#11 / Edito

En phase avec l’évolution des températures, le nouveau numéro de K. aborde cette semaine des sujets chauds. Des sujets sur lesquels intellectuels et politiques se déchirent, souvent avec fracas : les études postcoloniales et le conflit israélo-palestinien.

Les controverses sur les études postcoloniales traversent de plus en plus souvent l’espace médiatique des différentes nations européennes. Mais en Allemagne, c’est plus précisément autour de la question de l’antisémitisme qu’elles seraient susceptibles de charrier que se concentrent les polémiques. En mars dernier, le grand historien de l’art Horst Bredekamp s’est invité dans les débats autour du Forum Humboldt, musée qui se veut universel, rassemblant des objets d’art et d’artefacts de toutes les cultures du monde, pour dénoncer un élément antijuif qui pointent dans les appels à sa « décolonisation ». C’est sa tribune, qui a fait couler beaucoup d’encre, que nous republions aujourd’hui en l’accompagnant d’un entretien inédit avec son auteur. L’occasion pour lui de revenir sur une tradition libérale de la collection d’art et d’objets aujourd’hui affiliée au colonialisme par les postcoloniaux alors même qu’elle proposa au contraire, sous l’impulsion de savants juifs, un idéal d’égalité et de dialogue entre les cultures.

Le dernier épisode du conflit israélo-palestinien ressemble à s’y méprendre aux précédents et une fois l’angoisse et la peine maîtrisées on n’en finit plus de s’interroger sur la longévité d’un conflit qui semble ne pouvoir s’arrêter. Danny Trom touche dans le texte qu’il nous propose aujourd’hui à ce qui pourrait bien être le nœud du problème. En revenant sur l’histoire longue des déplacements de frontières et des évolutions démographiques de la Palestine historique, il dévoile la structure de l’affrontement entre un peuple historiquement minoritaire peinant à se conduire politiquement comme une majorité, et un peuple qui refuse de s’envisager autrement que majoritaire alors même qu’il est devenu une minorité. On comprend dès lors qu’une hypothétique sortie du conflit ne pourra pas faire l’économie d’une autocorrection interne à chaque camp.

Les trois textes que nous livrons aujourd’hui sont denses. Pour les lecteurs attentifs ils seront, pensons-nous, une importante contribution aux débats politiques les plus brûlants. Mais au-delà des problèmes du jour, ils sont aussi, par-delà la différence des espaces, traversés par une vaste question lancinante, une question morale. Aux postcoloniaux comme aux israéliens, on peut, sans méconnaître la légitimité de leur lutte, poser des questions. Jusqu’où des luttes peuvent-elles s’autoriser de leur légitimité initiale pour justifier des excès ? Quels sont les devoirs qui incombent à ceux qui ont souffert, à mesure qu’ils font la démonstration de leur force ?

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La deuxième partie de l’article de David Haziza sur l’abattage rituel en Europe sera publié la semaine prochaine, lundi 7 juin.

Une certaine pensée postcoloniale est diamétralement opposée à ce que l’on peut considérer comme une politique de gauche, elle relève d’une politique identitaire délirante et serait structurellement anti-juive soutient Horst Bredekamp – le grand historien d’art et fondateurs du Forum Humboldt de Berlin – dans un tribune paru dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) qui a suscité un écho considérable sur la scène intellectuelle et médiatique allemande. Nous le reprenons dans K., en le mettant en contexte au sein de la controverse où il a vu le jour.

La vocation du Forum Humboldt est d’accueillir des expositions sur les cultures non européennes. Mais ce musée ethnographique est aujourd’hui au cœur d’une controverse concernant la propriété d’œuvres d’art et d’objet obtenus à l’époque de l’empire colonial allemand en Afrique et en Asie. Nous avons voulu, dans cet entretien avec l’historien d’art Horst Bredekamp, en savoir davantage sur une tradition ethnographique allemande oubliée – et en particulier sur la contribution des savants et collectionneurs juifs au sein de cette tradition.

Pourquoi l’imagerie du pogrom revient-elle chez certains israéliens lorsqu’éclatent des troubles « intra-communautaire », comme si le pays vivait encore dans la Palestine mandataire ? En revenant sur un épisode des récents évènements, Danny Trom propose une réflexion politique sur les rapports entre majorités et minorités en Israël.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.