoah, dont on apprend comment il a été occulté dans les relectures du Journal d’Anne Frank, et comment la nécessité d’y revenir a permis à l’écrivaine de dévoiler son histoire juive, longtemps tue. Rencontre et podcast avec Lola Lafon.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.