# 81 / Edito

 

On se souvient de la polémique, l’année dernière, à propos du livre de Rosemary Sullivan, Qui a trahi Anne Frank ?, finalement retiré des ventes après avoir été discrédité par le rapport d’un groupe d’historiens. « Nous tenons à présenter une fois encore nos sincères excuses à ceux qui ont été offensés par le contenu du livre » avait déclaré son éditeur Ambo Anthos. Si Anne Frank, qui a acquis un statut d’icône et dont le journal est l’un des plus livres les plus vendus au monde (juste après la Bible, dit-on), fait l’objet d’une actualité récurrente, c’est sans doute parce que son chef-d’œuvre, au-delà de la parole inouïe d’une jeune fille engloutie par la Shoah qu’il restitue, contient aussi un secret et une angoisse persistants. Lola Lafon, dans un entretien inédit disponible en podcast, fait de ce secret et de cette angoisse l’objet de son nouveau livre, Quand tu écouteras cette chanson, paru en septembre dans la collection « Ma nuit au musée » des éditions Stock. Dans cette conversation avec Avishag Zafrani, Lola Lafon témoigne de l’intimité de son rapport à une grande auteure – dont l’œuvre célébrée a été pourtant malmenée dans les éditions successives qui entendaient instrumentaliser sa voix – et dévoile sa propre histoire juive, longtemps tue, vers laquelle l’a conduite sa relecture du Journal d’Anne Frank.

On a beaucoup glosé, ces deux dernières semaines, dans toute l’Europe, sur la victoire de Giorgia Meloni et sur la nature de son parti, Fratelli d’Italia : fasciste, post-fasciste, néo-fasciste, débarrassé de ses liens historiques avec le fascisme ? Simone Disegni revient à son tour sur cette question mais en l’interrogeant cette fois depuis les rapports à ce parti de la communauté juive italienne. Il se demande quels sont les dilemmes et certitudes des Juifs italiens à l’époque de Meloni

Enfin, nous avons voulu revenir sur la documenta et les polémiques sur l’antisémitisme qui, tout l’été, ont entouré en Allemagne la plus grande exposition d’art contemporain au monde. Au début du mois de juillet dernier, Julia Christ faisait le récit d’une folle semaine de discussions et d’excuses toutes en fausse humilité autour d’une œuvre incriminée pour son antisémitisme manifeste et rendait compte des péripéties que la polémique avait suscitées. L’exposition s’est achevée il y a une semaine : l’occasion pour elle de revenir, dans un épilogue à son premier article, sur les derniers actes d’un débat qui a secoué le monde de l’art et l’intelligentsia mondiale, en vue de savoir si, comme l’écrit l’auteure, l’antisémitisme doit avoir, oui ou non, droit de cité en Allemagne, en Europe, en « Occident » en général – mais aussi tout simplement quelque part ; ou si légitimement, la haine des juifs est partout rédhibitoire.

 

Lola Lafon publie ‘Quand tu écouteras cette chanson’, pour la collection Ma nuit au musée des éditions Stock. Si les auteurs choisissent en général des musées d’art, l’écrivaine décide de se rendre à la maison Anne Frank. Ce choix singulier s’inscrit dans le prolongement des thèmes de Lola Lafon, de l’écoute de la parole des jeunes filles, mais il ouvre un chapitre nouveau dans son œuvre : celui de la judéité et de la Shoah, dont on apprend comment il a été occulté dans les relectures du Journal d’Anne Frank, et comment la nécessité d’y revenir a permis à l’écrivaine de dévoiler son histoire juive, longtemps tue. Rencontre et podcast avec Lola Lafon.

Les élections italiennes qui viennent de se dérouler marquent une première. Pas seulement parce que jamais une femme n’avait accédé au poste de premier ministre en Italie ; mais surtout parce que jamais le parti à la tête de la majorité relative n’avait été une force politique héritière – plus ou moins directement – de la tradition fasciste. Dès lors, la question se pose : la consécration de Fratelli d’Italia représente-t-elle un danger pour les Juifs italiens ?

La présence d’une toile ouvertement antisémite dans la plus grande exposition d’art contemporain mondiale – la documenta, qui a lieu tous les cinq ans depuis 1955 dans la ville de Cassel – a défrayé la chronique en Allemagne. La ministre de la culture n’a pas voulu prendre position au nom de la liberté de l’art et le Zentralrat der Juden in Deutschland, le conseil central des juifs d’Allemagne, a demandé sa démission. Récit par Julia Christ d’une folle semaine de discussions et d’excuses toutes en fausse humilité autour de l’œuvre incriminée.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.