Au terme de deux mois de négociations suite aux élections législatives, Benyamin Netanyahou a donc présenté la semaine dernière – le jeudi 29 décembre – son nouveau gouvernement, sans surprise le plus à droite qu’Israël n’ait jamais connu. La gauche israélienne, encore davantage affaiblie, les modérés, et peut-être même une part ultra minoritaire du Likoud, réticente à voir le parti historique de la droite israélienne s’être transformé en mouvement démagogique et populiste, sont accablés ; tout comme l’est une grande partie de la diaspora. Face à ce nouveau gouvernement, Danny Trom s’interroge sur la rupture à laquelle nous assisterions et se demande ce que le « sionisme religieux » peut bien vouloir dire. Son article pose la question de savoir si « La vague populiste que le sionisme-religieux capte à son profit est en mesure d’effacer d’un trait la sagesse politique accumulée par les Juifs le long de leur exil et que le sionisme put, à sa manière, recueillir ? » Faisant écho au texte de Bruno Karsenti publié dans K. au lendemain des élections [voir : « Qui est chez soi ? Israël au bord du sionisme »], Danny Trom va jusqu’à envisager le risque que l’État d’Israël, dans la mouture historique que le sionisme lui a assurée, se trouve dangereusement altéré.
Crise israélienne. Crise française ? Nous publions cette semaine quelques pages du livre récemment paru de la sociologue Martine Cohen, dont le titre fixe d’emblée le champ de réflexion : Fin du Franco-judaïsme ? Quelle place pour les Juifs dans une France multiculturelle ? (Presses universitaire de Rennes). L’extrait publié dans K. cette semaine témoigne d’un moment clé de l’histoire des Juifs de France, entre l’assassinat d’Ilan Halimi en 2006 et celui de Mireille Knoll en 2018. Martine Cohen s’intéresse à la réception des actes anti-juifs entre ces deux dates (dans les médias comme dans la littérature scientifique ainsi que dans les discours politiques de tous bords). Elle montre combien ces actes peinent à être nommés et sont débattus dans leur désignation même. Un débat accentuant la solitude d’alors des Juifs de France. Car dans cette période c’est bien ce thème de la « solitude juive » qui a d’abord dominé, avant que n’émerge peut-être ensuite la figure des Juifs comme « sentinelle de la République ».
Il y a un an, le journaliste américain Abe Silberstein nous racontait combien il avait été frappé, lors du dernier cycle de violence israélo-palestinien de mai 2021, par l’expression d’un antisémitisme qui manifestait à ses yeux un climat politique nouveau aux Etats-Unis, notamment au sein de la gauche. Son texte témoignait d’une ambiance lui faisant craindre que quelque chose de similaire à la situation européenne ne s’installe dans son pays. Cette semaine, le texte de Daniel Solomon revient sur cette recrudescence d’un antisémitisme américain mutant. Il faut dire qu’entre les deux textes, les propos ouvertement anti-juifs de Kanye West, l’une des plus grandes stars de la pop culture contemporaine, se sont multipliés. Pour Daniel Solomon, ces propos témoignent d’une forme d’« antisémitisme œcuménique », selon son expression, en ce sens qu’il conjugue des tropes venant de la droite avec d’autres venant de la gauche. Une conjugaison qui, si elle est bien connue en Europe, restait jusqu’alors très marginale aux Etats-Unis.