C’est le mois de décembre. Les « Christmas movies » (films de noël), genre typiquement américain, envahissent déjà les programmes de télévision. On y voit des familles heureuses préparer le réveillon et décorer le sapin. Le bien inonde le monde. Le père Noël s’apprête à distribuer ses cadeaux à une humanité d’enfants émerveillés. Mais heureusement le cinéma américain a semé, à la marge de ces gentils Christmas movie, quelques autres films puissamment critiques qui s’amusent à déconstruire le genre dont ils relèvent. Plutôt que de relayer la Bonne Nouvelle, ces renégats sarcastiques font s’écrouler le sapin et mettent la fête de la nativité sens dessus-dessous : le monde qu’on fantasme harmonieux se révèle être un chaos, le père Noël un sale type (voir, par exemple, Bad Santa [Méchant père Noël] produit par les frères Coen) et, dans ces films, non seulement le bien n’aura pas lieu, mais un « mal de Noël », selon l’expression de Danny Trom, se manifeste. Son texte analyse Gremlins, le célèbre film d’horreur réalisé par Joe Dante et produit par Steven Spielberg en 1984, comme la métaphore d’une forme de persécution et un modèle possible de Jewish Christmas movie…
En 1992, un Musée des victimes du génocide a été inauguré à Vilnius. Mais, contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, il n’y était nullement question de l’occupation nazie et de la Shoah, mais des occupations soviétiques. Les victimes de « génocide », en l’occurrence, étaient les victimes de celui qu’auraient commis les Soviétiques contre la population de Lituanie. Près de vingt ans après sa création, en 2011, le musée a ajouté une exposition qui évoque la Shoah. Pour réparer une omission ? Le musée avait en effet été critiqué pour son silence sur la période nazie. Pourtant, comme le montre Ljiljana Radonić dans K. cette semaine, cette « réparation » n’est que de surface : le rappel de la destruction des Juifs s’apparentant à une tentative de contenir la mémoire de la Shoah afin que celle-ci ne menace pas la mémoire victimaire de la majorité des Lituaniens… Cet exemple est emblématique. Dans son texte, la chercheuse, qui travaille sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale dans les musées et mémoriaux post-communistes, revient sur un certain usage de la référence à Shoah en vogue dans la mémoire des crimes du XXe siècle en Europe de l’est.
Il y a plus d’un an, Mona El Khoury nous donnait à lire dans K. une nouvelle en forme d’autofiction – « Mamie Louche » – où elle faisait le récit des identités multiples qui se croisaient en elle. Sa nouvelle qui paraît cette semaine en constitue la suite, qu’elle n’aurait pas imaginé devoir écrire : « La discordance entre eux (…) est devenue manifeste lorsque, l’année précédente, elle a publié dans une « revue juive » – comme il l’avait affirmé sur le ton du reproche – son texte « Mamie-louche » sur sa grand-mère et sa judéité marrane. Une ligne de faille s’est depuis lors creusée, séparant progressivement deux êtres qui croyaient en l’éternité de leur danse ensemble. »