Sous la chaleur écrasante de l’été, le gouvernement Netanyahou, après une pause de négociations qui n’aboutirent pas, a donc entamé son remodelage des compétences de la Cour suprême. La stratégie n’a rien d’original : découper la réforme judiciaire en morceaux, et la faire passer petit à petit en commençant par abolir la clause dite « de raisonnabilité » qui permettait à la Cour suprême de jouer son rôle de garde-fou. En dépit d’une opposition farouche, et au risque de fracturer encore davantage l’opinion, il y est parvenu. Ce passage en force, désapprouvé par une large majorité d’Israéliens, est le premier pas de ce que le camp progressiste, conscient de la gravité de l’enjeu, dénonce à juste titre comme une volonté de défaire la démocratie libérale en bouleversant l’équilibre des pouvoirs qui prévalait jusqu’alors. Il s’agit, en réalité, d’une véritable contre-révolution : une politique qui porte atteinte au sionisme en tant qu’il a été une révolution. Révolution de la politique juive, geste inouï dont tous les juifs, et pas seulement les Israéliens, bénéficient depuis 1948. Mais en quoi consiste cette révolution ? Et quelle force donne-t-elle au peuple, que la politique réactionnaire risque de lui retirer ? La conviction de K. est que seul un regard qui renoue avec l’Europe, le projet moderne qui la porte, démocratique, laïc, coulé dans l’État de droit, et néanmoins décliné de manière spécifiquement juive, permet vraiment de le comprendre. À l’heure où l’opposition a besoin de reprendre et d’unifier ses forces dans une lutte qui s’annonce âpre et longue, il importe d’être au clair sur la révolution juive dont la contre-révolution est effectivement le contraire. C’est à cela que les analyses produites ces derniers mois dans la revue ont voulu contribuer, et ce sont quelques-unes d’entre elles que nous reprenons cette semaine, tandis que les manifestations en Israël se poursuivent. Dans « Un peuple bicéphale », Guy G. Stroumsa revient sur les difficultés auxquelles l’histoire du sionisme a été confrontée dans sa tentative de résoudre, sans y parvenir, la question de l’imbrication du religieux et du national en Israël. Dans « Israël, 2023 : Ce à quoi nous tenons », Bruno Karsenti rend compte des multiples fractures qui divisent en profondeur les populations qui vivent dans le pays. Dans « Appartenance et possession », Sari Nusseibeh propose une analyse philosophique des verbes « appartenir » et « posséder » – dans le contexte de l’équation unique qui, en Israël-Palestine, voit deux peuples se rapporter à une terre. Dans « Prions », Danny Trom se penche sur l’histoire de la prière pour le royaume, mais aussi sur celle de la prière pour l’État d’Israël, rédigée en 1948 peu de temps après la Déclaration d’indépendance du 14 mai.
Après avoir raconté comment, en l’espace de quelques mois, deux millions de Juifs venus d’Europe et de Palestine se sont installés à Vienne après la guerre, Guy Konopnicki prolonge cette semaine son roman uchronique – Israël sur le Danube – qui imagine la création d’un État pour les Juifs au cœur de l’Europe, en Autriche. Dans ce nouvel épisode, il revient sur le processus qui a conduit la Knesset à adopter à l’unanimité la Déclaration d’indépendance et de souveraineté de la République d’Israël, aussi appelée la « Juden Volk Republik »…