# 95 / Edito

Adolfo Kaminsky, né en 1925 en Argentine, est mort le 9 janvier dernier à l’âge de 97 ans. Nous republions le beau portrait que lui avait consacré Élisabeth de Fontenay. « L’artisanat des faux papiers, comme la prise de vue photographique, incite à s’interroger sur ce qu’est l’authenticité » avertit la philosophe pour évoquer ce faussaire au service de la survie et de la liberté – mais aussi photographe qui, plongé dans une existence clandestine, n’a jamais montré son œuvre. Révélée il y a peu, notamment grâce à une exposition au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme et au livre Changer la donne en 2019, cette œuvre aura témoigné d’une vie où l’engagement politique était indissociable d’un œil qui regardait le monde avec attention. « Tu photographies n’importe quoi » lui dit un jour son frère, et de fait l’homme d’action fut aussi un contemplatif, le résistant un flâneur minutieux qui observait la nuit obscurcir Paris, l’eau sur les pavés, les regards que croisait son objectif, les enfants qui jouaient dans les rues…

Au mois d’août dernier nous avions publié, sous la forme d’un feuilleton de quatre épisodes, la première traduction en français d’une longue nouvelle de Grigory Kanovich : « Pauvre Rothschild ». Le texte que nous publions cette semaine de cet auteur, né en juin 1929 à Janova – dans une famille juive de langue yiddish, mais qui écrit en russe – évoque Vilnius, la Jérusalem de Lituanie, la ville de sa jeunesse. Grigory Kanovich s’en souvient et en rêve comme d’un fantôme qui revient le hanter, mais dont pourtant il se refuse de faire le deuil par crainte de détruire ce qui n’est plus.

Le texte de Grigory Kanovich, inédit en français, a été traduit par Elena Guritanu qui, avec Elie Petit, retrace le parcours de cet écrivain de 94 ans – installé en Israël depuis plusieurs décennies, qui a fait paraître de nombreuses nouvelles et dix romans, traduits dans de nombreuses langues. L’ensemble forme une œuvre qui, selon sa description, doit être vue comme « une sorte de saga litvak, un monument écrit à la mémoire des Juifs lituaniens disparus ».

Adolfo Kaminsky est devenu une légende : le résistant faussaire connu pour s’être spécialisé dans la fabrication de faux papiers au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il voulut être peintre, il est devenu un photographe discret, hésitant à montrer son travail. Une vie clandestine, dans son œuvre comme dans ses engagements : après la guerre, il fabrique des faux papiers pour la Haganah, il est le faussaire des réseaux de soutien aux indépendantistes algériens dans les années 1950 et 1960, celui des révolutionnaires d’Amérique du Sud comme des opposants aux dictatures de l’Espagne, du Portugal et de Grèce…

Vilna, Wilno, Vilnus. Yerushalayim de Lita. Ville-songe, inondée par la lumière de la Grande Synagogue. Ville rêvée, aux matins parfumés de brioche à la cannelle. Ville-chimère, aux forêts empêtrées d’effroi. Dans un texte inédit en français, Gregory Kanovitch – l’écrivain lituanien de 93 ans qui vit aujourd’hui en Israël – évoque sa Jérusalem de Lituanie, ville devenue fantôme.

« Mes romans forment une sorte de saga litvak, un monument écrit à la mémoire des Juifs lituaniens disparus. » C’est ainsi que Grigory Kanovich aime à décrire son œuvre. Né en juin 1929 à Janova, dans une famille juive de langue yiddish, il a publié de nombreuses nouvelles et dix romans, traduits dans de nombreuses langues. Au mois d’août dernier, sous la forme d’un feuilleton de quatre épisodes, K. publiait la première traduction en français — par Elena Guritanu — du « Pauvre Rothschild ». En ce début d’année, nous continuons la saga juive de ce prolifique écrivain lituanien de 93 ans avec le récit « J’ai rêvé de Vilnius, la Jérusalem disparue », écrit en hommage à la capitale de la Lituanie. Elie Petit et Elena Guritanu retracent le parcours de Grigory Kanovich.

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Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.