#76 / Edito

 

Dernier numéro du mois d’août. Dès la semaine prochaine K. reprendra le rythme habituel de parution de ses textes inédits… En attendant, le dernier épisode du récit de Grigory Kanovich fait basculer le récit de la situation de comédie du départ à la tragédie : ce monde du Shtetl que l’écrivain lituanien a dépeint avec humour et tendresse disparait ; et c’est à cet instant précis qu’Itsik, notre « pauvre Rothschild », qui avait envisagé de quitter son sol natal pour retrouver ses supposés riches parents de l’ouest, exprime par l’engloutissement son lien indissociable à la terre qui l’a vu naître.

Alors que la nouvelle récente du meurtre d’Eliyahou Haddad nous oblige, encore, à nous interroger sur l’éventuel caractère antisémite du crime, nous avons voulu faire entendre à nouveau la colère de Joan Sfar dans le PodKast où, à l’occasion de la parution de son roman Le dernier juif d’Europe, il s’entretenait avec Avishag Zafrani : « Il y a une part colérique de moi qui avait envie de remplir les librairies d’un ouvrage avec marqué « le dernier juif d’Europe ». Avant même d’écrire une ligne, j’avais envie de ça (…) Et à l’intérieur de l’ouvrage, on retrouve effectivement la renaissance de l’envie finalement la plus répandue en Europe et dans le monde : celle de massacrer les Juifs. Depuis que les Juifs existent, à chaque génération se réinvente une façon de les haïr. »

Enfin, nous republions l’article de Marie-Christine Bornes Varol sur les Judéo-Espagnols « d’Orient » – ceux de l’ex-empire ottoman (par opposition aux Judéo-Espagnols « d’Occident » qui se regroupèrent surtout au Maroc). L’auteure nous offre un panorama de cette communauté et de leur survivance, une communauté qu’elle décrit comme « invisible ». Ainsi, elle éclaircit la confusion que peut véhiculer l’appellation de « Sépharade », au sein desquels les Judéo-espagnols dessinent un parcours minoritaire spécifique, et elle revient sur la manière dont la Shoah a frappé cette communauté. Elle nous introduit aussi à ce qu’il reste de la communauté juive de Turquie, leur manière cryptique de cultiver leur religion, dans un environnement où les discours des partis islamistes font des Juifs les comptables de la politique d’Israël et l’objet de nombreuses théories complotistes.

« Le Pauvre Rothschild ne fut point surpris lorsque, au soir du même jour, les victorieux motocycles à panier entrèrent dans la cour des bains, chargés de quelque chose qui ressemblait à des baluches. Le pharmacien Zalman Amsterdamskii lui avait naguère raconté que, dans toutes les villes et les petits lieux, les Allemands rassemblaient tous les Juifs en un seul endroit, les emmenaient en dehors de la ville et les fusillaient. C’était probablement son tour, à lui aussi. »

A l’occasion de notre premier PodKast, rencontre avec Joann Sfar, qui nous devait bien quelques explications concernant le titre de son dernier roman : « Le dernier juif d’Europe ».

Les Judéo-Espagnols « d’Orient » – ceux de l’ex-empire ottoman (par opposition aux Judéo-Espagnols « d’Occident » qui se regroupèrent surtout au Maroc) – « se connaissent et reconnaissent les uns les autres, mais personne ne les connaît », comme nous l’explique Marie-Christine Bornes Varol, qui rappelle qu’en Turquie aujourd’hui, les Juifs ont pour devise « pour vivre heureux, vivons cachés ». Retour sur une histoire complexe, qui s’est déroulée sur un espace géographique et à travers un écheveau de langue tout aussi complexes. Une histoire de la survivance d’une micro-société éparse, dont la Turquie demeure un centre.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.