#5 / Edito

Cette semaine dans K., aux textes préparés de longue date, s’en est ajouté un, pressé par l’actualité. Même si nous ne sommes pas une revue motivée par l’actualité dite chaude, parfois, celle-ci nous oblige. Avishag Zafrani, dans un texte bref et porté par l’urgence, revient sur un procès qui n’aura pas lieu. Dans l’après-coup immédiat de la décision de justice du 14 avril concernant l’affaire du meurtre de Sarah Halimi, elle fait un aller-retour entre le Kafka du Procès et notre présent : d’un côté, un innocent que l’on condamne, de l’autre un assassin qui ne sera pas jugé. On reste interdits. Le principe d’irresponsabilité s’applique, c’est un fait, qui suscite le sentiment que la justice est arrêtée et se tait, lequel résonne avec celui, bien fondé, que l’antisémitisme n’est pas combattu comme il le devrait : c’est-à-dire comme un mal social. Quand la justice ne juge pas et qu’elle s’avoue dès lors impuissante, ne nous resterait-il plus, comme Avishag Zafrani le suggère, que cette seule solution : « interroger un silence » ?

Autre silence ? Jean-Claude Kuperminc, à travers deux livres parus récemment  (Les Juifs, une tache aveugle dans le récit national sous la direction de Paul Salmona et Claire Soussen, et Aux sources juives de l’histoire de France de Mathias Dreyfuss) évoque le débat que ceux-ci soulèvent sur la place données aux Juifs dans l’histoire de France. Les Juifs sont-ils absents de la mémoire historique de la France ? Leur présence a-t-elle été réduite au silence dans le récit national ?

Et, enfin, au milieu de ces silences, une parole forte et claire: celle d’une voix juive dans la cité que K. vous fera probablement découvrir. Tobia Zevi, candidat à la mairie de Rome, questionné par le journaliste italien Simone Disegni, revient sur la genèse de son engagement, la manière dont les instances de la communauté juive italienne ont servi pour lui d’école de formation et sur les défis et enjeux qui se posent à une population « minorité par excellence » hier devenue aujourd’hui « minorité parmi les minorités » et qui devrait selon lui « mieux penser la question de l’immigration et de l’intégration ». Tobia Zevi nous révèle ce que la politique doit à son expérience juive, que ce soit sur la valeur de la parole ou sur l’Europe.

« Où était le juge qu’il n’avait jamais vu ? Où était la haute cour à laquelle il n’était jamais parvenu ? Il leva les mains et écarquilla les doigts » écrit Kafka de Joseph K. dans Le Procès. La décision du mercredi 14 avril dernier concernant l’affaire Sarah Halimi nous emporte à l’inverse de la situation évoquée par le romancier praguois… >>>

Deux livres paraissent en même temps et posent une même question : Quelle place occupe l’histoire des Juifs dans l’histoire de France ? Faut-il y voir une grande absence, ou au contraire les éléments existent-ils pour lui permettre d’occuper toute sa place dans le récit national ?

Cent ans après la mort d’Ernesto Nathan, maire historique de Rome entre 1907 et 1913, un autre politicien juif s’était lancé au début de l’année dans la bataille pour prendre la tête de la capitale italienne : Tobia Zevi, témoignait alors pour K. du défi politique qu’il s’était fixé et se livrait sur le sens d’un engagement juif dans la vie publique, en Italie comme en Europe. Tobia Zevi n’a pas été élu, mais le 3 novembre dernier, il a été nommé par le nouveau Maire de Rome Roberto Gualtieri (PD) Assesseur au Patrimoine et aux Politiques de l’habitation. Une occasion pour relire son entretien avec Simone Disegni.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.