Littérature

Comment le récit de Meursault dans L’Étranger – avec en particulier la fameuse scène de son meurtre final – circule-t-il chez divers écrivains ? D’Albert Camus à Kamel Daoud, en passant par A.B. Yehoshua et Edward Saïd, Beryl Caizzi a repéré un jeu de reprises et de variations témoignant d’un motif secret sur lequel les relations inextricables entre Français, Arabes et Juifs sont projetées et interprétées de toutes les manières possibles.

« Lemberg, vous voyez, c’est déjà bien autre chose que Brody. La ville elle-même, d’abord. Propre, spacieuse, coquette, jolie, elle flatte l’œil. Enfin, à Lemberg aussi on trouve des rues comme à Brody, où il faut en plein été enfiler des caoutchoucs montants et se boucher le nez. Mais au beau milieu de la ville il y a un jardin où tout le monde a le droit de se promener, même les chèvres. On est dans un pays libre. Le shabbat, des Juifs en shtrayml se promènent bien tranquilles dans les rues, personne ne leur dit rien. Et puis les gens ! Des gens en or ! »

Ulysse a aujourd’hui cent ans. Le roman de James Joyce est paru dans son intégralité le 2 février 1922. Leopold Bloom en est l’un des deux personnages principaux du livre. Les férus du roman culte de Joyce n’ont jamais cessé de gloser sur l’identité et la personnalité de ce fils d’un émigré hongrois, converti au catholicisme et baptisé trois fois. Juif ou pas juif, Léopold Bloom ? Ou quel type de Juif, plutôt ? Mitchell Abidor enquête sur la biographie et les croyances d’un des héros d’Ulysse.

Barbara Honigmann dresse le portrait de l’écrivain Jakob Wassermann (1873-1934), à travers qui s’exprime le malaise qu’a pu ressentir une génération, au début du XXe siècle, à l’idée d’être à la fois juive et allemande – ou de ne pas être vraiment ni l’un, ni l’autre. Wassermann disait croire en une symbiose possible des deux identités, tout en jugeant déplorable la condition du juif occidental de son époque, coupé de son passé. Le texte Barbara Honigmann nous plonge au cœur d’une tension vécue comme une épreuve de force.

Publié en 1876, Daniel Deronda est un roman unique dans l’histoire de la littérature anglaise du XIXe siècle. Élevé dans un foyer aristocratique, Deronda aspire à découvrir ses véritables origines. Qui sont ses vrais parents ? Une rencontre fortuite l’entraîne dans le Londres de Whitechapel et le monde des Juifs britanniques. Une affinité croissante le lie à ce monde, avant de découvrir finalement l’histoire de sa propre naissance. Situé au zénith de l’Angleterre victorienne, le dernier roman de George Eliot témoigne d’une profonde empathie envers les Juifs britanniques, tout en exposant les sympathies pro-sionistes de l’auteur. Comment a-t-elle réussi ce singulier exploit ? Et pourquoi ?

Née en Allemagne, qu’elle a fuie pour s’installer à Londres, la narratrice de « Jewish Cock » s’épanche alors que l’ausculte son gynécologue, le Dr Seligman. Résolument provocateur, mélangeant fantasmes sexuels sur Hitler et aperçus aigus sur nos société contemporaine, le roman a récemment été traduit en français. Une parabole satirique où plane l’ombre de Philip Roth, Woody Allen et Thomas Bernhardt.

Albert Cohen est le plus souvent considéré comme un écrivain français, alors qu’il est né citoyen ottoman et fut naturalisé suisse. Il est mort le 17 octobre 1981, il y a quarante ans. Cet anniversaire est l’occasion de revenir sur la figure de celui qui fut représentant de l’Agence juive pour la Palestine avant de se concentrer essentiellement à son œuvre, où se mêlent un lyrisme et une invention narrative hors norme – sans compter une puissante réflexion sur la judéité et le judaïsme.

Shulim Vogelmann est à la tête de la maison d’édition Giuntina, fondée par son père Daniel. Tous ses livres sont liés, d’une manière ou d’une autre à la tradition, la culture, l’histoire et la littérature juives. Giuntina représente aujourd’hui le cas unique en Italie d’un petit éditeur spécialisé dans le judaïsme qui s’insère pleinement dans le débat culturel et les idées.

Bien que Proust n’ait pas été élevé dans la religion juive, une bonne partie de son éducation fut culturellement et socialement juive. Mais peut-il pour autant être lu comme un écrivain juif ? Y a-t-il quelque chose du Talmud ou de la Kabbale à trouver dans À la recherche du temps perdu ?

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Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.