Après la Shoah, 30.000 Juifs sont restés en Allemagne. Selon le mode de calcul adopté, ils sont aujourd’hui entre 118.000 et 275.000[1]. Plus de 200.000 Juifs russophones, arrivés depuis le début des années 90, expliquent la différence. Tout commence en RDA, la dernière année de son existence, alors que circulent des rumeurs de pogroms en Russie. Le pays entend prouver qu’il a changé – vis-à-vis de son passé nazi comme vis-à-vis de son passé sous tutelle soviétique – et apparaître comme celui qui saura porter sans hésiter secours aux Juifs. Après l’intégration de la RDA dans la RFA, ce désir, accroché à la pulsion de repentance qui en est un des ressorts, va animer toute l’Allemagne réunifiée. Pourtant, rapidement, il se heurte à une réalité complexe : qui, parmi ces juifs soviétiques qui arrivent l’est vraiment ? Que veut dire juif pour eux et pour les communautés juives allemandes ? Et aussi, qu’est-ce qu’un juif pour les Allemands qui prétendent vouloir « les » accueillir, mais sans renoncer à ce qu’ils pensent être « un bon juif » ? Lisa Vapné retrace les étapes de cette immigration juive russophone et revient sur tous les enjeux juridiques, politiques, et surtout symboliques que celle-ci aura représentés.
Beaucoup de jeunes israéliens se sont installés en Allemagne, et plus précisément à Berlin, ces dernières années. Certains y sont de passage, mais d’autres font partie de la jeunesse, importante bien que difficile à quantifier, qui semble vouloir paradoxalement se remettre en diaspora à partir d’Israël… Ainsi d’Oren, cet étudiant israélien rencontré par David Haziza lors d’un voyage d’études au cœur de l’Europe centrale, en Moravie, qui affirme qu’il sait bien qu’il quittera son pays natal, et sinon lui ses enfants. Il y a de quelque chose d’ironique dans sa manière de s’expliquer cette fatalité : il est israélien « jusqu’à l’os » et pourtant il sent venir le jour où il n’y aura plus sa place. Bien sûr, l’ambiance politique de ces dernières années, que les récentes élections ont sanctionnée, est pour quelque chose dans ce désir de partir, mais dans le texte de David Haziza, un attachement qui sécrète aussi un besoin de fuir semble venir de plus loin…
Régulièrement, Anshel Pfeffer – grâce à la revue Sapir qui nous autorise à traduire ses « cartes postales » – nous donne des nouvelles de ces coins du monde où la présence juive semble souvent anachronique : rarement totalement installés, parfois en train de se réinventer[2]. Le journaliste israélien regarde la diaspora et s’interroge aussi bien sur cet autre dont il se sent proche que sur lui-même (Anshel Pfeiffer est israélien mais d’origine britannique…). Cette semaine, il nous envoie quelques images du Maroc. La communauté juive n’y compte plus qu’entre 1.500 et 2.000 membres qui vieillissent tranquillement sans se renouveler, en baignant dans un mélange de Kitch, de nostalgie et de présence fantomatique. Le gouvernement s’efforce certes de préserver et ouvrir des synagogues-musées (il en existe déjà environ 200); mais des synagogues où personne ne prie. Heureusement, il y a les touristes…
Notes
1 | « En tenant compte des lenteurs des nouveaux immigrants à rejoindre la communauté organisée et du choix de certains Juifs de ne pas s’y affilier, nous avons estimé le noyau de la population juive d’Allemagne à 118 000 personnes, lesquelles font partie d’une population plus large, issue de la Loi du retour, estimée à 275 000 personnes. » Sergio della Pergola, Jews in Europe at the turn of the Millennium, Jewish Policy Research Institute JPR, London, novembre 2020, p.30. |
2 | Pfeffer nous avait fait visiter la petite ville de Canvey Island, à une heure de Londres, et sa communauté ultra-orthodoxe (voir dans K., # 83, 19/10/22); il était aussi allé en Ukraine en se demandant si les Juifs y avaient encore un avenir (K., # 67, 29/ 06/ 2022) à faut uniformiser la typographie des dates de publi. des articles |