Joyeux Noël !

On connait le genre du Christmas movie (film de Noël) et ses sous-genres plus ou moins critiques inventés par Hollywood. Danny Trom, après avoir vu Gremlins (1984), le film d’horreur réalisé par Joe Dante et produit par Steven Spielberg, analyse ce qui pourrait bien relever d’un sous-genre spécifique à identifier, celui du Jewish Christmas movie

 

Gremlin

 

Avec Duel (1971), la carrière cinématographique de Spielberg débutait sous le signe de l’angoisse. A peine une histoire, Duel nous propulse au volant d’un quidam poursuivi avec une ténacité meurtrière par un énorme camion dont le conducteur est sans visage. Vu d’aujourd’hui, avec ce que l’on sait de Spielberg, le motif de Duel, d’abord opaque comme des lunettes de soleil effets miroir des années 1970, devient transparent. Duel est un film sur la persécution anonyme, à l’époque où le mot Shoah n’existait pas. Angoissé, Spielberg — qui n’a pas encore réalisé La Liste de Schindler — ne cesse de regarder dans le rétroviseur, à l’instar de David Mann, son personnage traqué par la grosse machine. Quand il croit l’avoir semé, le camion ressurgit. Il veut appeler au secours mais la cabine téléphonique de la station d’essence est détruite par le camion. Jusqu’au bout, il est, comme nous, anxieusement rivé à son rétroviseur.

Un dimanche après-midi pluvieux, en parcourant une liste de films pour la jeunesse, je décide de regarder Gremlins (1984) avec ma fille âgée de 9 ans, ne songeant pas à Duel. Ne s’agit-il pas d’un film issu, plus de dix ans plus tard, de la collaboration entre Spielberg – que j’associe spontanément à E.T. l’extraterrestre – et Joe Dante, le réalisateur de Pirhanas ? Gremlins est une comédie fantastique consensuelle pour la famille, pimentée d’une dose d’horreur sophistiquée à la Dante adaptée à un jeune public, équilibre penchant nettement, dans mon souvenir, du côté sirupeux de Spielberg. Oui, certainement, Gremlins penche, mais décidément pas dans le sens que je pensais.

Le Christmas movie et ses sous-genres

Il s’avère que Gremlins relève d’abord — cela je l’avais oublié — d’un genre cinématographique nommé Christmas movies, ces films familiaux édifiants aux scénarii monotones où Noël est un prétexte pour louer les valeurs cardinales de la société américaine, en honorant la famille — un couple avec un ou deux enfants et un chien dans une maison avec un jardin et son barbecue dans le coin —, en exaltant la vie paisible de la middle class dans les banlieues pavillonnaires et les valeurs du travail honnête, de la probité et de la charité qui lui sont associées, le tout emballé dans la gratitude de vivre dans un pays béni de Dieu. D’ailleurs, avec Maman j’ai raté l’avion (1990), Chris Columbus, le scénariste de Gremlins qui travailla sous la tutelle de Spielberg, en réalisera bientôt un exemplaire humoristique dont le succès fut énorme.

Insouciant, j’embarque donc ma fille dans un Christmas movie, dont il existe aussi de très nombreuses versions romantiques où Noël brise la solitude de partenaires qui se cherchent. Tel est aussi le cas de Gremlins puisque Billy, l’adolescent héros du film, qui reçoit de son père un Mogwai pour cadeau de Noël, petite bête baptisée Gizmo, convoite vaguement la jeune orpheline Kate à qui manifestement il plait également. On devine que ce Noël-ci rapprochera Billy et Kate.

Gizmo

Gremlins s’apparente aussi au Christmas movie critique qui transforme Noël en occasion d’une rédemption improbable dans un monde corrompu, variante à laquelle Frank Capra apporta ses lettres de noblesse avec It’s a Wonderful Life (1946). Dans ce sous-genre plus noble, Noël est ce moment cathartique où les injustices prennent une couleur vive, aigüe, et propice à leur résolution. Bien qu’à première vue la petite bourgade s’apprêtant à fêter Noël sur laquelle s’ouvre Gremlins offre toutes les garanties de conformité avec une Amérique tranquille et heureuse, elle n’a rien d’idyllique, comme le signale assez vite cette scène où une bourgeoise d’âge mûre, guindée, revêche et sans pitié, traite de parasite une jolie jeune mère avec ces deux enfants affamés qui l’implore d’alléger son loyer. Je perçois comme une surprise dans le regard de ma fille, plutôt bien disposée à l’égard du genre humain, devant cette brutalité sociale nonchalante qui la prend à contre-pied.

Ce que je n’avais néanmoins aucunement anticipé, c’est que Gremlins s’inscrit pleinement dans cette myriade de « Christmas horror movies », aussi potaches que convenus, dont le cinéma américain nous a gratifié, où le père-noël, pour tout cadeau, sème une terreur indifférenciée dans une bourgade quelconque. Silent Night, Deadly Night, sorti dans les salles la même année que Gremlins, raconte ainsi l’histoire d’un enfant qui assiste au massacre de ses parents par un père-noël ; traumatisme qui transformera l’orphelin, maltraité par la mère supérieure de l’institution où il est placé, en un cruel adolescent tueur en série déguisé en père-noël. Le Christmas horror movie, à l’instar de la catégorie générale dont il est une variante, honore lui aussi l’égalitarisme dans le respect de toutes les différences, y compris de revenus, égalitarisme qui culmine à Noël, mais dans l’horreur, par la distribution égale de la mort.

Voilà une leçon qui me semble très peu ajustée à ma fille et soudain le doute m’envahit. Je m’aperçois après coup que le jeune détraqué de Silent Night, Deadly Night s’appelle Billy, comme le héros adolescent qui reçoit Gizmo en cadeau dans Gremlins. Et, effectivement, la fête de Noël de Gremlins tourne au vinaigre. Les petites bêtes diaboliques y sèment la désolation et la mort, avant d’avoir pu être stoppées. Film de noël critique et romantique à la fois, Gremlins bascule franchement, à mon étonnement, dans la catégorie des Christmas horror movies.

Le mal de noël

Pris sous cet angle, Gremlins détonne néanmoins. Aucun psychopathe mal aimé qui reproduit mécaniquement le mal qu’il a subi dans son enfance, ni aucun être asocial, méchant par nature, que secrète de temps à autre la société américaine, ne prend ici l’apparat du père-noël. Le père de Billy, inventeur raté, involontairement comique, looser pathétique, qui attendrit et exaspère son épouse, impeccable mère au foyer, acquiert le Mogwai dans une boutique obscure de Chinatown qui ressemble au Shanghai malfamé des années 1920. Le cadeau de Noël est d’origine douteuse et néanmoins offert par le père.

Dans Gremlins, le cadeau de Noël, ce petit animal poilu aussi unique et innocent que l’agneau pascal, se multiplie en autant de répliques maléfiques par la négligence de son nouveau maître pourtant informé du mode d’emploi du Mogwai. Ce qui frappe alors, c’est combien le noël de Gremlins est moins le cadre d’un récit déviant que la matière d’un traitement spécial en tant qu’événement. Ce n’est pas ici un noël particulier qui dégénère, c’est noël lui-même qui mute virtuellement. Le gentil Gizmo, lui, reste pareil à lui-même, immuable tout le long du film, imperturbable telle une idée platonicienne, mais empiriquement, dans la réalité, sur terre, il s’inverse subitement en son contraire.

Gremlins invite alors ostensiblement le spectateur à considérer noël de l’extérieur, à la manière dont un radiologue impuissant observe la démultiplication de métastases dans un corps rongé par le mal. Ceux qui se préparent à la fête, en acquérant des sapins soigneusement installés près de la cheminée, ceux qui s’adonnent avec zêle à ce rituel qui compte plus que tout autre, sont à l’évidence naïfs, simplets, presque demeurés, et même parfois xénophobes, tel ce personnage qui ne cesse de pester contre la mauvaise qualité des voitures et autres produits étrangers. Le peuple qui fête Noël dans Gremlins ne bénéficie manifestement pas de la tendresse des réalisateurs. Noël et sa célébration cinématographique, l’idée de noël et ses actualisations tendanciellement infinies, y sont d’emblée mis à distance.

Cette distance se marque au détour d’une conversation entre Billy et Kate qui fixe comme le statut de noël dans Gremlins. La jeune Kate raconte à Billy — le garçon sérieux et travailleur, désormais propriétaire de Gizmo — qu’un jour de Noël, son père, chargé de cadeaux, s’est brisé la nuque en tombant dans la cheminée. C’est la seconde fois que je jette un œil furtif sur ma fille en me demandant si Gremlins était un bon choix. L’évocation du père qui succombe, encombré de cadeaux, en chutant dans le cheminée, suscite en moi un rire irrépressible, rire désapprouvé par ma fille dont les attentes, probablement déjà bien écornées, demeurent obstinément calées sur le Christmas movie familial. Le jour de la nativité, le père de Kate meurt alors que Billy chouchoute à présent le mignon cadeau mortel de son père, observations que j’épargne à ma fille.

La petite musique de Noël, celle des cloches, se fait métallique et signale continument la menace qui plane pour qui est accoutumé aux films d’horreur. Jetant des regards obliques sur ma fille qui à présent a cherché le renfort de son doudou pour affronter la suite qu’elle devine âpre, l’inquiétude monte. Car Gremlins est un film sur le mal. Le mal, le mal en lui-même, est-il un sujet pour les enfants ? Voilà une question qui taraude tout parent, mais il est trop tard pour s’interroger, nous voilà embringués, la délibération devra attendre.

Gremlin

Entretemps, le mal s’immisce imperturbablement dans Gremlins. Non pas par le détournement meurtrier de la fête, à la manière dont un serial killer se glisse dans l’accoutrement du père noël. C’est Kate qui l’annonce : Noël est une période de dépression et de suicide. C’est Noël qui mute. Ou plutôt : c’est Noël. A présent il faudra regarder Gremlins jusqu’au bout, sachant que c’est un film sur le mal de Noël.

Quand Noël se retourne

Le Noël de Dante est une farce, mais celui de Spielberg est un carnaval. Joe Dante y a injecté le frisson, c’est sa marque de fabrique. Or, une farce est toujours aléatoire. Mais Spielberg envisage Noël dans son ambivalence. Noël y est abordé dans sa structure. Vu de l’extérieur, Noël, le jour de la naissance du Sauveur qui vient au monde sous l’apparence somme toute banale d’un mignon nourrisson, moins poilu que Gizmo mais attendrissant comme lui, est un jour de mort et de destruction. Mais alors, se demande-t-on, à partir de quelle position d’extériorité Noël est-il abordé dans Gremlins ? Ici, on est condamné à spéculer.

Alors que le tueur solitaire du Christmas horror movie standard est d’autant plus dangereux qu’il est dissimulé, déguisé en distributeur de bienfaits pour mieux dispenser la mort, les Gremlins sont nombreux, bruyants, exhibitionnistes. Ils se démultiplient au moindre contact de l’innocent Gizmo avec de l’eau. Quelque goutes suffisent. Ils se démultiplient non pas à la manière dont Jésus multiplie les pains, mais tel un baptême inversé qui, au lieu de purifier déchaîne une violence immaîtrisable.

Le vieux chinois, avec sa natte et son habit traditionnel, tout droit sorti de la Chine antique, qui rechigne à vendre son Mogwai au père de Billy, sait d’avance que cet adorable et unique être passe dans de mauvaises mains, que tous ses adorateurs finiront par regretter qu’il ait surgi dans leur monde. Gizmo babille, comme Jésus dont on ne capte pas la parole ; seul Billy qui l’a adopté semble parfois discerner ce qu’il veut dire. Mais Billy est négligeant comme le sont les adolescents ; à sa décharge, son père n’a prêté qu’une distraite attention aux recommandations méticuleuses du vieux chinois relatives au traitement du Mogwai. Gizmo sera mouillé par inadvertance.

Alors, les Gremlins prolifèrent à une vitesse vertigineuse. Ils forment à présent une horde furieuse qui accable les paisibles mais non pas si innocents habitants de la bourgade. Je ris ostensiblement pour signaler à ma fille que c’est drôle, mais sans succès. Les affreux diablotins aux dents acérés et aux oreilles pointues envahissent le bar de la ville, s’enivrent, se galvanisent, se querellent, s’amusent comme des fous. Dans leur furie, ils saccagent tout sur leur passage, tuent. Pullulants, ultra-violents, éméchés, hilares et grossiers, ils chantent, s’encanaillent, hurlent, s’esclaffent en détruisant. Leur méchanceté gratuite est comme contagieuse, celle d’une foule de pillards enivrés, de hooligans déchaînés. Oui, c’est bien ainsi qu’ils célèbrent le jour de la nativité. Happy Christmas. Kate ne nous a-t-elle pas averti que Noël est morbide ?

« Christmas Gremlin », publicité pour des figurines.

Comment venir à bout de cette calamité, se demande le spectateur affolé, surtout ma fille dont le doudou cache à présent le visage, retrait d’une spectatrice paniquée dans l’attente que les choses s’arrangent. Mais nous sommes tous deux réalistes : ma fille n’a jamais pensé que le père-noël existe vraiment et elle sait comme moi qu’il est déraisonnable de tabler sur un miracle. D’où la question : que fait la police ?

Billy accourt au commissariat, mais le sheriff et son adjoint, d’abord incrédules, s’avèrent passablement abrutis, alcoolisés et lâches de surcroit, fuyant les scènes de pillage dès leur arrivée. Mais alors, se demande-t-on, est-on vraiment en Amérique ? Oui, mais dans une Amérique profonde, rurale, pieuse et conformiste jusqu’à la caricature. La bourgade est comme une métaphore de toutes les ruralités profondes, là où Noël tourne virtuellement mal. Dans Gremlins, cela prend une forme démocratique : Noël ne se retourne pas contre d’autres, mais contre lui-même, contre ceux qui le célèbrent. Noël se retourne contre tous. Il vire, osons le terme, à l’auto-pogrom.

Un Jewish Christmas movies ?

Une fois le film terminé, les Gremlins éradiqués, la tension apaisée, et ma fille rassurée, Duel m’est revenu à l’esprit. Le persécuteur de Duel est anonyme, figuré par un camion sans conducteur identifiable. Les Gremlins aussi sont des persécuteurs. Mais d’où le scénariste a-t-il tiré ces bestioles, potentiellement bonnes comme l’atteste Gizmo dont elles procèdent, mais capables de se multiplier pour former une foule meurtrière ? Dans l’argot des pilotes de chasse britanniques qui affrontent l’Allemagne nazie, m’informe wikipedia, les Gremlins sont des lutins malintentionnés qui causent ces pannes mécaniques tant redoutées des aviateurs. Aussi anonyme soit le persécuteur dans Duel, il l’est moins que le Gremlin argotique des pilotes de la Royal Air Force, qui n’est que l’image de la panne mécanique, involontaire, une personnalisation de la paralysie devant le mal, alors que le camion de Duel est mu par une intention meurtrière.

Avec son roman pour enfants intitulé The Gremlins, paru en 1943, le très populaire écrivain britannique Roald Dahl anima les Gremlins d’une intention. Dans ce récit, promis à la réalisation d’un cartoon par Walt Disney, qui ne verra finalement pas le jour mais dont Disney tirera des comic books, les Gremlins, bestioles forestières, s’opposent à la Royal Air Force qui installe une usine de construction d’avions sur leur habitat naturel. Les Gremlins sabotent l’usine et les avions, avant de se laisser convaincre de rejoindre les forces Alliés pour combattre l’ennemi nazi en allant exercer cette fois-ci leur savoir-faire sur les avions de la Luftwaffe. Roald Dahl a donc conféré à la fatalité de la panne mécanique un sens, en dépeignant les Gremlins en saboteurs, pour le mal d’abord, puis pour le bien ensuite. Spielberg et Dante les recueillent dans cet état.

Notons qu’à la fin de sa longue vie d’écrivain populaire (il est notamment l’auteur en 1964 du roman Charlie and the Chocolate Factory, plusieurs fois adapté au cinéma), Dahl s’illustra par des déclarations antisémites — « There is a trait in the Jewish character that does provoke animosity, maybe it’s a kind of lack of generosity towards non-Jews. I mean, there’s always a reason why anti-anything crops up anywhere ; even a stinker like Hitler didn’t just pick on them for no reason[1] » déclara-t-il en 1983 — comme si ses lutins guerriers avaient à nouveau, à la fin de sa vie, mutés pour s’allier au persécuteur.

Couverture originale du livre de Roald Dahl

Les Gremlins sont donc l’objet de plusieurs mutations dont le film de Dante et Spielberg figure un stade particulier de la persécution. Le nom argotique de la fatalité, ils l’animent, à l’instar de Dahl, d’une intention toujours réversible. Les Gremlins portent en eux le carnaval : le mal se retourne en bien dans le récit de Dahl, mais le bien se renverse en mal dans Gremlins de Dante et Spielberg. La culture cinématographique avait déjà disposé les ingrédients propices aux renversements puisque le Christmas movie contient potentiellement la promesse d’une vie heureuse, voire d’une rédemption, et une menace de mort, en oscillant d’un pôle à l’autre, du meilleur au pire, selon les attentes et les sous-genres qui leurs sont associés. Le bonheur partagé dans un monde qui devrait être meilleur, qui d’ailleurs s’améliore nous assure généralement le film familial de Noël, étant toujours la condition pour que le pire advienne.

Spielberg — c’est semble-t-il à lui seul que l’on peut attribuer ce geste, sinon à qui d’autre ? — fait un pas de plus en décalant le propos sur Noël jusqu’à son retournement carnavalesque : le Père, en principe bienveillant, au lieu de faire gracieusement don de la vie éternelle à ses enfants, les gratifie d’un chaos cauchemardesque. L’ordre cosmique est comme renversé. Ce qui n’était alors pour moi qu’une intuition de spectateur qui se soucie des loisirs de sa fille — intuitions certes bien appuyée sur des indices nombreux et concordants comme on dit au tribunal — a trouvé sa confirmation quand un ami cinéphile m’indique qu’il existe aussi dans l’univers cinématographique américain un genre appelé « Jewish Christmas movies ». Dans le hit-parade propre à ce sous-genre, Gremlins figure en bonne place.

Me revient alors à l’esprit le dialogue entre Kate et Billy qui, à présent, prend un sens plus déterminé. Lorsque Kate, qui a vu son père la nuque rompue gisant dans la cheminée – son père qui voulut la surprendre en y déposant des cadeaux nombreux, mais qui ne lui offrit que le spectacle horrifiant de sa mort pour surprise – , confesse à Billy qu’elle ne fête plus Noël depuis qu’elle a compris que le père Noël n’existe pas,  Billy réplique, stupéfait :  « Mais tu es hindoue, ou quoi ?! ». « Hindou », voilà le point d’extériorité depuis lequel Gremlins approche Noël. Le regard détaché est exotique. Lui seul perçoit le carnaval. Ainsi que Spielberg.

On se doute que le reproche de Dahl aux juifs de manquer de générosité à l’égard des non-juifs a aussi trouvé un écho aux États-Unis où la production de films malveillants à l’égard de Noël est attribuée à la mainmise des Juifs sur Hollywood. Peut-on le nier ? Mais Gremlins s’apparente peut-être à un genre bien plus ancien que le Jewish Christmas movie, à ces histoires médiévales de Jésus (toldot yechou) où la venue au monde du Sauveur n’annonce rien de bon. Ceux qui le savent d’expérience n’ont pour seule arme que l’inoffensive parodie. S’il vient à Spielberg l’hindou l’idée de penser qu’il a manqué de générosité envers ses congénères chrétiens, il pourra se consoler en se disant qu’il puise somme toute dans une longue tradition où le rire l’emporte sur la mort.

D’où ma recommandation : regardez Gremlins avec vos enfants, mais pas avant qu’ils ne soient majeurs.


Danny Trom

Notes

1  »Il y a un trait dans le caractère juif qui provoque de l’animosité, c’est peut-être une sorte de manque de générosité envers les non-juifs. Je veux dire qu’il y a toujours une raison pour que l’anti-quelque chose surgisse n’importe où ; même un salaud comme Hitler ne s’en est pas pris à eux sans raison ».

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