Politique - Allemagne

Alors que l’Allemagne bataille toujours avec les spectres de son passé, sa réponse à la montée contemporaine de l’antisémitisme vient interroger la complexité de cohésion nationale. Les mesures récemment prises pour combattre ce fléau à tous les niveaux de la société illustrent la manière dont, à une authentique préoccupation pour la vie juive, peuvent venir se mêler des manœuvres politiques. La seconde partie de l’enquête menée par Monty Ott interroge les enjeux éthiques et sociétaux de la lutte allemande contre l’antisémitisme.

Monty Ott examine l’état de la lutte contre l’antisémitisme en Allemagne, où l’urgence des problématiques contemporaines se trouve colorée par la responsabilité allemande dans la Shoah. À l’aide de la philosophie d’Adorno, et alors que la violence antisémite se déploie depuis le 7 octobre, la première partie de son enquête interroge la place de l’État dans ce combat, et la nécessité d’une approche impliquant l’ensemble des sphères de la société.

90 ans après l’accession d’Hitler au pouvoir, la philosophe Julia Christ dresse un état des lieux de la mémoire allemande. À côté de l’indéniable travail de réparation et de repentance accompli outre-Rhin, elle pointe les impensés, les failles et les impasses mnésiques qui déforment le regard porté sur le passé nazi ainsi que l’érosion progressive du sentiment de culpabilité qui en découle. Entretien réalisé, en partenariat avec Akadem, par Rafaël Amselem.

Soupçonnant les Allemands de tenir aux monuments du nazisme parce qu’en eux se reflète une promesse de grandiose qui inconsciemment sert de consolation aux bourreaux, Katharina Volckmer, jeune auteure allemande vivant à Londres, rappelle que le nazisme était de part en part abject. Qu’aucun monument issu des fantasmes malsains d’Hitler ne devrait être maintenu ; que personne n’en a besoin pour se souvenir des crimes allemands. Ils ne servent qu’à rendre la vie en Allemagne irrespirable pour celles et ceux qui y entraperçoivent leur véritable utilité : permettre aux Allemands de se dire que, quand même, « cela avait de gueule ».

Alors que l’antisémitisme sévit dans le monde entier, la mémoire de la Shoah est de plus en plus critiquée au nom d’idées postcoloniales. La dernière attaque en date est signée par l’historien australien Dirk Moses. Le grand historien de la Shoah Saul Friedländer, dans un article originairement paru dans Die Zeit, contre-attaque : l’extermination des Juifs est un événement qui diffère fondamentalement des atrocités coloniales commises par l’Occident.

Une certaine pensée postcoloniale est diamétralement opposée à ce que l’on peut considérer comme une politique de gauche, elle relève d’une politique identitaire délirante et serait structurellement anti-juive soutient Horst Bredekamp – le grand historien d’art et fondateurs du Forum Humboldt de Berlin – dans un tribune paru dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) qui a suscité un écho considérable sur la scène intellectuelle et médiatique allemande. Nous le reprenons dans K., en le mettant en contexte au sein de la controverse où il a vu le jour.

La Shoah constitue-t-elle un crime d’une nature absolument singulière faisant césure dans l’histoire de l’Europe ou faut-il ne la compter que comme un crime parmi d’autres, n’ayant à ce titre rien d’extraordinaire ? Cette question a départagé, il y a plus de trente ans, l’intelligentsia allemande en une droite conservatrice et une gauche libérale. On la croyait tranchée. Apparemment, il n’en est rien…

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Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.