Nous avions prévu de publier notre entretien avec Bernard Cazeneuve, réalisé juste avant les derniers rebondissements de l’affaire Sarah Halimi, dans un numéro précédent. Mais il était évidemment impossible de faire paraître les propos d’un ancien Premier ministre qui affirme qu’« à chaque fois que l’antisémitisme gagne en France, la République cesse d’être elle-même », sans lui poser une question de plus. On le verra, la réponse apportée par Bernard Cazeneuve à notre question additionnelle est brève, mais sans ambiguïté.
Suite à la décision de la Cour de cassation de confirmer l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, on a vu comment la recherche d’une solution pouvait se convertir en appel à un ailleurs; et d’un ailleurs disponible sous la forme d’une extraterritorialité d’une nature singulière : Bruno Karsenti et Danny Trom reviennent ainsi sur la signification d’une demande de procès adressée à la justice israélienne en réaction à ce qui apparait comme une impuissance immanente à la réalité française. On ne sait pas si une plainte sera finalement déposée en Israël ni si elle y serait reçue, mais qu’une telle éventualité puisse se formuler est un événement en soi, qui rend manifeste la portée politique de l’affaire Halimi. Qu’est-ce qui se joue dans ce recours symptomatiquement adressé à Israël, plutôt qu’à l’Europe ? Comment penser l’hypothèse d’un tel aller-retour ?
D’aller-retour, il est aussi question dans l’autofiction que nous donne ici Mona El Khoury. Son texte fait le récit du parcours sinueux d’identités intériorisées – juive, musulmane, chrétienne – qui se découvrent par le biais d’interpellations extérieures et dont la compatibilité est recherchée par les lois de l’écriture, toujours promptes à unifier des voix éparpillées. « Je me sens comme une visiteuse par rapport à mon nom. Quelqu’un qui y séjourne tout en gardant une distance d’étrangeté. Je ne parle pas l’arabe, la langue dans laquelle il s’énonce, je ne suis pas chrétienne, comme il le désigne, je ne suis pas libanaise, comme il le connote. Il me rattache à mon père, qui n’a pas pu ou su me transmettre sa culture. Un lien vers une absence. »
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Le texte d’ouverture et de présentation de la revue est, comme tous les articles publiés, toujours disponible sur le site et ici : Les Juifs et l’Europe, hier et aujourd’hui. Et demain ?