Antisémitisme
Jonas Pardo milite depuis plusieurs années à l’extrême-gauche, où il a longtemps caché son judaïsme. À la suite de l’attentat de l’Hyper Cacher, il décide, avec une poignée d’autres militants, de ne plus laisser passer l’antisémitisme qui s’y manifeste parfois et le déni qui l’entoure souvent. C’est la première étape d’un parcours qui le conduira à créer une formation à la lutte contre l’antisémitisme pensée spécifiquement pour s’adresser à la gauche. Dans cet article pour K. il raconte son parcours, détaille son atelier de formation et les diverses réactions qu’il suscite.
La sentence de Lavrov, soutenant que Zelensky pouvait être à la fois juif et nazi et que d’ailleurs Hitler avait du « sang juif », a frappé les esprits. Les réactions en Europe furent unanimes pour s’indigner face à ce qui a été perçu comme la parole obscène d’un dirigeant politique prêt à tout pour justifier la guerre d’agression que mène son pays. Or qu’est-ce qui recouvre exactement ce sentiment d’obscénité ? Est-ce vraiment l’expression d’un rejet du nazisme réel, celui qui avait la haine des juifs pour ressort ? Ou bien ce sentiment recouvre-t-il une ambivalence plus fondamentale du rapport que les Européens entretiennent avec les juifs, encore aujourd’hui ?
Vienne, 1900 : l’Empire austro-hongrois décline. Son voisin allemand lui fait de l’ombre et la mobilité sociale des décennies précédentes s’enraye. En 1984, dans un ouvrage devenu un classique, Vienne 1900, le sociologue Michael Pollak analysait les effets produits par cette crise politique et sociale à travers la notion d’identité blessée. Bruno Karsenti revient sur ce livre cette semaine dans K. À son tour, il précise les causes de cette crise et sa conséquence principale : le développement d’un antisémitisme inédit. Plus d’un siècle plus tard, la résurgence de l’antisémitisme signale une nouvelle crise des sociétés libérales européennes. Une crise dont toutes les voies de sortie semblent cette fois être bouchées.
La présence d’une toile ouvertement antisémite dans la plus grande exposition d’art contemporain mondiale – la documenta, qui a lieu tous les cinq ans depuis 1955 dans la ville de Cassel – a défrayé la chronique en Allemagne. La ministre de la culture n’a pas voulu prendre position au nom de la liberté de l’art et le Zentralrat der Juden in Deutschland, le conseil central des juifs d’Allemagne, a demandé sa démission. Récit par Julia Christ d’une folle semaine de discussions et d’excuses toutes en fausse humilité autour de l’œuvre incriminée.
Georges Clemenceau occupe une place d’honneur dans l’étroit panthéon des combattants français de l’antisémitisme au tournant du XXe siècle. Ardent dreyfusard, ami du sulfureux Cornelius Herz, patron politique de Georges Mandel, il fut plus d’une fois attaqué par les antisémites comme l’obligé du « syndicat juif ». Pourtant, c’est le même Clemenceau qui, quelques mois plus tôt, au plus fort de l’Affaire Dreyfus, faisait paraître six petits textes, entre nouvelles, contes et récits de voyage, en un petit volume titré Au pied du Sinaï (1898) que republient aujourd’hui les Éditions de L’Antilope. Que beaucoup des préjugés antisémites de l’époque se retrouvent dans ce volume interroge le lecteur d’aujourd’hui. Philippe Zard revient sur cet imaginaire dérangeant et évoque, avec raison, « un temps où la ligne de partage entre l’antisémitisme et ses adversaires n’exclut pas un riche répertoire de représentations partagées ».
Dans la nuit du 8 au 9 mai 1990, un groupe de néo-nazis s’introduit dans le cimetière juif de Carpentras et profane une trentaine de sépultures. Un corps est exhumé et exposé, nu, dans un simulacre d’empalement. Quelques jours plus tard, le philosophe Jean-François Lyotard revient, dans une tribune publiée par le journal Libération, sur la persistance de l’antisémitisme en Europe, un demi-siècle après la Shoah. Depuis trente ans, ce texte demeure une référence, connue et partagée d’un petit nombre de spécialistes. K. le republie aujourd’hui en le faisant précéder d’un commentaire inédit de l’historien du judaïsme Jacques Ehrenfreund.
Bien qu’elle ait été réunie pour se consacrer prioritairement aux enjeux de pouvoir d’achat, les députés communistes et insoumis ont estimé nécessaire de profiter de cette session parlementaire estivale pour mettre au premier rang de leur combat une résolution condamnant le supposé régime d’apartheid institutionnalisé par l’État d’Israël. Au-delà des polémiques qu’elle a suscitées, Bruno Karsenti propose de lire cet empressement anti-israélien comme un énième symptôme de la crise de la critique que traverse la gauche française depuis plusieurs années.
Après Milo Lévy-Bruhl la semaine dernière, Danny Trom revient à son tour sur l’accord électoral inédit de la gauche française. Il réfléchit pour sa part et en particulier sur ce qui se niche derrière cet étrange nom de France Insoumise et l’imaginaire social et politique qu’un tel mot charrie. L’occasion ainsi d’indiquer le risque que constitue ce qui pourrait bien avoir été une « soumission » de toute la gauche à « l’insoumission » mélenchoniste.
Vendredi 3 juin dernier, Danielle Simonnet, figure de la France Insoumise, se félicitait du soutien de Jeremy Corbyn, venu de Londres battre le pavé de la quinzième circonscription de Paris où elle se présente pour la NUPES aux futures élections législatives. Indignations légitimes de ceux qui n’ont pas la mémoire courte : ils se souviennent de la complaisance du Labour vis-à-vis de l’antisémitisme lorsque Corbyn en était le patron. Danielle Simonnet s’est insurgée : pour elle, Corbyn n’est que la « victime d’une grossière manipulation ». Milo Lévy-Bruhl – qui avec Adrien Zirah avaient déjà analysé dans K. le rapport de l’EHRC sur l’antisémitisme au sein du parti de gauche anglais – y revient cette semaine pour la bonne information de Danielle Simonnet. Il en profite pour réfléchir au destin d’une union de la gauche, sans aucun doute désirable aujourd’hui, à condition qu’une partie de ceux qui l’animent ne se voilent plus la face sur la réalité du regain de l’antisémitisme, y compris à gauche.
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