# 184 / Edito

Nous évoquions la semaine dernière le cas de la Hongrie, et d’un Viktor Orbán ami des juifs, du moins quand il parvient à les embarquer dans son projet politique réactionnaire. Mais au Brésil aussi, le très droitier Jair Bolsonaro a été, lors de sa présidence, un de ces soutiens indéfectibles à l’extrême droite israélienne, sans pour autant parvenir à s’attirer les faveurs des juifs brésiliens. C’est que la majorité de ces derniers (comme des hongrois du reste) soutient de longue date le camp progressiste. L’annonce de la victoire de Lula sonnait donc l’heure des réjouissances. Elles furent de courte durée. Car le nouveau président fait depuis preuve d’un antisionisme rabique, n’hésitant pas à comparer Israël à l’Allemagne nazie. Renan Antônio da Silva et Eric Heinze analysent pour nous les paradoxes auxquels doivent s’affronter les juifs brésiliens, coincés entre Charybde et Scylla.

Le miroir brésilien n’est pas le seul cette semaine à nous refléter cet écartèlement dans lequel les juifs semblent partout pris. C’est que, souligne Denis Charbit, « être israélien est une condition exaltante et déchirée ». À l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Israël, l’impossible État normal (Calmann-Lévy), nous en publions les bonnes feuilles. Commencé à l’heure des manifestations contre la réforme constitutionnelle, achevé dans la tourmente de l’après 7 octobre, Charbit s’efforce d’y penser les fourvoiements qui ont mené Israël dans la crise actuelle, et d’y réfléchir son attachement intranquille au sionisme. Au milieu des dilemmes de l’époque, une certitude s’impose : « Un pays ne meurt jamais des exigences qu’on lui adresse ».

Déchirement, ambivalence, impasse, isolement… Depuis près d’un an, ces mots parsèment nos analyses, comme s’il était devenu impossible de penser la condition juive sans leur faire une place. Mais à quel vécu affectif font-ils référence ? Une fois n’est pas coutume, nous changeons de registre pour partager un podcast qui les donne à entendre. Binge Audio vient de mettre en ligne le premier épisode du documentaire audio de Juliette Livartowski, « Être juif en France après le 7 octobre », qui en comptera trois. Il nous importait de nous en faire l’écho, en l’agrémentant d’un texte introductif.

Après la triste parenthèse bolsonariste, les juifs brésiliens, majoritairement progressistes, se réjouissaient à la perspective d’un nouveau mandat de Lula. Mais l’antisionisme virulent du nouveau président semble les avoir fait déchanter. Renan Antônio da Silva et Eric Heinze nous guident à travers cette affaire, de l’histoire longue du judaïsme brésilien au secret de polichinelle que représentent les vieilles errances antisémites des élites.

Israël pourrait-il être un État normal ? Sans doute pas, soutient Denis Charbit, mais il pourrait certainement prendre ses responsabilités et sortir de la crise généralisée dans laquelle il s’est enferré. Dans son dernier livre, ‘Israël, l’impossible État normal’ (aux éditions Calmann-Lévy, dans le cadre de la renaissance de la collection ‘Diaspora’, créée par Roger Errera), il interroge en tant que citoyen israélien,  les racines de la situation actuelle. K. en publie quelques bonnes feuilles..

Le podcast de Juliette Livartowski donne à entendre l’ampleur du cataclysme subjectif vécu par les juifs de France à la suite du 7 octobre. Nous nous faisons cette semaine l’écho de ces voix juives, en interrogeant la valeur symptomatique de ce document sonore.

Avec le soutien de :


Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.