L’idée binationale, qui connaît actuellement un regain de popularité, est-elle plus qu’une marotte antisioniste ? À écouter les partisans les plus radicaux de « la solution à un État », il fait peu de doute qu’il s’agit avant tout de se débarrasser de l’État d’Israël, pensé comme ce qui fait obstacle à la réalisation politique de la nation palestinienne, et, ainsi, de remettre les juifs en situation de minorité. Mais est-ce là vraiment tout ce qu’il y a à dire de l’idée binationale ? Pour éclaircir cette question, nous avons demandé à Denis Charbit un compte rendu du dernier livre de Shlomo Sand, Deux peuples pour un État ? Relire l’histoire du sionisme (Seuil). Sand y rappelle – mais seulement pour faire jouer le sionisme contre lui-même – que l’idée binationale a d’abord été une idée sioniste, défendue par des auteurs comme Scholem ou Buber. Or, Charbit met justement en évidence ce qui importe vraiment : le fait que, dans l’optique de ces penseurs, celle d’une critique interne au sionisme, le binationalisme est l’horizon permettant de réguler les excès du nationalisme. Que la réalisation de cet horizon ait dû être abandonnée n’implique alors pas l’oubli de la perspective qui s’en dégageait. Et c’est l’idée sioniste même qui s’en trouve, à l’encontre de ce que pense Sand, approfondie et enrichie, en vue d’une meilleure appréhension des tensions de la situation présente.
Au-delà de la culpabilité, un sentiment de responsabilité politique peut-il émerger de la reconnaissance des crimes du passé ? C’est à cette question, à laquelle l’Europe ne saurait échapper, que le cas de l’Autriche nous invite cette semaine à réfléchir. Pour ce nouveau volet de notre série sur l’antisémitisme en Europe, conçue en partenariat avec la DILCRAH, Liam Hoare s’est intéressé à la stratégie autrichienne de lutte contre la haine et les préjugés envers les juifs. Dans cette première partie de son enquête, on apprend comment l’Autriche entend implémenter une politique visant à y renforcer la vie juive et ses institutions. Entre une politique éducative confrontée aux difficultés du terrain, la prise en compte des préoccupations de la communauté juive autrichienne et un travail de fond sur le rapport au passé nazi, la tâche s’annonce de longue haleine. Nous verrons la semaine prochaine les défis qui l’attendent.
L’Amérique ! Terre de liberté, d’égalité, de progrès et de civilisation ! C’est du moins ce qu’en disent les adultes. Pour le regard candide et enfantin de Motl, c’est avant tout la promesse de découvertes. Tout ce qu’il sait, c’est qu’il déteste quand sont évoqués les persécutions et pogroms de l’Europe de l’Est, préférant partir à l’aventure sur le pont du Prince Albert, tandis que ce dernier débarque à Elie’s Aillelande. Alors que les éditions de L’Antilope viennent de rendre disponible en français Motl en Amérique de Sholem Aleikhem, traduit du yiddish par Nadia Déhan-Rotschild et Evelyne Grumberg, nous publions cette semaine le premier chapitre de ce récit mémorable de l’émigration juive vers les États-Unis.
Bonne lecture !