# 141 / Edito

Après le 7 octobre, le sujet des viols commis par le Hamas sur les femmes juives lors du massacre a été occulté, parfois même cyniquement derrière un supposé manque de preuves ; mais il n’est désormais plus possible d’ignorer les faits. Le travail accompli par des associations israéliennes a permis de documenter la manière dont, ce jour-là, les femmes ont été délibérément ciblées, profanées et détruites. Alors qu’est publiée une tribune « féministe »[1] qui tente de dissoudre la réalité des viols dans une prétendue propagande israélienne, alors que des militantes armées de pancartes « MeToo unless you are a jew » sont rejetées hors de la manifestation contre les violences faites aux femmes[2], l’article de Julia Christ essaie de formuler une réponse aux questions qui importent. Pourquoi l’opinion internationale, et ses représentants progressistes ordinairement les plus enclins à croire les victimes, redoublent-ils ici les violences sexuelles perpétrées par le Hamas par celle du silence ? Qu’est-ce qui explique l’apparente impossibilité à faire reconnaître la spécificité du crime qui a supplicié des juives ?

La situation actuelle occupe l’esprit de faits bruts, de débats stériles, d’un trop-plein d’émotions qui peinent à être élaborées et digérées. La créativité suffoque, l’inspiration fait défaut : voilà le constat dont part Etgar Keret dans le texte qu’il nous a cette semaine proposé de traduire et de publier. Mais, on comprend en lisant cet écrivain et cinéaste israélien que, si écrire est dans ces moments-là presque impossible, il s’agit pourtant d’une nécessité. Nécessité de témoigner d’une réalité, de rendre compréhensible ce qui nous oppresse et nous sépare. Mais surtout, écrire « pour se libérer de l’emprise étouffante de la rationalité », pour rendre son souffle à la subjectivité, pour imaginer d’autres pensées et d’autres possibles, moins sombres. Avec justesse Etgar Keret nous offre ici un témoignage de la « réalité insaisissable » de son pays, écrit à la fois aujourd’hui et il y a 22 ans.

« Depuis quelques semaines, Alex se trouve dans un tunnel à Gaza. J’imagine un tunnel sombre et humide. Peut-il s’asseoir, s’allonger, a-t-il de quoi manger ? À quoi pense-t-il ? » Cette semaine où commencent les premières et laborieuses libérations d’otages, la romancière israélienne Rachel Shalita nous confie un texte — « Sept minutes » — dans lequel elle partage ses rêves de libération et son cauchemar éveillé, quand elle pense à la détention d’un vieil ami, Alex Danzig, historien de la Shoah, figure de la réconciliation entre Israël et la Pologne, aujourd’hui otage du Hamas à Gaza.

 

Que dire des crimes sexuels perpétrés par les hommes du Hamas le 7 octobre – documentés un peu plus chaque jour par le travail d’un groupe israélien de gynécologues, médecins légistes, psychologues et juristes du droit international ? Et comment comprendre l’occultation de la violence faite aux femmes ce jour-là par une partie de l’opinion mondiale – supposées « féministes » comprises ?  Cette occultation ne revient-elle pas à faire une deuxième fois violence à ces femmes, comme si leur calvaire ne comptait pas et était dépourvu de signification ?

Peut-on raconter l’histoire du conflit israélo-palestinien « en 600 mots maximum », comme le rédacteur en chef d’un média américain l’avait demandé à l’écrivain israélien Etgar Keret ?  Aujourd’hui, ce dernier dit se sentir incapable d’écrire. Quoique… En introduisant comme il le fait aujourd’hui un texte – de 600 mots – écrit hier, il y a 22 ans, il rend compte, au « milieu de la détérioration » dont nous sommes les contemporains, de la permanence du sentiment d’être incompris aussi bien par les Israéliens que les Palestiniens.

Le début laborieux des premières libérations d’otages ces jours-ci crée un émoi intense et amer dans la société israélienne. Dans K. cette semaine, la voix de l’écrivaine Rachel Shalita témoigne, dans « 7 minutes », de son amitié et de son inquiétude – jusque dans ses rêves – pour un otage, Alex Danzig, historien de la Shoah, figure de la réconciliation entre Israël et la Pologne, prisonnier aujourd’hui du Hamas.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.