La crise qui a explosé en Israël se déroule sur deux fronts. Les manifestations sans précédent qui rythment la vie politique du pays depuis que le nouveau gouvernement de Netanyahou s’est engagé dans la voie d’une réforme du système judiciaire manifeste un front intérieur où les citoyens israéliens se déchirent sur la définition et le devenir de leur pays. Mais aussi, à l’extérieur de l’État, en Cisjordanie, où après le meurtre de deux Israéliens de la colonie de Har Brakha, des centaines de colons se sont livrés au saccage de Huwara et de trois villages voisins, faisant un mort palestinien. Sur ce deuxième front, la violence des sionistes religieux exprime la radicalité d’un nationalisme qui passe par une volonté de d’appropriation exclusive d’un lieu, et donc d’en déposséder les Palestiniens. Comme Bruno Karsenti le rappelle, si advenait l’État désiré par les émeutiers commettant un tel geste (et désiré jusque dans le gouvernement, comment en témoigne la phrase lâchée par le ministre des Finances Betsalel Smotrich : « Israël devrait effacer le village de Hawara »), il ne serait plus Israël – en tout cas l’Israël issu du sionisme historique que le sionisme religieux remet aujourd’hui en question. « Dans le sionisme historique, il ne fait de doute pour personne que les Arabes Palestiniens appartiennent à cette terre et y tiennent, c’est-à-dire sont fondés à y appartenir et à y tenir. » Le texte de Bruno Karsenti – « Ce à quoi nous tenons » – commente la situation qui agite Israël en ce moment mais il introduit aussi celui du philosophe palestinien Sari Nusseibeh – « Appartenance et possession » – , prononcé le 24 janvier dernier à Jérusalem lors d’un colloque consacré à « Martin Buber et son héritage » et que nous sommes heureux de publier dans K. cette semaine. L’exploration philosophique de tous les sens associés aux verbes « appartenir » et « posséder », aussi analytique soit-elle, nous offre une manière de plonger au cœur des enjeux du présent. En effet, attaché à un indéfectible principe de non-violence en vue de « [trouver] le chemin d’une certaine forme de vivre ensemble » entre Juifs et Palestiniens, l’ancien président de l’Université palestinienne Al-Quds à Jérusalem-Est passe par l’œuvre de Buber, par l’angoisse de ce dernier s’interrogeant sur la nature et l’avenir du sionisme, pour dire son souci que deux peuples puissent partager la même terre.
Féminisme et judaïsme… Nous republions le reportage sur les militantes juives de Marseille qui s’emparent des murs de la ville pour coller leurs slogans sur l’antisémitisme et la situation des femmes juives : « Juive et fière » proclame l’un d’eux. Yoram Melloul raconte les tensions auxquelles se confrontent ces militantes, religieuses et féministes, ainsi que leur dénonciation du silence de leur camp – la gauche – vis-à-vis de l’antisémitisme…