#17 / Edito

La semaine dernière, nous fêtions dans K. la date anniversaire de la naissance de Kafka. C’est à Proust, né un 10 juillet, il y a 150 ans, que nous pensons cette semaine. Quasi contemporains et appartenant chacun aux deux côtés d’une Europe aujourd’hui disparue, Proust et Kafka ont en commun de témoigner d’un rapport trouble à leur identité juive, laquelle n’avait rien pour eux d’une évidence. Une sorte de vérité sans certitude ni clarté. La phrase de l’écrivain praguois est célèbre : « Qu’ai-je de commun avec les Juifs ? C’est à peine si j’ai quelque chose de commun avec moi-même » (Journal, le 8 janvier 1814). Quant aux ambiguïtés de Proust, elles sont un objet d’étude en soi, et de dispute : « Proust antijuif » selon Alessandro Piperno[1] ou « Proust sioniste » selon Antoine Compagnon[2]… L’auteur d’À la recherche du temps perdu n’incarne si bien la France, selon Patrick Mimouni, que parce qu’il porte sur sa société « le regard d’une espèce d’agent double ; antisémite et homophobe, vu de l’extérieur ; juif et homosexuel à l’intérieur »[3]. Dans un article inédit, David Haziza revient aujourd’hui sur une génération d’auteurs et de critiques qui, après la mort de Proust, le considérèrent immédiatement comme un écrivain pleinement juif. D’Albert Cohen, percevant des similitudes entre la phrase proustienne et la phrase talmudique, à Denis Seurat, lisant dans La recherche aussi bien la marque du Talmud que celle de la Kabbale.

Ce n’est pas seulement l’actualité des fêtes d’anniversaire qui nous oblige, mais aussi celle des fêtes populaires. Au lendemain de la finale d’Euro 2020, K. ouvre donc ses colonnes à SoFoot, en republiant un article paru il y un an et qui vient de recevoir le Prix Franco-Allemand du Journalisme dans la catégorie Jeunes Talents. Julien Duez et Adrien Candau y évoquent la figure de l’entraîneur de football israélien Emanuel Schaffer. Élevé en Allemagne, ce survivant de la Shoah est revenu dans le pays de son enfance pour y apprendre les méthodes de jeu qui lui permettront d’emmener l’équipe israélienne à sa seule participation à une coupe de monde de football, en 1970, au Mexique. Pour Mordechai Spiegler unique buteur de la Nichveret lors de la compétition : « Le but devait se trouver en direction de Jérusalem. »

Enfin, en ce début d’été au cours duquel nous remettrons à la une quelques-uns de nos précédents articles, nous donnons cette semaine à relire celui qui a signalé la naissance de notre revue il y a déjà quatre mois : « Les Juifs et l’Europe, hier et aujourd’hui. Et demain ? »

Notes

1 Alessandro Piperno, Proust antijuif, Liana Levi, 2008.
2 « Proust sioniste » est le titre d’un séminaire donné au Collège de France par Antoine Compagnon.
3 Patrick Mimouni, Les mémoires maudites. Juifs et homosexuels dans l’œuvre et la vie de Marcel Proust, Grasset, p. 19.

Bien que Proust n’ait pas été élevé dans la religion juive, une bonne partie de son éducation fut culturellement et socialement juive. Mais peut-il pour autant être lu comme un écrivain juif ? Y a-t-il quelque chose du Talmud ou de la Kabbale à trouver dans À la recherche du temps perdu ?

En ce lendemain de finale d’Euro 2020, K. ouvre ses colonnes à SoFoot, en republiant un article qui vient de recevoir le Prix Franco-Allemand du Journalisme dans la catégorie Jeunes Talents. Adrien Candau et Julien Duez y racontent l’histoire d’Emmanuel Schaffer, né en Ukraine mais élevé en Allemagne, survivant de la Shoah devenu l’entraineur mythique de l’équipe d’Israël…

Avec la revue K. s’est ouvert un espace d’exposition et de débats qui prend la condition des Juifs d’Europe à bras le corps et s’en sert comme d’un prisme pour repenser la situation européenne. Elle se fonde sur le diagnostic d’une double crise, attestée par l’antisémitisme et l’inquiétude quant au maintien d’une présence juive en Europe d’une part, quant à la difficulté pour l’Europe de définir son horizon politique d’autre part. Elle part de la conviction que, sans se confondre, les deux crises ont partie liée et doivent être traitées ensemble pour qu’une issue se dessine. Ce texte est la version augmentée de celui paru dans le premier numéro.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.