Après le 7 octobre, le sujet des viols commis par le Hamas sur les femmes juives lors du massacre a été occulté, parfois même cyniquement derrière un supposé manque de preuves ; mais il n’est désormais plus possible d’ignorer les faits. Le travail accompli par des associations israéliennes a permis de documenter la manière dont, ce jour-là, les femmes ont été délibérément ciblées, profanées et détruites. Alors qu’est publiée une tribune « féministe »[1] qui tente de dissoudre la réalité des viols dans une prétendue propagande israélienne, alors que des militantes armées de pancartes « MeToo unless you are a jew » sont rejetées hors de la manifestation contre les violences faites aux femmes[2], l’article de Julia Christ essaie de formuler une réponse aux questions qui importent. Pourquoi l’opinion internationale, et ses représentants progressistes ordinairement les plus enclins à croire les victimes, redoublent-ils ici les violences sexuelles perpétrées par le Hamas par celle du silence ? Qu’est-ce qui explique l’apparente impossibilité à faire reconnaître la spécificité du crime qui a supplicié des juives ?
La situation actuelle occupe l’esprit de faits bruts, de débats stériles, d’un trop-plein d’émotions qui peinent à être élaborées et digérées. La créativité suffoque, l’inspiration fait défaut : voilà le constat dont part Etgar Keret dans le texte qu’il nous a cette semaine proposé de traduire et de publier. Mais, on comprend en lisant cet écrivain et cinéaste israélien que, si écrire est dans ces moments-là presque impossible, il s’agit pourtant d’une nécessité. Nécessité de témoigner d’une réalité, de rendre compréhensible ce qui nous oppresse et nous sépare. Mais surtout, écrire « pour se libérer de l’emprise étouffante de la rationalité », pour rendre son souffle à la subjectivité, pour imaginer d’autres pensées et d’autres possibles, moins sombres. Avec justesse Etgar Keret nous offre ici un témoignage de la « réalité insaisissable » de son pays, écrit à la fois aujourd’hui et il y a 22 ans.
« Depuis quelques semaines, Alex se trouve dans un tunnel à Gaza. J’imagine un tunnel sombre et humide. Peut-il s’asseoir, s’allonger, a-t-il de quoi manger ? À quoi pense-t-il ? » Cette semaine où commencent les premières et laborieuses libérations d’otages, la romancière israélienne Rachel Shalita nous confie un texte — « Sept minutes » — dans lequel elle partage ses rêves de libération et son cauchemar éveillé, quand elle pense à la détention d’un vieil ami, Alex Danzig, historien de la Shoah, figure de la réconciliation entre Israël et la Pologne, aujourd’hui otage du Hamas à Gaza.