Ouvrir une école juive en France : voilà une entreprise qui n’allait pas de soi, dans l’entre-deux-guerres, au pays de l’assimilation. C’est pourtant l’ambition qui préside à la fondation de l’École Maimonide : le premier établissement secondaire « juif et républicain ». Presque centenaire, l’école a surmonté bien des défis : la montée de l’antisémitisme, la Shoah, la prise en charge des survivants, l’intégration des populations juives d’Afrique du Nord, le départ vers Israël de ses cadres, l’explosion de la demande d’inscriptions dans le privé et, depuis deux décennies, le renouveau de l’antisémitisme. Pour la première fois la passionnante trajectoire de cette école atypique nous est racontée par l’historien Joseph Voignac dans un livre que publient les éditions de l’Antilope et dont K. vous propose aujourd’hui les bonnes feuilles. À travers elle, c’est une partie du destin des juifs de France depuis les années 20 qui s’éclaire.
Ruben Honigmann, dans un texte à la fois drôle et profond, avait déjà raconté dans K. comment il se percevait comme l’héritier d’une langue allemande-juive que personne ne connait plus ni ne veut connaître. Il poursuit son introspection sur la complexité d’une identité juive kaléidoscopique en nous conduisant cette fois à Vienne, la ville de sa grand-mère légendaire. Son nouveau témoignage interroge cette semaine, toujours avec humour et profondeur, son désir d’acquisition de toutes les pièces d’identité possibles auxquelles il peut prétendre…
Enfin, c’est vers une autre enfance viennoise que nous emmène le texte de Joel Whitebook, celle de Sigmund Freud, marquée par ses deux mères… Anna Freud, la fille de Freud, confiait que sa grand-mère était « dévouée et fière de son [fils], comme le sont les mères juives ». Mais qui était la mère du fondateur de la psychanalyse ? Et, d’ailleurs, combien de mères a-t-il eues ? On sait relativement peu de choses sur le rapport du père de la psychanalyse à la figure maternelle, lui qui, il est vrai, a construit son œuvre en explorant davantage le continent des pères, le désir de ses patients de les tuer ou de les remplacer et les effets psychiques souvent dévastateurs de cette pulsion interdite. La mère, pour centrale qu’elle soit comme objet sexuel, est étonnamment absente en tant que telle. Celle de Freud lui-même, lorsqu’elle apparaît sous sa plume, est hautement idéalisée comme jeune et belle mère passionnément dévouée à son fils premier-né. Joel Whitebook, l’auteur d’une biographie intellectuelle de Freud[1], met à mal ce mythe de la « bonne mère aimante » qu’aurait été Amalia, cette mère juive galicienne superstitieuse qui semble avoir eu une influence bien plus grande sur le développement de la psychanalyse que Freud lui-même ne pouvait le percevoir. K. publie cette semaine la première partie de cette analyse, où l’on voit une Amalia complexe face à son « Sigi », avant que, la semaine prochaine, on ne rencontre la seconde mère de Freud, sa « nannie » catholique, vieille et laide celle-là, mais pas moins importante pour un jeune Freud en pleine phase de curiosité sexuelle.
Notes
1 | Joel Whitebook. Freud. An Intellectual Biography. Cambridge University Press, UK, 2017. |