Pour ce nouveau volet de notre série, conçue en partenariat avec la DILCRAH, sur l’antisémitisme en Europe, Liam Hoare s’est intéressé à la stratégie autrichienne de lutte contre la haine et les préjugés envers les juifs. Dans cette première partie de son enquête, qui sera complétée la semaine prochaine, il s’arrête sur la volonté de pérenniser la vie juive autrichienne, notamment par une politique éducative. Mais comment cela s’articule-t-il au passé autrichien de collaboration dans les crimes nazis ?
Quelques jours après la décision du gouvernement autrichien de faire passer son soutien financier annuel à la communauté juive de 4 à 7 millions d’euros, je rencontre Benjamin Nägele, secrétaire général de la communauté de Vienne (IKG Wien).
Lors de notre entretien dans son bureau situé dans le même complexe que le Stadttempel, la principale synagogue de Vienne, M. Nägele explique que « les dépenses de sécurité de la communauté viennoise dépassent à elles seules les 4 millions d’euros ». La sécurité est la principale source de dépenses de la communauté juive autrichienne, « non pas car telle est notre volonté, mais parce que nous n’avons pas le choix ». Selon M. Nägele, « l’augmentation des subventions pour le monde juif en général était en outre d’autant plus nécessaire dans un contexte d’inflation galopante ». Le budget annuel de l’IKG Wien est passé de 19 millions d’euros en 2022 à 22 millions en 2023. Ce montant inclut 10 millions d’euros de frais de personnel.
Une stratégie de promotion de la vie juive
Le soutien financier du gouvernement fédéral autrichien s’inscrit dans le cadre de la Loi sur la sauvegarde du patrimoine culturel juif autrichien (ÖJKG). Il s’agit de la première des 38 mesures qui constituent la Stratégie nationale autrichienne de lutte contre l’antisémitisme (ci-après « la Stratégie »). Publiée en 2021, cette stratégie synthétise en un seul document les activités des différents ministères en matière d’antisémitisme « dans le but d’assurer la pérennité de la vie juive en Autriche, de lutter contre l’antisémitisme sous toutes ses formes et de sensibiliser la population à l’antisémitisme dans la vie de tous les jours ».
Le soutien financier annuel est conditionné ou lié à des thèmes précis définis conjointement par le gouvernement fédéral et la communauté juive : depuis la sécurité ou le soutien aux organisations de jeunesse juives jusqu’au dialogue interreligieux et aux événements culturels juifs. « Nous ne cessons de répéter que la mesure la plus importante pour combattre l’antisémitisme consiste à soutenir et à promouvoir une vie juive assumée, ouverte et intégrée au sein de notre société », me confie M. Nägele. « Notre meilleur outil pour lutter contre ce fléau est de nous ouvrir à la société et de montrer la vie juive sous toutes ses facettes ».
Selon Karoline Edtstadler (Parti populaire, ÖVP), ministre autrichienne de l’Europe et de la Constitution, « depuis 2021 les conditions économiques et géopolitiques ont changé pour tout le monde, y compris pour la communauté juive ». Le gouvernement s’est donc engagé à porter son soutien à 7 millions d’euros afin que les différents projets financés par ces fonds — en matière notamment de sécurité, de dialogue intercommunautaire et de lutte contre l’antisémitisme — « ne s’essoufflent pas à mi-parcours ». L’objectif de l’ÖJKG, explique Mme Edtstadler, « est de préserver l’Autriche en tant que centre de vie juive à long terme. Dans de nombreuses régions d’Europe, nous assistons à un déclin de la population juive. Ici, en Autriche, nous voulons contrer ce phénomène ».
Un accent mis sur l’enseignement
« Je suis fière, me dit Karoline Edtstadler, que nous ayons été, en janvier 2021, le premier pays de l’Union européenne à introduire une Stratégie nationale de lutte contre l’antisémitisme. Selon la ministre, la priorité absolue du gouvernement autrichien était de « définir des objectifs et des mesures permettant d’enrayer l’antisémitisme sous toutes ses formes et, ainsi, d’assurer la pérennité de la vie juive en Autriche à long terme ». Les mesures prévues par la Stratégie ne concernent donc pas seulement la sécurité, mais aussi l’éducation, la recherche, la répression de certains crimes et délits connexes et l’intégration.
En effet, la Stratégie s’articule autour de 38 mesures qui relèvent de 6 piliers et objectifs fondamentaux : l’éducation, la formation et la recherche ; la sécurité et la protection des communautés et institutions juives ; l’application effective de la loi ; le cadre général de l’intégration ; la documentation et la comparaison des données à l’échelle européenne ; et l’approche sociétale. Ce dernier pilier prévoit « d’assurer une action à l’échelle de la société et un échange entre les institutions publiques et privées en vue de prévenir l’antisémitisme sous toutes ses formes ».
La Stratégie a été élaborée par la chancellerie fédérale autrichienne avec la participation des ministères de la Justice, des Affaires étrangères, de l’Éducation, du Travail et de la Défense. Le document final est le reflet de cette coopération puisque de nombreuses mesures relèvent de la compétence ou de la responsabilité des ministères compétents eux-mêmes. Celui de la Justice, par exemple, est censé superviser « l’évaluation et la révision éventuelle de la Loi autrichienne d’interdiction des activités nationales-socialistes et de la négation de la Shoah », ainsi que le « renforcement de la protection contre la violence et la haine en ligne » par « la mise en œuvre d’un ensemble de mesures visant à lutter efficacement contre la haine en ligne et d’autres formes de criminalité numérique ».
L’IKG a elle aussi été consultée sur cette stratégie, de même que les ONG et les groupes de la société civile concernés. Pour Mme Edtstadler, en effet, « cela n’aurait eu vraiment aucun sens de formuler une stratégie [de lutte contre l’antisémitisme] sans prendre en compte les problèmes et les préoccupations actuels de la communauté juive ». Pour Benjamin Nägele, la Stratégie est « un document de travail que nous pouvons utiliser comme référence dans notre travail quotidien, mais aussi un document d’orientation à l’intention surtout des ministères et autres différents acteurs impliqués ». Il est en effet exclu de laisser à la seule communauté juive le soin de lutter contre l’antisémitisme. Les mesures prévues par la stratégie constituent une sorte de référentiel permettant à cette communauté de demander des comptes au gouvernement.
L’IKG elle-même participe à la mise en œuvre de certaines mesures de la Stratégie, en particulier celles qui relèvent de l’éducation, de la formation et de la recherche. Ainsi, elle contribue à définir le contenu des cours sur les valeurs et l’intégration destinés aux réfugiés et aux migrants, lesquels, tels qu’ils sont dispensés par le Fonds autrichien d’intégration (ÖIF), abordent aussi depuis le début 2022 l’antisémitisme. « L’objectif est d’informer et de sensibiliser les immigrants au contexte de l’antisémitisme et de leur indiquer les possibilités d’action s’ils sont témoins d’un incident antisémite », me confie un porte-parole de l’ÖIF.
Nägele se souvient que l’IKG « a été approchée par l’ÖIF qui lui a demandé de créer de toutes pièces deux séminaires spécifiques à titre d’outils de lutte contre l’antisémitisme ». En collaboration avec l’historien et éducateur Awi Blumenfeld et des pédagogues de ses propres écoles, l’IKG a élaboré un programme qui place l’apprentissage de la vie juive autrichienne au cœur de la lutte contre l’antisémitisme. « Nous expliquons l’histoire des Juifs en Autriche, mais aussi le présent et l’avenir de la communauté : à quel point elle est bien intégrée et inséparable de la vie et de la culture autrichiennes ».
Nous sommes confrontés à des interrogations aussi déroutantes que « Les Juifs paient-ils des impôts ? »
L’ÖIF m’informe que les participants « apprennent également que la discrimination à l’encontre des Juifs ainsi que la négation, la banalisation et l’approbation des crimes nazis sont interdites par la législation autrichienne et sévèrement sanctionnées. Ils apprennent aussi à prendre fermement position contre l’antisémitisme s’ils ont connaissance d’incidents antisémites ou en sont témoins ». Grâce à sa coopération avec l’IKG Wien, l’ÖIF estime que « le cours ainsi conçu constitue un module bien équilibré permettant une approche positive et non subjective et posant des jalons clairs en termes de contenu ».
Par ailleurs, l’objectif de la Stratégie consistant à « soutenir des projets liés à l’intégration et sensibilisant les gens à l’antisémitisme, à la radicalisation, à la propagande et à l’importance d’un dialogue pacifique entre les cultures et les religions » a permis d’étendre le programme Likrat de l’IKG qualifié d’« exemplaire ». Likrat, me précise Jennyfer Mitbreit, du département Jeunesse de l’IKG à Vienne, « est un programme axé sur le dialogue dans le cadre duquel de jeunes juifs » — âgés de 14 à 18 ans et spécialement formés à cette fin — « sont envoyés dans des écoles et autres établissements d’enseignement pour parler de leur judaïsme ». Projet suisse à l’origine, le programme Likrat a été introduit à Vienne en 2015 et a déjà formé 140 jeunes participants des deux sexes (Likratinos et Likratinas).
Cette méthode de pair-à-pair « génère une atmosphère intime se prêtant plus facilement à la discussion de tous les sujets », explique Mme Mitbreit. Sa collègue Beatrice Kricheli, présidente du département jeunesse de l’IKG à Vienne, ajoute que les questions posées vont de « Comment observez-vous le shabbat ? » à « Avez-vous le droit de boire de l’alcool ? », en passant par des interrogations plus déroutantes telles que « Les juifs paient-ils des impôts ? ». Grâce à ces rencontres, Likrat vise à briser l’antisémitisme et les préjugés antijuifs en répondant aux questions et en renversant les idées fausses et les stéréotypes que les jeunes participants peuvent entretenir. En invitant les Likratinos et les Likratinas à parler de leur judaïsme, Likrat cherche en outre à montrer la diversité et la pluralité inhérentes au judaïsme et à la communauté juive viennoise.
Que ce soit dans des écoles ou d’autres établissements d’enseignement, Likrat a été confronté à des situations très difficiles, comme l’explique Kricheli. « Nous nous sommes rendus dans une école où l’enseignante était également juive, ce que ses élèves ignoraient. Elle préparait la rencontre avec sa classe et recueillait des questions. Elle a trouvé des morceaux de papier sur lesquels des croix gammées avaient été dessinées et des questions posées : ‘Qu’est-ce que ça fait d’être gazé ? Pourquoi Hitler n’a-t-il pas tué tous les Juifs ? Pourquoi les Israéliens font-ils aux Palestiniens ce que les nazis ont fait aux Juifs ?’ ». Après la visite de Likrat, Kricheli affirme que les élèves concernés ont réfléchi à leurs questions insultantes, aux raisons pour lesquelles ils les avaient posées et à leur erreur — « Cela les a fait réfléchir et certains d’entre eux se sont même excusés après coup en disant : ‘Je suis désolé, je n’ai toujours pas compris pourquoi j’ai dit cela’ ».
Grâce à la Stratégie, à l’ÖJKG et à un financement supplémentaire de la chancellerie fédérale, le programme Likrat a été considérablement élargi depuis 2021. Désormais, il ne s’adresse plus seulement aux écoles secondaires, mais aussi aux écoles primaires, aux universités, aux écoles de police, aux clubs de retraités et à la Fédération autrichienne de football. En ce qui concerne son activité principale, « nous recevons plus de demandes de la part des écoles que nous ne pouvons en satisfaire à l’heure actuelle, car Likrat est devenu un label incontournable », explique M. Nägele. « Nous essayons de recruter le plus possible d’étudiants juifs pour les former, mais en raison de la taille de la communauté, nous ne pouvons pas proposer autant d’activités que nous le souhaiterions. Mais c’est un grand succès ».
Assumer les crimes du passé pour construire l’avenir de la vie juive autrichienne
Lors de la Présidence autrichienne du Conseil de l’Union européenne au deuxième semestre 2018, l’Autriche a mis l’accent sur la lutte contre l’antisémitisme. Il convient de rappeler que 2018 a été une année commémorative importante pour l’Autriche, 80 ans après l’Anschluss de l’Allemagne nazie en mars 1938, et 80 ans après le pogrom de la Nuit de Cristal au cours duquel quelque 6 000 Juifs autrichiens ont été rassemblés et déportés dans des camps de concentration et 25 des 26 synagogues de Vienne détruites.
En décembre 2018, le Conseil de l’Union européenne a adopté une Déclaration sur la lutte contre l’antisémitisme et le développement d’une approche commune en matière de sécurité pour mieux protéger les communautés et les institutions juives en Europe. Cette Déclaration invitait les États membres de l’UE à adopter la définition de travail de l’antisémitisme de l’IHRA (ce que le gouvernement autrichien avait déjà fait en avril 2017) et à « mettre en œuvre dans le cadre de leurs stratégies de prévention du racisme, de la xénophobie, de la radicalisation et de l’extrémisme violent une stratégie globale visant à prévenir et combattre toutes les formes d’antisémitisme ». La Stratégie nationale autrichienne de lutte contre l’antisémitisme découle de cette Déclaration.
Le fait que la présidence du Conseil de l’UE ait échu à l’Autriche précisément au cours de cette année de commémoration [Gedenkjahr] est le fruit du hasard. Pourtant, l’accent mis à l’époque par Vienne sur la lutte contre l’antisémitisme et l’adoption ultérieure de la Stratégie sont indissociables de ce contexte politico-historique. Pour la ministre Karoline Edtstadler, « ces deux aspects, le passé et l’avenir de l’Autriche, ont donné le ton de la mise en œuvre de la Stratégie ». En effet, on ne peut pas répondre à la question de savoir pourquoi l’Autriche a adopté une Stratégie nationale de lutte contre l’antisémitisme sans faire référence à l’acceptation par ce pays de son passé nazi et au renforcement de la vie juive en son sein : deux évolutions parallèles amorcées dans les années 1980.
Waldheim incarnait un mode de pensée ancien et enraciné illustrant la relation difficile de l’Autriche à son passé nazi.
En 1986, l’ancien Secrétaire Général de l’ONU, Kurt Waldheim, s’était porté candidat à la présidence autrichienne. Au cours de la campagne, il était apparu que l’intéressé avait auparavant menti sur son passage sous les drapeaux pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il s’est avéré que Waldheim avait été membre de la SA et du mouvement étudiant nazi. Le Congrès juif mondial (CJM), qui avait mené l’enquête sur Waldheim, l’accusait d’avoir participé, pendant son service militaire, à des déportations massives de Juifs grecs. Le CJM avait également découvert que Waldheim avait été officier de renseignement sur le théâtre d’opérations yougoslave où il avait participé au massacre de partisans yougoslaves à Kozara, ce qui lui avait valu d’être distingué pour ses actions.
Waldheim avait nié avoir eu connaissance des événements survenus en Grèce et en Yougoslavie, ce qui constitue un mensonge si l’on considère, d’une part, qu’il avait été officier de renseignement et, d’autre part, que la déportation des Juifs grecs avait fait l’objet d’une large couverture médiatique à l’époque. Dans les interviews qu’il avait accordées pendant la campagne présidentielle, Waldheim s’était défendu en insistant constamment sur l’horreur de la guerre et sur les souffrances des Allemands et des Autrichiens. En ce sens, il incarnait un mode de pensée ancien et enraciné illustrant la relation difficile de l’Autriche à son passé nazi.
L’affaire Waldheim a été pénible et douloureuse à court terme, surtout pour la communauté juive autrichienne, la campagne présidentielle de 1986 ayant fait apparaître dans l’opinion publique une forme d’antisémitisme jusqu’alors latente. À long terme, cependant, 1986 a été une année charnière pour l’Autriche et sa Deuxième République. C’est le moment où le mythe, né pendant la Deuxième Guerre mondiale — selon lequel l’Autriche aurait été la première victime du national-socialisme — et les tabous pesant sur l’évocation du passé ont volé en éclats. L’affaire Waldheim a mis l’Autriche sur la voie de la confrontation avec son passé et de la réconciliation.
En 1991, le chancelier de l’époque, Franz Vranitzky, a officiellement reconnu la responsabilité historique de l’Autriche dans les crimes nazis ; deux ans plus tard, il a effectué une visite historique en Israël. En 1995, l’Autriche a créé le Fonds national pour les victimes du national-socialisme afin de verser des indemnités et des dédommagements. Le premier mémorial aux victimes juives de la Shoah a été inauguré sur la Judenplatz de Vienne en 2000. En 2020, la Loi sur la nationalité autrichienne a été modifiée pour permettre aux descendants des victimes du national-socialisme de récupérer la citoyenneté autrichienne dont leurs ancêtres avaient été déchus, sans avoir à renoncer à leur nationalité existante. Il ne s’agit là que de quelques manifestations de la période post-Waldheim au cours de laquelle l’Autriche a commencé à assumer son passé. La Stratégie nationale de lutte contre l’antisémitisme en est une autre.
La Stratégie est donc autant un moyen pour l’Autriche de se confronter à son passé nazi et d’assumer la responsabilité conjointe des crimes nazis qu’un moyen de renforcer parallèlement la vie juive et les institutions de la communauté juive.
« L’expulsion, la persécution et le meurtre de Juifs pendant la période nazie ont ouvert dans notre société un vide qui ne pourra jamais être comblé », explique Mme Edtstadler. La ministre considère que la Stratégie et les autres initiatives déjà mentionnées s’inscrivent dans le contexte d’une Autriche qui « assume sérieusement sa responsabilité » à l’égard du passé ; et la même d’ajouter : « je suis fière qu’au cours des cinq dernières années en particulier, nous ayons pu accomplir des progrès majeurs », notamment la construction du Mur des Noms — un mémorial répertoriant plus de 64 000 victimes juives autrichiennes de la Shoah — inauguré en 2021.
Quant aux Juifs autrichiens, la réalisatrice Ruth Beckermann raconte dans son remarquable film portant sur cette période, La valse de Waldheim (2018), que sa participation au mouvement de protestation anti-Waldheim, lequel comptait aussi bien des Juifs que des non-Juifs, lui a permis de ne plus se sentir seule dans son pays. Dans le cadre d’un précédent article publié par K, l’écrivain et historien autrichien Doron Rabinovici — ayant lui aussi participé à ce mouvement — m’avait d’ailleurs expliqué « [n]ous pouvions exprimer les opinions de nos parents — la génération de la Shoah — qui sentaient qu’ils ne pouvaient pas le faire eux-mêmes… La communauté juive comptait sur nous lorsqu’il s’agissait d’activisme. Ils étaient alors beaucoup plus prudents qu’ils ne le sont aujourd’hui ».
L’affaire Waldheim a changé la nature même de la communauté juive autrichienne, laquelle est devenue plus indépendante et plus assurée, d’abord sous la direction de Paul Grosz, président de 1987 à 1998, puis de son successeur Ariel Muzicant, président de 1998 à 2012. L’IKG a traversé une période de renforcement institutionnel avec la création au fil du temps de : ESRA, le Centre psychosocial de la communauté juive (1994) ; le Centre juif de formation professionnelle (1998) ; un nouveau campus pour l’école Zwi Perez Chajes ; l’établissement de soins pour personnes âgées Maimonides Center ; et le club sportif Hakoah Vienna (2008). Les dirigeants communautaires sont aussi devenus plus revendicatifs, comme en témoignent les différends entre Muzicant et le Parti de la Liberté, une formation d’extrême droite.
La Stratégie est donc autant un moyen pour l’Autriche de se confronter à son passé nazi et d’assumer la responsabilité conjointe des crimes nazis qu’un moyen de renforcer parallèlement la vie juive et les institutions de la communauté juive. Ces deux processus — l’un national, l’autre communautaire — ont abouti à une prise en compte croissante des préoccupations de la communauté juive dans la vie politique autrichienne et à la reconnaissance, par le gouvernement autrichien, de l’importance de la vie et de la culture juives et de la lutte contre l’antisémitisme pour le pays dans son ensemble. C’est dans cet esprit qu’est d’ailleurs née l’idée de la Stratégie.