Il y a deux semaines, la revue K. consacrait son numéro à l’événement que représentait la pétition « The Elephant in the Room » — événement en ce sens que la critique de l’État d’Israël condamné comme régime d’Apartheid rassemblait à la fois, classiquement, des universitaires antisionistes mais aussi, fait inédit, des représentants du camp sioniste en général plus précautionneux avec l’usage d’un tel stigmate. « Apartheid… » La dynamique de la critique d’Israël, qui est à un tournant de son histoire depuis la crise qui divise le pays et mobilise une partie de la diaspora, doit-elle irrésistiblement en passer par ce terme infamant pour combattre la voie prise par le gouvernement actuel de Benjamin Netanyahou ? Cet usage de la catégorie renforce-t-il vraiment la cause légitime de défense des palestiniens et d’opposition à la politique gouvernementale actuelle ? Nous ne le croyons pas. Le texte que signent cette semaine Bruno Karsenti et Danny Trom soutient que le prisme de l’Apartheid cadre le conflit israélo-palestinien de manière foncièrement erronée et nuit à sa compréhension. Surtout, et de ce fait même, il nous éloigne de toute solution proprement politique du conflit.
À l’occasion de la sortie en salles du Procès Goldman, le film fascinant de Cédric Kahn, le philosophe Gérard Bensussan revient sur ce que put représenter dans sa jeunesse la figure de Pierre Goldman – militant révolutionnaire, arrêté pour braquage et suspecté de meurtre, auteur d’un livre culte écrit en prison, Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France – resté légendaire pour beaucoup mais en même temps largement oublié. « Je me souviens comme si c’était hier de l’annonce de l’assassinat de Pierre Goldman par un commando d’extrême droite, alors que j’étais en pleine conférence de rédaction d’une revue depuis longtemps défunte, Dialectiques. Nous fûmes tous sidérés. Goldman était une figure marquante dans toute l’extrême gauche et ses mouvances élargies… » écrit Gérard Bensussan dans un texte à la fois intime et minutieux dans l’analyse des parcours politiques des jeunes révolutionnaires juifs dans la France des années soixante-dix. À bien des égards, Pierre Goldman fut celui qui dit tout haut combien leur engagement dans l’extrême gauche de ces années-là avait à voir avec un héritage juif.
À l’occasion de la fête de Soukkot, nous republions « La souka de mon père », texte de Ruben Honigmann dans lequel ce dernier se souvient de la place de cette fête dans son histoire familiale, les tête-à-tête avec son père qu’elle a rendus possibles comme les moments de promiscuité souvent comiques dans la cabane communautaire. Il s’amuse des 50 nuances de pratiques juives que Soukot suscite. « Une cabane qui s’envole sans s’effondrer, fragile mais pérenne, un oignon – le cœur humain – transpercé mais hors de portée, la souka de mon père contient l’essentiel : la condition juive en exil, précaire mais tenace. »