# 67/ Edito

 

Déjà le dernier numéro de l’année avant l’été. Mais, qu’on se rassure, K. ne prendra pas vraiment de vacances et proposera un feuilleton en juillet et un autre en août. Une odyssée intellectuelle pour commencer : dans deux semaines, vous pourrez lire le premier épisode d’un entretien inédit de Déborah Bucchi et Adrien Zirah avec le grand écrivain américain europhile Daniel Mendelsohn. En aout, ensuite, vous découvrirez, semaine après semaine, un écrivain lituanien — Grigorijus Kanovičius — à travers son petit roman Pauvre Rothschild, traduit du russe pour la première fois en français par Elena Guritanu.

Avant notre programme estival, il nous fallait toutefois réparer quelques oublis. D’abord, celui d’une partie du monde juif contemporain dont nous n’avions encore que trop peu parlé dans K. Le monde méconnu de l’orthodoxie, qui de l’extérieur semble clos et comme figé mais dont le journaliste Anshel Pfeffer nous révèle ici quelques-uns des grands mouvements souterrains. Depuis quelques années, en effet, des jeunes familles orthodoxes quittent Londres pour la petite île de Canvey Island où les prix de l’immobilier leur permettent de s’installer. Ainsi est née la communauté de Kehile Kedoshe, qui semble s’intégrer parfaitement aux côtés d’une population autochtones tories et pro-Brexit vieillissante : « Vous avez enfin apporté de la diversité à Canvey » a pu entendre M. Friedman, un des dirigeants du groupe. Initialement paru dans la revue américaine Sapir, cette carte postale britannique a quelque chose de dépaysant autant que de touchant.

L’oubli suivant n’est pas le nôtre : c’est celui dans lequel sont tombés un certain nombre d’attentats et d’assassinats qui ont frappé les Juifs d’Europe dans les années 80-90. Après celui de la synagogue de Rome en 1982, K. revient cette semaine sur l’Affaire Wybran. En 1989, ce grand médecin belge était assassiné devant son hôpital. Agnès Bensimon a rouvert ce dossier tentaculaire et fait le bilan d’une enquête impossible et d’un déni de justice patent. De Bruxelles au Royaume du Maroc, des réseaux terroristes internationaux aux carences de la police et de la justice, une enquête passionnante sur un scandale qui a défrayé la chronique en Belgique mais est resté mal connu en dehors.

Enfin, dans notre dernier texte de cette semaine, texte à la fois fragmentaire et choral, l’écrivaine Daniella Pinkstein fait résonner et se rencontrer des grandes figures juives de l’écriture et de la représentation que l’on ne veut pas oublier. Ils se croisaient autrefois à Varsovie et à Paris, notamment autour des deux numéros de la revue Khaliastra. Entre des évocations et des extraits d’oeuvre de Kafka, de Chagall, de Markish et de Greenberg, elle y rend hommage à ce davar qui les tenait ensemble, « cette chose disloquée qui rejoint, ondulante et impatiente, le mot. » Dans cette période d’entre-deux où les Juifs sont dans la modernité, elle y décrit une condition où « la responsabilité ne s’acquiert pas, ne s’apprend pas, elle se transmet, dans cette langue habitée, qui place l’individu face à son double. »

 

Depuis quelques années, la petite ville de Canvey Island, à une heure de Londres, a vu s’installer et grandir une petite communauté ultra-orthodoxe emmenée par une nouvelle génération. Le journaliste Anshel Pfeffer est allé à la rencontre de cette communauté et raconte les évolutions du monde haredi qu’elle symbolise. Une plongée passionnante dans cette part méconnue du monde juif contemporain dont on peine parfois à appréhender les évolutions internes.

Le 3 octobre 1989, aux alentours de 18h, le Docteur Joseph Wybran, grand médecin et président du C.C.O.J.B, le CRIF belge, était abattu à bout portant sur le parking de l’hôpital Érasme de Bruxelles. Trente-trois ans plus tard, justice n’a toujours pas été rendue. Agnès Bensimon revient pour K. sur les rebondissements d’une enquête sur un assassinat dont le traitement par la police et la justice belge interroge.

Daniella Pinkstein fait se rencontrer et résonner les grandes figures juives de l’écriture et de la représentation qui se croisaient autrefois à Varsovie et à Paris — notamment autour des deux numéros de la revue ‘Khaliastra’. Entre des évocations et des extraits d’oeuvre de Kafka, de Chagall, de Markish et de Greenberg, elle y rend hommage à ce ‘davar’ qui les tenait ensemble, soit « cette chose disloquée qui rejoint, ondulante et impatiente, le mot. » Dans cette période d’entre-deux où des artistes juifs sont à la pointe de la modernité, elle y décrit une condition où « la responsabilité ne s’acquiert pas, ne s’apprend pas, elle se transmet, dans cette langue habitée, qui place l’individu face à son double. »

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.