Israël
Les fronts de la menace existentielle qui pèse sur Israël sont multiples. À l’extérieur, les ennemis défiant militairement le pays s’accumulent. Mais il ne faut pas négliger ce qui menace Israël de l’intérieur. Pour Eva Illouz, Israël a besoin d’un vaste mouvement centriste et social-démocrate, nécessaire pour renouveler le contrat entre État et citoyens. Seul un tel mouvement peut redonner aux Israéliens la force qui leur a été retirée et les sauver d’un véritable risque existentiel.
Comment caractériser la forme particulière que prend aujourd’hui dans la gauche radicale la critique hostile à Israël et aux juifs ? Karma Ben Johanan prend position sur ce terrain miné, en évitant les écueils d’une référence indiscriminée à l’antisémitisme. Dans l’antisionisme contemporain, elle identifie en effet un schéma d’interprétation renvoyant d’abord à l’ambivalence de l’antijudaïsme chrétien, c’est-à-dire à un reproche qui touche à la capacité des juifs à faire la « bonne » lecture de l’Histoire.
Les premiers sionistes croyaient-ils vraiment que la Palestine fût une terre déserte, sans population ? C’est, pour certains, ce qui se laisserait deviner derrière la formule « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Diana Muir, en retraçant ici l’histoire de l’origine et des usages de cette formule, montre que ce serait à la fois faire au sionisme un mauvais procès et évacuer la question de la construction de l’identité nationale palestinienne.
Comment le 7 octobre et ses conséquences sont-ils vécus par les Arabes israéliens ? Dans son témoignage, Mouna Maroun, docteure en neurobiologie et vice-présidente de l’Université de Haïfa, apporte des éléments de réponse à cette question. Elle interroge – à partir de son expérience personnelle d’une coexistence harmonieuse entre Juifs et Arabes israéliens, et de son combat pour l’approfondir à l’université – les difficultés que pose au processus d’intégration le choc vécu par la société israélienne dans son ensemble, mais aussi les raisons d’espérer.
Deux mois après le 7 octobre, Bruno Karsenti s’attache à décrire le tournant que représente un tel événement, pour Israël comme pour la diaspora. Une coordonnée existentielle du monde juif a été touchée, et si la réaction a été immédiate et forte de la part du peuple israélien et de son État, ce qui s’est produit n’en emporte pas moins la nécessité de penser à nouveaux frais les contraintes et les devoirs qui pèsent sur le monde juif tout entier. Ce qui engage aussi, et sans doute avant tout, de considérer la question palestinienne autrement qu’on ne l’a fait jusqu’à présent.
Après le massacre du 7 octobre, la gauche israélienne a vu comment, aux États-Unis et en Europe, une partie de la gauche globale avait refusé de se désoler de la mise à mort de 1200 hommes, femmes et enfants. Adam Raz – interviewé dans K. cette semaine – est l’un des auteurs de la lettre ouverte exprimant sa « [préoccupation devant] la réponse inadéquate de certains progressistes américains et européens concernant le ciblage des civils israéliens par le Hamas, une réponse qui reflète une tendance inquiétante dans la culture politique de la gauche globale. ». Julia Christ revient sur la désillusion vécue par la gauche israélienne et formule ce que nous enseigne politiquement le clivage qui s’est révélé entre celle-ci et une partie de la gauche globale.
Adam Raz est un historien israélien. Il a publié un grand nombre de livres et d’articles condamnant en particulier l’expulsion des Arabes pendant la guerre de 1948 et l’occupation après 1967. Militant de gauche, abasourdi par certaines réactions qui, après le 7 octobre, se sont exprimées aux États-Unis et en Europe au sein de son camp politique, il l’est l’un des auteurs de la lettre ouverte : « Déclaration des progressistes et des militants de la paix basés en Israël. À propos des débats sur les événements récents dans notre région. » Rencontre.
Free Palestine. Le slogan à la traduction ambigüe fait florès dans les manifestations en soutien à la population de Gaza. Que sous-tend-il ? Dans ce texte d’une clarté déconcertante, l’essayiste Hussein Aboubakr Mansour revient aux sources du slogan et propose une archéologie de la volonté politique qu’il porte.
Dès le lendemain du massacre du 7 octobre, un travail d’archivage et de documentation a été entrepris qui rend compte d’un premier effort pour élaborer et intégrer dans la conscience de chacun l’ampleur de l’événement. Ce travail de mémoire immédiat s’inscrit dans un imaginaire collectif et un ensemble de pratiques testimoniales qui fait remonter à la fois l’histoire de la Shoah et celle des pogroms. Sensible à l’ambigüité de la société israélienne, Frédérique Leichter-Flack interroge les effets de cet entrelacement mémoriel des massacres, entre reviviscence traumatique et ressource pour ne pas se laisser sidérer par la Gorgone.
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