# 199 / Edito

Il y a dix ans, le terrorisme islamiste frappait la rédaction de Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, assassinant également des policiers. Pour la commémoration de ces attentats, le CRIF et Charlie Hebdo organisent ensemble le 9 janvier une soirée de débats et d’hommage aux victimes. Mais cette alliance, sous le slogan de « Nous sommes la République », entre l’institution qui représente la vie associative juive et un bastion de la laïcité militante a-t-elle un sens, au-delà de l’épreuve tragique traversée en commun ? Selon Bruno Karsenti, qui rappelle que l’émancipation des juifs et leur conversion à la condition politique moderne dépend d’une société elle-même émancipée, elle en a intrinsèquement un. Mais c’est à condition d’entendre « République » en un sens particulier, qui doit résister à toute dogmatisation.

La lutte contre l’antisémitisme peut-elle se limiter à un travail de pédagogie et de sensibilisation, ou doit-elle s’appuyer sur l’autorité étatique pour réprimer la menace ? À cette question, Theodor Adorno répondait qu’en raison de la structure propre à la personnalité autoritaire, il ne fallait pas hésiter à « mettre en œuvre sans état d’âme les moyens de coercition disponibles ». S’appuyant sur la réflexion du philosophe, Monty Ott interroge les rôles respectifs de la puissance étatique et de la société civile dans la lutte contre l’antisémitisme en Allemagne, où la responsabilité de la Shoah fait peser une urgence particulière sur ce combat. La première partie de son enquête, que nous publions dans le cadre de notre partenariat avec la DILCRAH, éclaire les débats qui entourent la répression de l’antisémitisme en Allemagne et plaide pour une approche impliquant l’ensemble des sphères de la société.

À l’occasion de l’adaptation au théâtre de Jewish Cock de Katharina Volckmer (Le Rendez-vous, Camille Cottin et Jonathan Capdevielle, Théâtre des Bouffes du Nord, du 7 au 25 janvier 2025), nous republions le texte que Julia Christ avait consacré à ce roman. Il y est question de l’éventualité qu’un objet circoncis vienne boucher le trou de la culpabilité allemande, et du juif qu’il faut fantasmer pour vivre après la Shoah.

À l’occasion de la commémoration des dix ans des attentats de 2015, et de la soirée organisée en commun par le CRIF et Charlie Hebdo, Bruno Karsenti interroge le sens de cette alliance sous le slogan « Nous sommes la République ». Car si les juifs ont embrassé la condition politique moderne, c’est selon une modalité critique qui emporte une certaine acception de la République.

Monty Ott examine l’état de la lutte contre l’antisémitisme en Allemagne, où l’urgence des problématiques contemporaines se trouve colorée par la responsabilité allemande dans la Shoah. À l’aide de la philosophie d’Adorno, et alors que la violence antisémite se déploie depuis le 7 octobre, la première partie de son enquête interroge la place de l’État dans ce combat, et la nécessité d’une approche impliquant l’ensemble des sphères de la société.

Née en Allemagne, qu’elle a fuie pour s’installer à Londres, la narratrice de « Jewish Cock » s’épanche alors que l’ausculte son gynécologue, le Dr Seligman. Résolument provocateur, mélangeant fantasmes sexuels sur Hitler et aperçus aigus sur nos société contemporaine, le roman a récemment été traduit en français. Une parabole satirique où plane l’ombre de Philip Roth, Woody Allen et Thomas Bernhardt.

Avec le soutien de :

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.