Israël sur le Danube. Épisode 7

La guerre des Six Jours

 

Innsbruck, capitale du Tyrol, 1960.

 

Où l’on se demande, au terme de ce dernier épisode, si l’histoire de la République du Peuple juif aurait été moins tumultueuse sur les terres des anciens royaumes d’Israël et de Judée plutôt qu’au cœur de l’Europe…

 

Fort de son accord avec la RFA, l’État juif entreprend de réduire l’enclave du Tyrol et de fermer hermétiquement la frontière avec la Carinthie. Deux autoroutes sont rapidement construites pour contourner Innsbruck. L’axe sud relie Vienne à la frontière italienne par le col du Brenner ; l’axe nord s’articule sur le réseau routier allemand par les rives du lac de Constance. Les deux autoroutes sont naturellement protégées par une succession de postes militaires.

Le gouvernement favorise la création d’implantations juives dans les Alpes autrichiennes et décide d’exploiter les ressources touristiques en créant des stations de sports d’hiver. La transformation des alpages en pistes de ski provoque un nouvel exode et les villageois affluent dans les camps de réfugiés d’Innsbruck.

Le FATA [Front Autonome du Tyrol Autrichien][1] réplique par des opérations de sabotage des installations. À chaque attaque, les forces spéciales de défense de l’État juif pénètrent à l’intérieur de l’enclave d’Innsbruck pour arrêter les terroristes et détruire leurs maisons.

En mai 1967, un commando du FATA attaque l’axe sud et mitraille des touristes juifs qui rentraient d’Italie par le Brenner. Cette fois, les attaquants ne viennent pas d’Innsbruck, mais de Carinthie. L’aviation israélienne réplique en bombardant un camp de réfugiés en plein cœur de Klagenfurt. Tito demande aussitôt la saisie du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le représentant de l’URSS, Andreï Gromyko, réclame une condamnation ferme de l’agression sioniste, mais se heurte aux vetos des États-Unis et de la Grande-Bretagne, la France s’étant abstenue.

Tito organise des manifestations géantes, précédées de défilés militaires, à Belgrade, Ljubljana, Zagreb et Sarajevo. À Klagenfurt, les formations paramilitaires de réfugiés autrichiens paradent au pas de l’oie en tenue traditionnelle, culotte de peau et chapeau à plume. Ils sont équipés de fusils d’assaut Kalachnikov de fabrication soviétique. La télévision de Vienne, qui ne dispose que de photos fixes prises par un avion-espion, affirme que le défilé s’est terminé au son du Horst Wessel Lied. Le correspondant du Monde à Belgrade, qui n’a pas pu se rendre à Klagenfurt, parle quant à lui de chants traditionnels allemands et autrichiens. Toujours est-il que les responsables du FATA ont lancé un mot d’ordre dépourvu d’ambiguïté : « Le Danube sera rouge du sang des Juifs ! ».

Le 4 juin 1967, Tito adresse à Vienne un ultimatum exigeant le libre passage entre la Slovénie et le Tyrol.

À Moscou, Leonid Brejnev demande le retrait des troupes sionistes des frontières de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie, ainsi que la fin de l’agression contre la Yougoslavie.

Lévi Eshkol, Premier ministre de la République du Peuple juif réunit un Conseil de Défense auquel David Ben Gourion participe estimant qu’il est grand temps pour lui de sortir de sa retraite. Aucune information ne filtre en dehors de la décision de décréter la mobilisation générale.

Le 5 juin, les forces de défense juives entrent en action. L’aviation coule la flottille qui barre le Danube, ainsi que plusieurs installations militaires terrestres en Tchécoslovaquie et en Hongrie. Le chef des forces aériennes, le général Ezer Weizmann, laisse ses escadrilles survoler Bratislava et Budapest avant de leur donner l’ordre formel de retourner à la base.

Moshé Dayan, ministre de la Défense, et Itzhak Rabin, chef d’état-major, lancent simultanément trois offensives. Les parachutistes sautent sur Innsbruck, appuyés par des blindés qui entrent dans la ville par la voie terrestre. Une opération de plus grande envergure vise la ville de Klagenfurt où, après un bombardement aérien, une division de paras saute sur les camps de réfugiés tandis que les chars bousculent les défenses frontalières. La pression sur le troisième front, face aux troupes du Pacte de Varsovie, est volontairement plus modérée mais, une fois de plus, Tchèques, Slovaques et Hongrois se rendent en masse, si bien que l’armée juive arrive sans mal jusqu’à Bratislava et se déploie dans la Puszta hongroise jusqu’aux rives du lac Balaton. Les soldats yougoslaves se montrent plus coriaces, mais l’armée juive, après avoir pris la ville de Klagenfurt, occupe la Carinthie et pénètre en Slovénie avant de s’arrêter devant Ljubljana. Les combats les plus meurtriers se déroulent à Innsbruck où des tireurs isolés harcèlent les soldats pendant six jours, alors que le gros des forces du FATA a été anéanti dans les premières 24 heures.

Au sixième jour de la guerre, le gouvernement de Vienne accepte la demande de cessez-le-feu formulée par le Conseil de sécurité des Nations Unies. L’État juif promet de se replier derrière les frontières historiques de l’Autriche en échange de garanties pour sa sécurité. Vienne se réserve le droit de décider du statut du Tyrol et de la Carinthie provisoirement décrétés zones militaires sous le contrôle de l’État juif.

La victoire s’avère totale, mais difficile à gérer. Dans le Tyrol et en Carinthie, l’État juif assume désormais la responsabilité de populations hostiles. Il lui est impossible de s’en débarrasser par des expulsions, car les pays voisins — Allemagne, Suisse, Italie et Yougoslavie — refusent d’accueillir de nouveaux réfugiés. Même le Liechtenstein, qui s’était illustré en mai 1945 en accueillant et en protégeant des soldats russes ralliés aux nazis après avoir été faits prisonniers, a fermé sa frontière.

L’Allemagne et l’Italie ne sont pas mécontentes de la victoire des Juifs. Toutefois, en Allemagne, des mouvements pacifistes appellent à la solidarité avec les victimes autrichiennes, tandis qu’à Rome des cardinaux organisent des prières pour les catholiques d’Innsbruck. De son côté, la France a décrété un embargo sur les armes, lequel vise officiellement tous les belligérants, bien qu’elle n’ait jamais vendu le moindre fusil à la Yougoslavie, à la Hongrie ou à la Tchécoslovaquie.

En novembre 1967, l’ONU adopte une résolution demandant le retrait des forces armées de l’État juif en deçà des lignes établies en 1948.

L’URSS tout en poussant ses alliés à la guerre a soigneusement évité de s’engager directement et se contente de prendre des mesures de rétorsion interdisant tout échange avec la République du Peuple juif. La guerre des Six Jours a mis en évidence la faiblesse des alliés de l’URSS et le peu d’empressement des soldats des pays frères. La presse soviétique dénonce l’impérialisme sioniste tout en évitant de s’étendre sur la défaite de ses alliés. Michaël Souslov, chef de la section idéologique du Parti, ordonne aux journaux de publier chaque jour les exploits des héroïques combattants du Vietnam, lesquels affrontent l’impérialisme américain. Les officiers soviétiques ayant servi comme instructeurs en Hongrie et en Tchécoslovaquie sont systématiquement remplacés. Les services américains rapportent que deux avions ramenant des officiers de l’Armée rouge des pays frères ont été escortés par des MiG jusqu’à Gorki, l’ancienne Nijni Novgorod, là où le poteau des larmes marque l’entrée dans l’enfer des camps de Sibérie.

Le rideau de fer est renforcé aux frontières de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie. À Vienne, l’Agence juive communique au gouvernement des informations alarmantes : des Juifs soviétiques ont été arrêtés au motif qu’ils ont reçu des lettres de proches installés dans l’État juif. Brejnev a ordonné la fermeture de la grande synagogue de Moscou et plusieurs rabbins ont disparu.

En Pologne, Gomulka épure l’appareil du parti et celui de l’État de tout élément suspecté de sionisme.

Sans que l’on puisse dire s’il s’agit là d’une conséquence de la défaite de juin 1967, le camp socialiste ne tarde pas à être secoué par plusieurs vagues de contestation. En janvier 1968, le Parti communiste tchécoslovaque limoge son premier secrétaire, Anton Novotny, et le remplace par Alexander Dubcek, lequel lance aussitôt une politique de réformes ambitieuses. C’est « le Printemps de Prague », que Brejnev considère carrément comme une contre-révolution inspirée par l’âme juive de cette ville. En vérité, Dubcek a confié la réforme de l’économie à Ota Sik qui n’est pas juif, mais s’inspire d’un économiste soviétique, Evsei Liberman, dont Brejnev a refusé le projet de libéralisation. La Literatournaïa Gazetta dénonce « l’esprit kafkaïen » régnant à Prague. Les Izvestia critiquent vertement le retour de la culture bourgeoise, souvent d’inspiration sioniste. Brejnev s’inquiète de l’ascension rapide de cadres juifs, dont Frantisek Kriegel entré au bureau politique du PCT.

Au même moment, à Varsovie, la suspension des représentations d’une pièce patriotique d’Adam Mickiewicz provoque des manifestations de rue et un mouvement de protestation à l’université. Gomulka et son ministre de l’Intérieur, Miecesyslav Moczar, répondent par une campagne antisioniste censée justifier une violente répression. Les professeurs juifs sont exclus de l’université, l’étudiant Adam Michnik est jeté en prison. Plusieurs milliers de Juifs polonais se voient expulsés et déchus de leur nationalité. Leurs biens confisqués, ils arrivent par train en RFA et n’ont pas le moindre sou pour poursuivre le voyage. L’Agence juive est chargée de récupérer ceux qui le désirent pour les mener dans leur pays naturel, la République du Peuple juif.

Trybuna Ludu, organe du POUP [le PC polonais] se fait une joie de raconter l’accueil un peu voyant de Juifs polonais retrouvant leur famille à Vienne. La preuve du complot sioniste est établie.

Devant le comité central du PCUS, Souslov présente un rapport sur les menées sionistes, affirmant que le gouvernement de Vienne n’a pas renoncé à établir un Judenreich dans l’empire des Habsbourg. Il en veut pour preuve la guerre des Six Jours qu’il soupçonne de préparer la reprise de la Slovénie, de la Bohème, de la Slovaquie et de la Hongrie. Les événements de Varsovie et de Prague ont été provoqués par des éléments sionistes aux ordres de Vienne.

Souslov affirme qu’à Prague, lors d’un rassemblement à l’Université Charles, des musiciens ont joué la Hatikva, laquelle a été reprise en chœur par les étudiants. En vérité, il s’agit du poème symphonique de Smetana, très populaire en Tchécoslovaquie et dont les premières mesures ressemblent à s’y méprendre à celles de l’hymne sioniste.

Le très diplomatique message de félicitations adressé à Vienne le 14 mai 1968 par le général Svoboda, président de la Tchécoslovaquie, pour le vingtième anniversaire de l’État juif est considéré à Moscou comme une atteinte à l’unité du camp socialiste. Les relations diplomatiques de l’URSS avec la République du Peuple juif sont rompues depuis la guerre des Six Jours et, aux yeux du Kremlin, cette rupture vaut pour les pays frères. Les Pragois, jamais à court d’idées s’agissant de railler le Gouvernement soviétique, racontent à qui veut l’entendre que l’URSS est bien un pays « frère » et non un pays ami, parce que les amis, on les choisit !

Selon le Kremlin, la Tchécoslovaquie a ouvert des brèches dans la frontière. La presse soviétique publie deux preuves de la venue de représentants de l’État juif en Tchécoslovaquie. Le 8 mai 1968, des rescapés de Terezin [Theresienstadt] ont participé à une cérémonie commémorative de la libération du camp. La délégation comprenait, selon l’expression de la Pravda, « des dignitaires sionistes ». Plus grave encore, la même Pravda accuse Alexandre Dubcek d’avoir permis la reprise des pèlerinages juifs sur la tombe de Franz Kafka et sur celle du Maharal de Prague. Certes, des Juifs continuent à se recueillir sur les deux sépultures, mais ils ne viennent pas directement de Vienne, les frontières étant rigoureusement hermétiques. Et il est rigoureusement impossible de vérifier si ces pèlerins — qui arrivent de Paris, d’Amsterdam ou de Londres munis de passeports de pays européens — possèdent la double nationalité.

Sur la base de ces révélations, le PCUS lance une offensive idéologique au sein du mouvement communiste international. Brejnev dénonce la ligne politique d’Alexandre Dubcek « empreinte d’idéologie austromarxiste et de sionisme ». En juillet 1968, cinq pays du pacte de Varsovie somment le Gouvernement et le Parti communiste de Tchécoslovaquie de mettre fin « aux menées antisocialistes ».

Le 21 août 1968, l’armée soviétique, escortée par ses alliés du Pacte de Varsovie, envahit la Tchécoslovaquie, mettant fin au Printemps de Prague. Les forces de défense de la République du Peuple juif sont mises en état d’alerte et on rappelle les réservistes. L’occupation de la Tchécoslovaquie est saluée par des manifestations de joie dans les camps de réfugiés du Tyrol et de Carinthie. L’État juif réplique en imposant le couvre-feu à Innsbruck et Klagenfurt et en rappelant, par de brèves coupures de courant, que les deux territoires dépendent lourdement de Vienne.

Cependant, aucun incident n’est à déplorer sur la frontière tchécoslovaque. Les gardes-frontière juifs observent à la jumelle l’arrivée d’unités soviétiques qui procèdent aussitôt à des arrestations. Un avion-espion de l’État juif parvient à filmer un convoi de camions emmenant des officiers et des soldats tchécoslovaques vers une destination inconnue.

En dépit de manifestations d’hostilité, l’opération soviétique est un succès.

Le maréchal Gretchko, ministre de la Défense de l’URSS, déclare, en félicitant ses officiers : « Nous avons vengé la Tchécoslovaquie de l’humiliation que les sionistes lui ont infligée en juin 1967. Le socialisme triomphera de l’impérialisme sioniste ! »

Dans la République juive, nul ne peut plus contester la politique de coopération avec l’Allemagne de l’Ouest. Le pays vit désormais séparé de ses voisins communistes et passe pour l’avant-poste de l’OTAN, dont il n’est pourtant pas membre.

 

Épilogue

En ce mois de septembre 2023, de puissants projecteurs éclairent de bleu et de blanc la façade du château Schönbrunn où des personnalités venues du monde entier, ou presque, se pressent pour assister au soixante-quinzième concert du Nouvel An juif donné par le prestigieux orchestre philharmonique de Vienne. Comme toujours, le public marque le rythme de la marche de Radzetski et vibre au son du Beau Danube Bleu. La Hatikvah qui clôt le concert semble bien avoir été composée pour cette salle des fêtes qui a été témoin de la splendeur des Habsbourg, mais aussi leurs revers quand les soldats de Napoléon bivouaquaient dans les allées du parc.

La République du Peuple juif-Israël a fêté ses 75 ans en mai 2023. Elle a survécu à l’URSS, à la Yougoslavie et à la Tchécoslovaquie. La chute du communisme a permis le rétablissement des relations avec la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie. Les relations avec la Serbie restent tendues, Belgrade persistant dans son soutien aux réfugiés du Tyrol et de Carinthie. La Serbie n’a pas apprécié la création de voies routières et ferroviaires reliant le réseau de l’État juif à ceux de la Slovénie et de la Croatie.

La République du Peuple juif se trouve dans une situation paradoxale. Elle est désenclavée, le blocus du Danube ayant été levé, ce qui ouvre l’accès à la mer Noire, tandis que le fret peut rejoindre par voie terrestre les ports de l’Adriatique.

La relation avec l’Allemagne a fait entrer l’État juif dans l’économie moderne, lui permettant du même coup de devenir une véritable puissance qui vend au monde entier ses innovations scientifiques et technologiques. Sa vie culturelle et artistique rayonne dans toute l’Europe. La chute de l’URSS et des régimes communistes a amené plus d’un million de nouveaux habitants.

Cependant, le rêve égalitaire des pionniers n’est plus qu’un lointain souvenir. La prospérité n’est guère partagée dans les villes qui concentrent un prolétariat séfarade.

Le ressentiment est d’autant plus exacerbé que, contrairement aux Ashkénazes, les Juifs venus du monde arabe sont totalement coupés de leurs pays d’origine. La fracture linguistique renforce les inégalités sociales. L’allemand, seconde langue officielle de l’État juif, demeure la base principale des échanges économiques, même si l’hébreu s’est imposé comme langue véhiculaire. La part séfarade de la culture juive peine à s’exprimer, réduite à la variété quand ce n’est pas au folklore, alors que Vienne et Salzbourg-Kyriat Amadeus donnent le ton, aux sens propre et figuré. L’État juif est au cœur du renouveau de la musique, de la littérature et de la philosophie allemandes.

La République du Peuple juif n’est plus menacée à ses frontières, mais elle compte des ennemis irréductibles à travers le monde. Les pays du Proche-Orient la tiennent toujours pour responsable des guerres qui déchirent le monde arabe depuis 75 ans. Après la guerre de 1948, les accords entre belligérants ont réparti les territoires qui constituaient la Palestine sous le mandat britannique. Ces accords sont régulièrement violés par la Syrie et les diverses fractions libanaises, qui n’ont aucune raison de reconnaître les frontières coloniales tracées par Sykes et Picot pour séparer la Palestine mandataire du Levant français.

L’Égypte a établi sa frontière nord sur une ligne qui mène de Jaffa aux remparts de Jérusalem. La Syrie et le Liban se partagent péniblement la Galilée constamment agitée par des affrontements entre chiites, sunnites, druzes et chrétiens.

Les lignes qui découpent le territoire de l’ancienne Palestine mandataire ne cessent de fluctuer au gré des guerres et des cessez-le-feu.

Partagée entre la Syrie et la Jordanie et surveillée par l’Égypte voisine, Jérusalem est au cœur d’affrontements. En dépit des multiples médiations du roi du Maroc, gardien des lieux saints de l’Islam et de celui d’Arabie Saoudite, la vieille ville et l’esplanade des mosquées connaissent régulièrement des affrontements sanglants. L’armée jordanienne contrôle l’esplanade. Les Syriens ont installé leurs quartiers en contrebas, à l’ombre de l’ancien mur dit des Lamentations. Les milices chrétiennes de Jérusalem, armées par la Syrie, veillent sur le Saint-Sépulcre, au grand dam du Vatican qui réclame un statut de ville sainte internationale pour Jérusalem.

Les pays arabes qui s’affrontent à Jérusalem s’accordent pour attribuer l’origine de leurs malheurs au départ des Juifs. Aucun peuple ne veut assumer la responsabilité des catastrophes qui s’abattent sur lui. Surtout dans ce Proche-Orient, libéré des grands empires pour la première fois depuis trois mille ans ! Les Anglais et les Français ayant laissé les peuples de la région faire leur malheur eux-mêmes, il fallait bien trouver un coupable. Les Juifs jouaient ce rôle depuis si longtemps, mais ils étaient partis à leur tour.

Cependant, la principale source de réprobation internationale de la République du Peuple juif s’appuie sur la situation des réfugiés. Alors que l’accord avec la RFA avait vidé les camps d’une partie de leur population, les aides distribuées par l’office des Nations Unies pour les réfugiés ont pérennisé les enclaves d’Innsbruck et Klagenfurt. À l’initiative des États-Unis, un processus de paix a été enclenché en 1993 entre la République du Peuple juif et le FATA, accordant une autonomie relative aux deux enclaves toujours séparées par la zone militaire et les voies routières. Signé à Oslo, l’accord, loin de pacifier les relations de l’État juif et des zones autonomes, est suivie d’une série d’attentats. Une Autorité Germanique des Alpes est cependant installée à Innsbruck et dotée d’une police. Le FATA est vite débordé par une organisation militaro-religieuse, la Sainte Milice d’Assaut pour la Victoire, en allemand Heilige Angriff Miliz Aus Sieg ! Ce HAMAS s’empare du pouvoir à Klagenfurt, réduisant l’Autorité reconnue par la République du Peuple juif à la seule ville d’Innsbruck entourée de montagnes et de vallées où les colonies juives ne cessent de se multiplier.

Le statu quo s’éternise, ponctué de tirs de roquettes lancées depuis Klagenfurt auxquels répondent des bombardements aériens. La République du Peuple juif affronte désormais des mouvements de boycott et des manifestations hostiles. Elle connaît des déchirements intérieurs, en raison de la poussée d’une extrême droite réclamant l’expulsion des populations non juives.

Les sionistes peuvent se consoler en imaginant ce qu’aurait pu être la situation d’un État juif s’il s’était établi sur les terres des anciens royaumes d’Israël et de Judée, au milieu de peuples hostiles…


Guy Konopnicki

Guy Konopnicki est journaliste et écrivain. Parmi ses nombreux livres, il est notamment l’auteur, avec Brice Couturier, de ‘Réflexions sur la question goy’ (Éd. Lieu Commun, 1988) et de ‘La faute des Juifs – Réponse à ceux qui nous écrivent tant’ (Balland, 2002).

Notes

1 Sur la création du FATA, voir l’épisode 2.

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