#83 / Edito

Bambi n’est pas que le nom du célébrissime dessin animé réalisé par Walt Disney en 1942. C’est d’abord un livre – Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois (1923) – qui, à l’époque de son adaptation, était interdit par les nazis, comme toute l’œuvre de son auteur Felix Salten (de son vrai nom Siegmund Salzmann). Loin de l’édulcoration de Disney, le Bambi original n’a rien du simple récit bucolique pour enfant. C’est une allégorie chiffrée de la condition juive en Europe au début du siècle : un récit de l’histoire tragique de persécution et de solitude d’un groupe minoritaire. Mais un récit qui se veut politique puisqu’il peut également se lire comme un pamphlet anti-assimilationniste. C’est en tout cas la lecture qu’en propose l’historien et journaliste américain Mitchell Abidor, à l’occasion de la parution d’une nouvelle traduction en anglais. En relisant Bambi depuis la vie de son auteur, et notamment de son engagement sioniste (il écrivit notamment dans le journal Die Welt de Theodor Herzl), il offre à K. une image clarifiée de ce conte connu des enfants du monde entier. 

À Dnipro, s’élève, en un bâtiment de 22 étages, le plus grand centre communautaire juif d’Europe : le Centre Menorah. Le journaliste israélien Anshel Pfeffer l’avait découvert avec surprise lors d’un premier reportage en Ukraine en 2014, deux ans après sa construction. Le centre Ménorah symbolisait à ses yeux une renaissance juive en Ukraine, s’étonnant « qu’ un grand nombre de Juifs restent dans un pays où, de mémoire d’homme, leurs parents et grands-parents ont tant souffert, sous tous les régimes politiques – tsariste, bolchevique, nazi et nationaliste ukrainien ». Pfeffer est récemment retourné à Dnipro, au cœur de l’Ukraine en guerre, avec une question en tête : les Juifs, dont une nouvelle génération a grandi et prospéré dans un pays indépendant et démocratique, y ont-ils encore un avenir ?

Au-dessus de l’Ukraine, le Bélarus. Maya Katznelson y est née en 1988. Au moment de la grande migration juive des années 1990 (la population juive du pays est passée, selon les recensements officiels, de 111.977 en 1989 à 27.810 en 1999), son père a décidé de rester. Quelques décennies plus tard, devenue commissaire d’exposition, elle y a fondé le « Centre pour l’héritage culturel bélarusso-juif » (BJCH center), au sein duquel ont déjà été présentées diverses expositions visant à témoigner de l’histoire et de la culture juive bélarusse. Suite aux événements qui secouent aujourd’hui toute la région, Maya Katznelson a dû quitter son pays, mais elle continue de couver et d’œuvrer à son grand projet d’avenir : créer un Musée juif du Bélarus. K. l’a rencontrée durant sa résidence à Paris au Musée d’art et d’histoire du judaïsme (mahJ).

Mondialement célèbre depuis son adaptation par Walt Disney, Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois, fut d’abord une histoire pour enfant imaginée, il y a un siècle, par l’écrivain juif viennois d’origine hongroise, Felix Salten. Un écrivain qui fut aussi un sioniste convaincu et un anti-assimilationniste militant. En repartant de la biographie de son auteur, Mitchell Abidor nous propose une autre lecture de Bambi comme métaphore de la vie des Juifs en Europe de l’est, écartelés entre les assassinats de masse des pogroms et le suicide de l’assimilation ; loin du conte pour enfants.

En 2014, le journaliste Anshel Pfeffer découvrait l’Ukraine et ce qui lui apparaissait alors comme une « nouvelle frontière juive ». Il est retourné dans le pays guerre en se demandant si les juifs d’Ukraine avaient encore un avenir. Merci à l’excellente revue en ligne Sapir de nous avoir autorisés à traduire cet article, paru dans son dernier numéro (été 2022).

Maya Katznelson a fondé, en 2019, le « Centre pour l’héritage culturel bélarusso-juif » (BJCH center), en vue de rassembler et d’exposer le riche patrimoine culturel juif du Bélarus. L’un des objectifs du centre, après avoir déjà abrité divers événements, est de créer un Musée juif du Bélarus, un espace mêlant aussi recherche et éducation. Maya Katznelson a dû quitter son pays suite aux événements qui secouent aujourd’hui sa région. Elle a passé deux mois en résidence au Musée d’art et d’histoire du judaïsme (Mahj) à Paris et réside provisoirement à Londres. À l’occasion de son séjour parisien, elle nous a présenté quelques-unes de ses expositions passées et revient sur les ambitions du centre pour lequel elle se bat.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.