#8 / Edito

Dans ce numéro de K, l’historienne Diana Pinto nous propose une vision panoramique sur la situation du judaïsme européen aujourd’hui. Auteure notamment de Israel a déménagé (Odile Jacob, 2012), elle est une des membres fondateurs du ‘Conseil européen des relations internationales’ et, en tant que consultante au conseil de l’Europe, a longuement travaillé sur les implications de la présence juive en Europe depuis la chute du Mur. Dans ses réflexions on entendra parfois comme un écho du propos tenu par Tobia Zevi dans un de nos numéros précédent. Pour ce dernier « [la] minorité juive peut donner une contribution importante à la formation de l’identité européenne, un processus qui est toujours en cours. » L’homme politique italien insistait sur l’« effort d’élaboration et de participation des Juifs quant à la grande question de l’immigration et de l’intégration. Sur ce point, il me semble que la voix juive est parfois trop faible. ». Ou trop « défensive », pour reprendre un mot de Diana Pinto qui déplore les difficultés que les institutions officielles juives ont pu (et peuvent encore) avoir – notamment en France – à se saisir d’un rôle potentiellement positif dans la société au sens large. Comment cesser de « se battre contre (principalement l’antisémitisme) [mais] plutôt pour une société inclusive » ? C’est une des questions qui doit être posée, selon Diana Pinto, bien consciente que la réponse apportée est liée à la manière avec laquelle les Juifs d’Europe se racontent leur histoire et se représentent leur présent. « Parler de Juifs d’Europe revient à se demander ce que contient le verre à moitié plein (…) Plutôt que de parler de l’éternelle souffrance juive, il faudrait expliquer la résilience juive et la façon dont les « autres » pourraient apprendre et s’inspirer de ce long passé et de son processus créatif»

Dans notre numéro du 19 avril dernier, Jean-Claude Kuperminc évoquait deux livres Aux sources juives de l’histoire de France de Mathias Dreyfuss et Les Juifs, une tache aveugle dans le récit national sous la direction de Claire Soussen et Paul Salmona. Ce dernier a souhaité apporter une réponse, contribuant au débat historiographique portant sur la tension problématique entre, d’une part, l’histoire sur la longue durée des Juifs en France (bien réelle et bien documentée) et d’autre part la place des Juifs dans le récit national français (quasi absente – « hormis [les chapitres portant sur] l’affaire Dreyfus et la Shoah » comme le précise Paul Salmona). K. est, à cette occasion, heureux de pouvoir être un espace d’échange et de discussion.

Mais il y a aussi d’autres occasions où la discussion se révèle impossible, notamment quand il en va de l’instrumentalisation de l’histoire et de ses symboles – instrumentalisation parfois opérée en toute innocence et comme par bêtise, mais parfois aussi de manière plus consciemment idéologique et perverse. Que dire, en effet, à ceux qui, parce qu’ils se perçoivent comme des victimes, revendiquent publiquement leurs droits qu’ils estiment bafoués, en s’affublant fièrement d’une étoile jaune dans des manifestations – contre les vaccins, contre les restrictions sanitaires consécutives liées au Covid – et en se désignant comme aussi discriminés voire persécutés que les Juifs sous occupation nazie ? Rudy Reichstadt, le directeur du site Conspiracy Watch, revient dans sa chronique pour K. et Akadem sur la généralisation de ce phénomène.

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Le texte d’ouverture et de présentation de la revue est, comme tous les articles publiés, toujours disponible sur le site et ici : Les Juifs et l’Europe, hier et aujourd’hui. Et demain ?

 

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« Les Juifs d’Europe doivent réexaminer les moments où leurs rencontres avec le monde extérieur ont été positives ainsi que leur vieille passion pour les valeurs universelles. »

Le 19 avril dernier, Jean Claude Kuperminc chroniquait les livres « Aux sources juives de l’histoire de France » de Mathias Dreyfuss et « Les juifs, une tache aveugle dans le récit national » codirigé par Claire Soussen et Paul Salmona. Ce dernier lui répond et revient sur le débat à propos de la tension qui se révèle entre l’histoire des juifs en France et la place de ceux-ci dans le récit national.

Dans sa chronique, Rudy Reichstadt revient cette semaine sur la présence grandissante de l’étoile jaune dans des manifestations (contre les vaccins, contre les restrictions sanitaires liées au Covid, etc.) : une instrumentalisation qui témoigne à la fois d’une pathologie de la mémoire de la Shoah et d’une crise de la rhétorique de la protestation.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.