Histoire - Allemagne

Cet été, K. vous propose de retrouver chaque semaine une sélection de quatre articles, déjà parus dans nos pages, mais rassemblés pour l’occasion autour de  quelques thématiques phares. Cette semaine : un dossier sur l’Allemagne avec des textes et reportages de Julia Christ, Lisa Vapné, Constantin Goschler et Barbara Honigmann.

Le 30 janvier 1933, il y a quatre-vingt-dix ans cette semaine, Hitler était nommé chancelier du Reich. Face à cet événement l’Europe entière attendait qu’une personne prenne la parole : Karl Kraus, juif viennois, pamphlétaire radical et polémiste universellement redouté qui avait fondé en 1899 Le Flambeau, journal dont il fut le rédacteur unique à partir de 1911 et aux flèches duquel peu de ses contemporains ont échappé. Or, Karl Kraus refuse de parler. Au lieu de commenter « l’événement » il s’acharne à faire comprendre à tous ceux qui veulent « en parler » pourquoi il n’y a plus rien à dire. Julia Christ revient sur le silence de celui qui jusque-là avait toujours trouvé quelque chose à dire et rend compte de sa signification pour l’histoire de l’Europe.

200.000 Juifs soviétiques se sont installés en Allemagne depuis les années 1990. S’ils ont migré dans le pays des assassins, c’est en partie parce que l’Allemagne a mené une politique d’accueil très positive à leur égard, mais aussi parce que le judaïsme soviétique n’avait pas les mêmes représentations de ce pays que les Juifs de l’Europe de l’Ouest. Lisa Vapné nous raconte l’histoire de l’intégration complexe de ceux qui étaient d’abord désirés, puis ont déçu, et enfin jusqu’aujourd’hui se battent en grande partie pour être reconnus par leur propre communauté.

L’examen autocritique de l’ère nazie fait partie de la culture politique de l’Allemagne d’aujourd’hui. C’est cependant sur l’histoire d’une autre « culture » que l’avocat Zachary Simon revient dans son récit dont nous publions cette semaine la seconde partie : une longue culture judiciaire de l’acquittement des criminels nazis, laquelle aura commencé à se fissurer au moment les criminels poursuivis et jugés sont devenu des paisibles nonagénaires…

Pour faire face à sa responsabilité dans la Shoah, l’Allemagne a construit une « culture du souvenir » largement reconnue, qui place son passé au premier plan. Pourtant à y regarder de plus près, des fissures apparaissent dans ce tableau. Car pour l’avocat et écrivain Zachary Simon, derrière l’attachement proclamé du pays à la mémoire de la Shoah, une timidité pour juger les criminels, voir un mépris pour la justice, est manifeste.

Il y exactement soixante dix ans, en septembre 1952, fut signé l’Accord du Luxembourg. Le gouvernement de la RFA accédait aux demandes du jeune État israélien et s’engageait à verser une indemnisation conséquente. Traditionnellement considéré comme une modalité de réparation après la Shoah, l’accord de Luxembourg est en réalité une transaction bien plus subtile qui ne fut pas considérée comme une réparation, ni comme une réconciliation. L’historien Constantin Goschler revient sur les tenants et les aboutissants de cet accord et sur le contexte géopolitique allemand et mondial qui l’éclaire.

« C’est à chaque fois la même scène. Je suis dans un square parisien et l’on me demande quelle langue je parle avec mes enfants. Ma « gueule juive » les met sur deux fausses pistes : soit c’est du yiddish, soit de l’hébreu. Dans aucun cas, ils ne reconnaissent ma langue maternelle, parlée par un européen sur cinq… »

La vocation du Forum Humboldt est d’accueillir des expositions sur les cultures non européennes. Mais ce musée ethnographique est aujourd’hui au cœur d’une controverse concernant la propriété d’œuvres d’art et d’objet obtenus à l’époque de l’empire colonial allemand en Afrique et en Asie. Nous avons voulu, dans cet entretien avec l’historien d’art Horst Bredekamp, en savoir davantage sur une tradition ethnographique allemande oubliée – et en particulier sur la contribution des savants et collectionneurs juifs au sein de cette tradition.

La Shoah constitue-t-elle un crime d’une nature absolument singulière faisant césure dans l’histoire de l’Europe ou faut-il ne la compter que comme un crime parmi d’autres, n’ayant à ce titre rien d’extraordinaire ? Cette question a départagé, il y a plus de trente ans, l’intelligentsia allemande en une droite conservatrice et une gauche libérale. On la croyait tranchée. Apparemment, il n’en est rien…

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.