Ce n’est pas le roman récemment paru de Michel Houellebecq que nous évoquons dans K. cette semaine mais Soumission (paru en 2015). Danny Trom en a retenu une phrase troublante, prononcée par le narrateur quand il apprend que son amie a décidé de quitter la France pour Israël : « Il n’y a pas d’Israël pour moi ». Que peut bien recouvrir une telle affirmation ? L’article « Israël pour tous » s’en saisit pour radiographier les transformations en cours de notre condition politique. L’exil politique, conçu dans la tradition critique européenne comme un exil intérieur — celui qui s’éloigne de son pays géographiquement demeure pourtant rivé à son pays — se transforme-t-il sous l’effet de l’expérience spécifiquement juive de l’exil ? « Il n’y a pas d’Israël pour moi » serait alors le signe qu’un manque, celui que les juifs éprouvent depuis toujours, vient dorénavant se creuser dans la formation de l’expérience politique commune des Européens.
C’est d’un autre exil, difficile mais dénué de la mélancolie évoquée dans le texte précédent, dont nous parle Jacqueline Laznow, celui des Juifs européens qui ont quitté la Russie, l’Ukraine, la Pologne, l’Allemagne ou la France, pour rejoindre l’Argentine à partir de la fin du XIXe siècle. Comment ces Juifs de l’Ancien Monde se sont-ils intégrés dans le Nouveau ? Comment ont-ils maintenu un lien avec l’Europe ? Jacqueline Laznow, auteure d’une thèse consacrée à « la tradition et la mémoire parmi les femmes juives d’Argentine », répond à ces questions.
Le Nouveau Monde encore, mais plus au Nord. Il y a dix jours, un citoyen britannique, Malik Faisal Akram prenait en otage quatre personnes dans une synagogue de Colleyville au Texas. Il exigeait la libération d’Aafia Siddiqui, accusée de liens avec Al-Qaeda et emprisonnée aux États-Unis pour tentative de meurtre sur des militaires américains. Les otages sont sortis indemnes et le ravisseur a été tué. « Il soutenait le trope antisémite extrêmement dangereux selon lequel les juifs contrôlent tout, et que nous pouvions appeler le président Biden pour qu’il la libère », a déclaré Jeffrey Cohen, l’un des otages. Depuis, les synagogues et institutions juives ont renforcé leurs dispositifs de sécurité, dans une Amérique qui, depuis la fusillade de la synagogue de Pittsburgh, ne cesse de s’alarmer de la recrudescence de l’antisémitisme. Alors que l’activité éditoriale française est marquée par le nouvel ouvrage que Pierre Birnbaum consacre justement à l’histoire de l’antisémitisme aux États-Unis[1], K. republie l’article dans lequel le journaliste américain Abe Silberstein s’interrogeait sur les formes de l’antisémitisme qui y sévissent aujourd’hui et témoignait de ses interrogations qui lui font craindre que quelque chose de similaire à la situation européenne s’y installe.
Notes
1 | Les larmes de l’histoire. De Kichinev à Pittsburgh, de Pierre Birnbaum, Gallimard. |