7 octobre

Que dire des crimes sexuels perpétrés par les hommes du Hamas le 7 octobre – documentés un peu plus chaque jour par le travail d’un groupe israélien de gynécologues, médecins légistes, psychologues et juristes du droit international ? Et comment comprendre l’occultation de la violence faite aux femmes ce jour-là par une partie de l’opinion mondiale – supposées « féministes » comprises ?  Cette occultation ne revient-elle pas à faire une deuxième fois violence à ces femmes, comme si leur calvaire ne comptait pas et était dépourvu de signification ?

Peut-on raconter l’histoire du conflit israélo-palestinien « en 600 mots maximum », comme le rédacteur en chef d’un média américain l’avait demandé à l’écrivain israélien Etgar Keret ?  Aujourd’hui, ce dernier dit se sentir incapable d’écrire. Quoique… En introduisant comme il le fait aujourd’hui un texte – de 600 mots – écrit hier, il y a 22 ans, il rend compte, au « milieu de la détérioration » dont nous sommes les contemporains, de la permanence du sentiment d’être incompris aussi bien par les Israéliens que les Palestiniens.

Le début laborieux des premières libérations d’otages ces jours-ci crée un émoi intense et amer dans la société israélienne. Dans K. cette semaine, la voix de l’écrivaine Rachel Shalita témoigne, dans « 7 minutes », de son amitié et de son inquiétude – jusque dans ses rêves – pour un otage, Alex Danzig, historien de la Shoah, figure de la réconciliation entre Israël et la Pologne, prisonnier aujourd’hui du Hamas.

Après le massacre du 7 octobre, la gauche israélienne a vu comment, aux États-Unis et en Europe, une partie de la gauche globale avait refusé de se désoler de la mise à mort de 1200 hommes, femmes et enfants. Adam Raz – interviewé dans K. cette semaine – est l’un des auteurs de la lettre ouverte exprimant sa « [préoccupation devant] la réponse inadéquate de certains progressistes américains et européens concernant le ciblage des civils israéliens par le Hamas, une réponse qui reflète une tendance inquiétante dans la culture politique de la gauche globale. ». Julia Christ revient sur la désillusion vécue par la gauche israélienne et formule ce que nous enseigne politiquement le clivage qui s’est révélé entre celle-ci et une partie de la gauche globale.

Adam Raz est un historien israélien. Il a publié un grand nombre de livres et d’articles condamnant en particulier l’expulsion des Arabes pendant la guerre de 1948 et l’occupation après 1967. Militant de gauche, abasourdi par certaines réactions qui, après le 7 octobre,  se sont exprimées aux États-Unis et en Europe au sein de son camp politique, il l’est l’un des auteurs de la lettre ouverte : « Déclaration des progressistes et des militants de la paix basés en Israël. À propos des débats sur les événements récents dans notre région. » Rencontre.

Free Palestine. Le slogan à la traduction ambigüe fait florès dans les manifestations en soutien à la population de Gaza. Que sous-tend-il ? Dans ce texte d’une clarté déconcertante, l’essayiste Hussein Aboubakr Mansour revient aux sources du slogan et propose une archéologie de la volonté politique qu’il porte.

Dès le lendemain du massacre du 7 octobre, un travail d’archivage et de documentation a été entrepris qui rend compte d’un premier effort pour élaborer et intégrer dans la conscience de chacun l’ampleur de l’événement. Ce travail de mémoire immédiat s’inscrit dans un imaginaire collectif et un ensemble de pratiques testimoniales qui fait remonter à la fois l’histoire de la Shoah et celle des pogroms. Sensible à l’ambigüité de la société israélienne, Frédérique Leichter-Flack interroge les effets de cet entrelacement mémoriel des massacres, entre reviviscence traumatique et ressource pour ne pas se laisser sidérer par la Gorgone.

Alors que la situation de la population de Gaza s’aggrave et que le sort des otages aux mains du Hamas reste suspendu, l’appel légitime au cessez-le-feu devient de plus en plus insistant. Dans ce contexte, où domine un sentiment d’urgence à la fois humanitaire et politique, se pose en en effet la question du degré auquel la riposte d’Israël doit se produire après le crime inouï qui l’a frappé. Bruno Karsenti s’en saisit en posant la question tout aussi cruciale de la position dont doit être capable Israël pour rester fidèle à ce qu’il est.

Notre collaborateur Mitchell Abidor témoigne ici de sa colère contre une partie de son camp politique qui, « aveuglé par la haine d’Israël, craignant d’être associé aux gouvernements occidentaux [a fait disparaître] la boussole morale de la gauche ». Son récit de la production éditoriale au sein de cette dernière depuis le 7 octobre, en particulier celle de la presse juive de gauche, est précieux pour nous faire comprendre les ressorts d’une sorte d’impossibilité physique à y condamner les massacres du Hamas.

Avec le soutien de :

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.