#57 / Edito

 

À la veille du second tour de l’élection présidentielle en France, l’extrême droite est aux portes du pouvoir. Malgré les changements de labels et d’images, malgré les conversions idéologiques plus ou moins sincères ou tactiques, en France comme ailleurs en Europe, la poussée nationaliste déstabilise de plus en plus l’Union européenne. Si la version française de cette force devait l’emporter dimanche, c’est l’équilibre général de l’Europe politique qui s’en trouverait bouleversé. K. propose donc cette semaine – à travers trois textes déjà parus au cours de l’année passée – de se pencher vers l’Est pour considérer les cas de la Hongrie, de la Pologne ou de l’Autriche (celle de Sebastian Kurz qui, avant sa démission, a gouverné un temps avec l’extrême droite[1]), où cette dynamique nationaliste trouve ses meilleurs relais, afin de prendre concrètement la mesure de la menace imminente qui plane sur la France. Si la France devait rejoindre le camp des démocraties où dominent les forces dites « illibérales », que celles-ci y soient seules ou dans une coalition — ce bloc qui prône la priorité absolue des intérêts nationaux, qui espère défaire la solidarité européenne, qui veut corseter l’État de droit, qui porte une révolution conservatrice capable de mettre la nation au pas et pour qui la solidarité est toujours au prix d’une purification interne, d’une révision enchantée du passé national et d’une inquiétante ambiguïté à l’égard des juifs  — les dégâts seraient immenses et peut-être irréversibles pour toute l’Europe. Si cette force essuie dimanche une défaite, elle causera, certes, un grand soulagement. Mais tant que les causes de cette poussée ne sont pas prises à bras le corps, il y a fort à parier qu’elle se renforcera encore et finira fatalement par l’emporter.

 

 

Notes

1 Et l’article sur l’Autriche revient notamment sur la figure de Jorg Haider, l’un des précurseurs du national-populisme en Europe.

La Hongrie connaîtra le 3 avril prochain des élections législatives. La campagne a été marquée par de nombreuses accusations d’antisémitisme à l’endroit des adversaires du gouvernement actuel. À l’inverse ce dernier se pose en principal défenseur des Juifs sur le continent européen. Le journaliste János Gadó raconte la centralité des questions juives dans la Hongrie contemporaine et la manière dont les Juifs hongrois se retrouvent divisés face à un gouvernement qui semble vouloir troquer leur protection contre une réécriture du rôle du nationalisme hongrois dans la Shoah.

Jakub Nowakowski, historien et directeur du musée juif de Galicie, dresse un large tableau du rapport de la Pologne aux Juifs depuis la Shoah. Après une longue période d’appropriation de l’espace mais aussi de l’histoire et de la mémoire juive polonaise sur laquelle il revient en détail, il note un intérêt nouveau depuis les années 80. Pour autant, un nouvel enjeu se fait jour à travers les tentatives actuelles d’instrumentalisation de cette histoire au profit d’un récit glorificateur porté par le nationalisme polonais et relayé jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir.

Lors de l’affrontement avec le Hamas, le chancelier conservateur autrichien Sebastian Kurz a fait hisser le drapeau israélien sur les bâtiments gouvernementaux. Après avoir gouverné avec l’extrême droite, Kurz dirige maintenant une coalition avec les Verts. À l’inverse d’autres leaders d’Europe centrale qui écartent les responsabilités historiques de leurs nations, Kurz tient un discours limpide sur l’implication autrichienne dans la Shoah. Au sein de la communauté juive, la satisfaction prévaut. Mais des personnalités juives emblématiques restent à l’écart de cet engouement pour Kurz.

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Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.